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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/422

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    1. JUSTIN##


JUSTIN, DOCTRINES : LE PÈRE

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Dans le Dialogue avec Tryphon on trouve surtout <1 éveloppé le kérygmechristologi que. Je ne citerai qu’un passage : DiaL, cxxxii, 1, col. 781 D : « Le Jésus que nous reconnaissons encore comme Christ Fils de Dieu, qui a été crucifié, est ressuscité, est monté aux cieux et reviendra encore comme juge d’absolument tous les hommes jusqu’à Adam. » Cf. DiaL, lxiii, 1 ; lxxxv, 2 ; cxxvi, 1. Toutes ces formules sont rassemblées dans Halvn, Bibliothek der Symbole, 3e édit., Breslau, 1897, § 3, p. 5. Cf. F. Kattenbusch, Dus Ai>astolische Symbol, Leipzig, 1900, t. ii, p. 279-298.

Tel est, dans ses grandes lignes le symbole de Justin ; il est aussi celui de tous les chrétiens ; et il n’y a dans les formules qu’emploie l’apologiste, rien de personnel ou qui sente la spéculation philosophique. Sans doute, ce ne sont pas encore des formules stéréotypées ; elles ne sont pas fixées de manière immuable, et certains de leurs détails peuvent s’exprimer de différentes manières. Mais leur contenu est stable. Au sommet de tout, Dieu le démiurge et le maître de toutes choses ; en second lieu, Jésus-Christ, iils du Dieu véritable, notre didascale et notre Sauveur ; en troisième rang l’Esprit prophétique. Sur Jésus, un certain nombre de détails historiques : il est né d’une vierge, il a été crucifié sous Ponce-Pilate, il est mort ; il est ressuscité ; il est monté aux cieux ; il en reviendra pour juger tous les hommes depuis Adam.

11 s’agit maintenant de savoir comment Justin interprète les articles de cette foi commune, comment il les expose ; et aussi s’il ne lui arrive pas, plus ou moins volontairement, d’en compromettre la simplicité par des explications qu’il doit à sa philosophie.

La doctrine de Justin sur Dieu le l’ère.

Le point

de départ de la pensée de Justin, c’est la croyance en Dieu. Cette croyance, Justin ne la doit pas au christianisme. On ne saurait même dire qu’il la doive à la philosophie, car il se mît à l’école des philosophes bien plutôt pour apprendre à connaître ou à démontrer Dieu, que pour le découvrir. Avec Tryphon, il accepte de définir la philosophie un ensemble de recherches surl’unité de Dieu et sur sa Providence, nept (^ovapxîaÇ xal îrpovoîaç Çy)Tr)ceiç, DiaL, i, 3, col. 473 B. Il abandonne le maître stoïcien auquel il s’est d’abord confié parce que celui-ci trouve inutiles les connaissances sur Dieu ; il laisse de même le pythagoricien qui veut faire précéder la recherche de Dieu d’études profanes sur la musique, l’astronomie et les mathématiques, et, s’il s’attache finalement à Platon, c’est parée qu’il trouve chez lui la réponse à ses inquiétudes ou à ses curiosités. DiaL, n.

La première définition qu’il donne de Dieu est toute métaphysique : « Dieu est ce qui est toujours semblable à soi-même et de la même manière et cause de l’être pour tout le reste. » DiaL, ni, 5, co 481 B. Cette définition est commentée un peu plus bas : « Platon dit que l’œil de l’esprit nous a été donné pour pouvoir contempler par sa propre transparence l’être lui-même. Cet être est le principe de tous nos concepts ; il n’a ni couleur, ni forme extérieure, ni étendue, ni rien de ce que l’œil du corps perçoit ; mais, ajoute-t-il, c’est un être au-dessus de toute essence, indicible et inexprimable ; c’est le seul beau et bien ; il se trouve tout de suite inné aux âmes de bonne nature, par une certaine affinité et le désir de le voir. » DiaL, iv, 1, col. 484 A. Voilà, semble-t-il, des définitions bien philosophiques, et qui légitiment au premier abord les interprétations du P. Pfattisch, selon qui l’apologiste serait redevable de sa doctrine sur Dieu aux dialogues platoniciens. Cf. J. M. Pfattisch, Der Einfluss Plalo’s auj die Théologie Justins des Marlyrers, Paderborn, 1910. Mais il faut se rappeler que dans les premiers chapitres du Dialogue, où elles apparaissent, Justin est censé parler en philosophe, tandis que son interlocuteur

expose les idées chrétiennes. Il est donc naturel qu’il y ait ici à faire la part de la littérature.

