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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/425

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    1. JUSTIN##


JUSTIN, DOCTRINES : LE VERBE

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veut la ramener en lui-même. C’est de cette manière enseignent-ils, qu’il a aussi fait les anges. » A ces ancêtres inconnus du sabellianisme, Justin répond avec vivacité : « Il a été démontré qu’il y a des anges, qu’ils sont des êtres permanents qui ne se résolvent pas en ce qui les a produits ; et cette puissance que le Logos prophétique appelle Dieu et ange, n’est pas seulement distincte nominalement du Père, comme la lumière l’est du soleil, mais se trouve être quelque chose de distinct numériquement. » Dial., cxxviii, 2-4, col. 776.

Mais alors, il y a un second Dieu. Et que deviennent des déclarations comme celle-ci : « Il n’y aura jamais d’autre Dieu, et il n’y en a pas eu d’autre depuis les siècles que celui qui a fait et ordonné cet univers. Nous ne pensons pas que Dieu soit oour nous (chrétiens) autre que pour vous quifs)… Nous ne mettons pas nos espérances en quelque autre ; il n’y en a pas : mais dans le même que vous, le Dieu d’Abraham, dlsaac et de Jacob. » Dial., xi, 1, col. 497 A. De fait, tout en maintenant fermement le monothéisme, Justin ne peut s’empêcher d’écrire qu’il y a un autre Dieu au-dessous du créateur de l’univers : ton xal Xéyetai 6e6ç xal xôptoç êrepo ; Û7ro t6v noiY)Tr)v tûv ôXojv, ô ? xal àyY £ Xo ; xaXeÏToa. Dial., lvi, col. 597 B.

Il semblerait difficile, après cela, d’affirmer soit l’unité de Dieu, soit la divinité du Verbe. Mais Justin, tout en déclarant que le Logos est différent de Dieu par le nombre, affirme qu’il n’en diffère pas par la’pensée. ëTepoç…àp16[xy, àXXà où yvcàu-fl. Dial., lvi, 1 1, col. 600 C. Il essaie d’expliquer sa pensée par une comparaison : Lorsque nous proférons quelque verbe, nous engendrons un verbe, et ce n’est pas par une amputation, xaxà à7tOTO[xrjv, qui diminuerait le Verbe qui est en nous. De même que nous voyons que d’un premier feu s’en produit un autre, sans que soit diminué le feu où l’autre s’est allumé, tandis qu’au contraire il reste le même, de même aussi le nouveau feu qui s’y est allumé se fait voir bien réel sans avoir diminué celui auquel il s’est allumé. Dial., lxi, 2, col. 616 A ; cf. cxxviii, 4. Évidemment ces comparaisons ne sont pas très satisfaisantes. L’accord de pensée et de volonté entre le Père et le Logos suppose une communauté de nature, et plus que cela, une unité de substance, que Justin n’a pas su exprimer. Du moins faut-il lui reconnaître le mérite d’avoir saisi la difficulté, et d’avoir essayé de s’en rendre maître. Il n’y a pas réussi : sa philosophie était trop courte. Il faut ajouter aussi que la spéculation théologique ne faisait que de naître, et que c’était la première fois qu’avec l’apologiste, elle se mettait à l’étude de ce difficile problème.

Un mot d’ailleurs, ou une expression, que Justin emprunte encore à la tradition, — comme tout ce qu’il a de meilleur, — permet de poser autrement la question : c’est celui de Fils. Car le Verbe est le Fils de Dieu et le seul qui puisse proprement revendiquer ce titre : (16voç t8lo)Ç u16çtw Œco yeyévv7]t<u, I Apol., xxin, 2, col. 364 A ; le Fils de Dieu, le seul qui soit appelé proprement Fils (xuplcoç ul6ç) est le Verbe existant avec lui. // Apol., VI, 3, col. 453 A. Le Verbe est le premier-né du Père : Trporéyovo ; ŒoO XpiOTÔç, 1 Apol., Lvm, 3 ; tepcùtotoxoç ŒoO X6yoç, I Apol., xxiii, 2 ; xxxiii, 6, Dial., cxvi, 3 ; son premier rejeton, îrpÛTOV yévvrftLct, / Apol., xxi, 1 ; le premier-né de toute créature, 7rpwroToxoç Tzàcsrfi xtIœuç, Dial., lxxxv, 2, etc., et même le Monogône, Dial., ov, 1 ; cette dernière expression appartient en propre à l’F.vanglle de saint Jean ; il est vraisemblable que c’est là que Justin l’a trouvée.