Toutefois, cette part n’est pas très grande. Même converti, Justin reste fidèle à la philosophie de Platon. Et surtout, il n’a adhéré naguère, il n’adhère encore à cette philosophie que parce qu’il y trouve la réponse à ses désirs ou à ses besoins. Dans les Apologies, la transcendance de Dieu n’est guère moins fortement exprimée que dans les premiers chapitres du Dialogue. « Nous croyons au Dieu très vrai, père de la justice, de la sagesse et des autres vertus, en qui ne se mélange rien de mal. » / Apol., vi, 1, col. 33(5 A. Ce Dieu est innommable, ibid., Lxin, 1, col. 424 C. « Recevoir un nom suppose en effet quelqu’un de plus ancien qui donne ce nom. Les mots Père, Dieu, Créateur, Seigneur, Maître, ne sont pas des noms, mais des désignations motivées par ses bienfaits et ses actions. » II Apol., vi, 1-2, col. 453 A.

L’idée de la transcendance divine n’est pas dictée à Justin par des raisons philosophiques, mais par des raisons religieuses. « Dieu n’a pas besoin des dons matériels des hommes, puisque nous voyons qu’il donne tout ; mais nous avons appris, nous croyons et nous tenons pour vrai qu’il agrée ceux qui tâchent d’imiter ses perfections, sa sagesse, sa justice, son amour des hommes, enfin tous les attributs de ce Dieu qu’aucun nom créé ne peut nommer. » / Apol., x. 1, col. 340 C. Les livres des prophètes, dont Justin, depuis sa conversion tout au moins, faisait sa lecture habituelle ne disaientrien autre chose. Le Dieu d’Israël tel que ceux-ci le représentent, s’élève déjà bien au-dessus de toutes les faiblesses et de toutes les imperfections humaines. Et l’apologiste qui se montre si parfaitement initié aux traditions rabbiniques ne pouvait pas ignorer que les exégètes juifs avaient encore appuyé sur le caractère inaccessible de Dieu. Ce à quoi Justin est surtout sensible, c’est que Dieu diffère des démons qui ont inspiré les fables obscènes du paganisme. I Apol., xxi, 4-6, col. 360 B. Dieu est absolument saint, absolument parfait, si saint et si parfait qu’aucune expression humaine ne peut le définir.

De plus, l’Évangile favorisait encore, aux yeux de Justin cette conception transcendante de Dieu. L’apologiste cite Mat th., xi, 26 : « Personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils ; et personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et ceux à qui le Fils l’a révélé. » / Apol., lxiii, 3, col. 425 A. Il ajoute que ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob, ni aucun homme ne vit le Père et indicible Seigneur de toutes choses. DiaL, cxxvii, 4, col. 773 A. Ce qui intéresse ici Justin c’est de prouver que Dieu ne se révèle pas directement, au monde, qu’il a besoin, pour parler à l’humanité, d’un intermédiaire, qui soit Dieu comme lui, sans doute, mais qui soit pourtant distinct de lui. Les Juifs se trompent lorsqu’ils prétendent que c’est le Dieu innommable qui a parlé à Moïse. « Celui qui reste toujours dans les régions supracélestes, qui ne s’est fait voir à personne, qui n’a jamais parlé par lui-même, celui que nous reconnaissons comme créateur de toutes choses et comme père », DiaL, lvi, 1, col. 596 D, celui-là a envoyé un autre Dieu, différent de lui pour le nombre et non pour la pensé., ë-epoç xoO xà 7tricvTa TCongTavTOÇ Qeoij àpiOjxco Xéyco àXXà où yvâ)ji.Y]. DiaL, lvi, 11, col. 600 C. Toute une partie du Dialogue est consacrée à l’explication d s théophanies rapportées dans l’Ancien Testament. Justin ne peut admettre que le Dieu suprême se manifesté aux Juifs autrement que par son Verbe. C’esl le Verbe qui est apparu à Abraham, à Jacob, à Moïs ; tout de même que c’est le Verbe qui a enseigné aux philosophes païens tout ce qu’ils savent de vérité.

La meilleure preuve que la transcendance de Dieu, aux yeux de Justin, es ! moins un postulat de sa phi-