Le Fils a été engendré avant toutes les créatures : Justin revient à plusieurs reprises sur cette idée ; et.1. "Fixeront fait remarquer très exactement ladcRsus : « Le saint docteur remonte Jusqu’avant la

création. Il regarde le Verbe comme Dieu personnel, avant toutes choses créées ; il ne va pas au delà ; c’est pour lui l’éternité pratique. ► La théologie anténicéenne, p. 235. L’apologiste écrit par exemple : « Lorsqu’au commencement avant toutes les créatures, Dieu engendra de lui-même une certaine vertu raisonnable que l’Esprit Saint appelle aussi la gloire du Seigneur… » Dial., lxi, 1, col. 613 C. Il cite en le modifiant pour les besoins de sa cause le texte classique de Prov., vur, 22 : « Le Seigneur m’a établi principe de toutes ses voies. » Voici comment il interprète en effet la parole de Gen., iii, 22 : voici qu’Adam est devenu comme l’un de nous. « Ce Fils réellement proféré par le Père avant toutes les créatures était avec le Père, et c’est avec lui que le Père s’entretient comme la parole l’a indiqué par Salomon : que celui-là même était principe avant toutes les créatures et avait été engendré par Dieu comtnj Fils. » Dial., lxii, 4, col. 617 C. « Ce changement introduit dans le texte, ajoute le P Lagrange, dont j’ai emprunté la traduction, est assurément symptomatique. Justin n’a pas oublié le prologue de saint Jean : au commencement le Verbe était. Il s ? garde bien de faire du Verbe le principe ou le commencement des créatures, malgré l’apparence littérale d’un texte sacré dont il ne pouvait euère soupçonner qu’il était mal traduit. » Sain ! Justin, p. 173.

Est-ce à dire cependant que la création du monde n’a pas été l’occasion d’un changement dans I état du Verbe ?, Dieu a possédé de toute ^éternité son Verbe : mais ne l’aurait-il pas proféré, extériorisé, pour créer le monde ? Quelques ^critiques l’ont pensé, en < appuyant principalement sur une phrase obscure de la seconde Apologie : ô Si utoç êxîlvou.ô |i.6vo ; Xey6(i£voî xopîw ; utô ;, ô Xôyo ; 7rpô twv Ttoiïjfx.âT’cov y.cd auv&v x.ai, YSvvûjjisvo ? Ôtst/)v àpx^vo^ aÙToO Ta kxmxx ÏLtigz xal sx60-jj.7)o-s. // Apol., vi, 3, col. 453 A. La traduction de cette phrase, est difficile. M. Puech, Les Apologistes grecs, p. 111, propose la formule suivante : « Le Fils de celui-ci (du Père) celui qui seul est appelé Fils au sens propre du mot, le Verbe qui avant toutes les créatures était avec lui et fut engendré quand au commencement (le Père) fit et ordonna toutes choses par lui. » Il résulte évidemment de cette interprétation que le Verbe n’aurait été à proprement p arler engendré qu’au moment de la création du monde. Mais le P. Lagrange fait remarquer et avec raison, semble-t-il, que l’ensemble du contexte demande que l’on sépare par une pause assez forte Ôts tt)v àpxÀ w °^e ce q ui précède, j} faudrait alors entendre : « Le Fils, le Verbe qui avant toutes les créatures était à la fois présent et engendré, lorsqu’au commencement Dieu créa et orna tout par lui, est appelé Christ. » Saint Justin, p. 173, n. 3. En dehors de cette phrase, rien ne nous autorise à attribuer à Justin la doctrine de la génération temporelle du Verbe. Il est tout au moins prudent de croire que l’apologiste n’a jamais professé cette doctrine et n’a pas estimé que la création avait introduit une modification dans l’existence du Verbe.

Ce qu’il faut par contre reconnaître, c’est que, pour Justin, le Verbe, ou le Fils, est en quelque manière subordonné au Père. Les chrétiens l’adorent en lui donnant la seconde place, èv Seuxepa X"P ? —’Apol., lx, 7. Il est la première puissance après le Père. I Apol., xxxii, 10. Il est au-dessous du créateur de toutes choses, Dial., lvi, 4 ; il n’a jamais rien fait ni dit que ce que l’auteur du monde, au-dessus de qui il n’y a pas d’autre Dieu a voulu qu’il fasse ou qu’il dise. Dial., lvi, 11. Il peut recevoir différents noms, ceux de Gloire du Seigneur, de Fils, de Sagesse, d’ange, de Dieu, etc., parce qu’il exécute la volonté du Père et qu’il est né du Père par volonté. Dial., lxi, 1, col. 613 C. Et l’apologiste écrit finalement : « Ni