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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/437

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JUSTMNIEN I « , DOCTRINE ET INFLUENCE

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Après cette pièce, la patrologie grecque donne le chrysobulle de Justinien à l’higoumène du Mont Sinaï, col. 1149-1152, qui n’a rien à voir avec la théologie, niais a son importance pour l’histoire ecclésiastique, puisque le document sera plus tard invoqué par les archevêques de la sainte montagne pour revendiquer leur autonomie. Par contre, il est permis de rattacher aux œuvres théologiques de notre empereur l’hymne : ô u.ovoYevf, ç Ylôç xal Aoyoç toù 0eoj, qui se chante encore à la messe grecque, et qu’une tradition constante a toujours accordée à Justinien. Elle formule le dogme de l’Incarnation. En voir le texte dans l’Anthologie græca carminum christianorum de W. Christ et M. Paranikas, Leipzig, p. 52 et xxxii. Cf. V. Grumel, L’auteur et la date de composition des Impaire b MovoyEvrjç, dans Échos d’Orient, octobredécembre 1923, p. 398-418. Sur l’authenticité d’autres compositions liturgiques qu’on a également attribuées t’.u basileus, il est fort difficile de se prononcer.

Textes législatifs.

En dehors des écrits déjà

mentionnés, Justinien fait encore œuvre de théologien en maints endroits du Code et des Novelles. Le titre I er du Code est intitulé : De summa Trinitate et fide catholica, et ut nemo de ea publiée contendere audeat, et commence par les mots : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Suivent huit constitutions dogmatiques dont quatre sont composées d’extraits de lois des empereurs précédents ; les quatre autres sont de Justinien lui-même, et se réfèrent principalement à la fameuse formule : Unus de Trinitate carne crucifixus es*. L’une d’entre elles n’est autre que la profession de loi impériale envoyée d’abord au pape Jean II en 533, puis, plus tard, au pape saint Agapet. Voir plus haut, col. 2280. Justinien reproduit aussi la réponse de Jean lia saprofessiondefoi.Cf.P.L., t.LXVi, col.l7-2U. Ces deux pièces sont particulièrement importantes au point de vue de l’ecclésiologie. Importantes aussi sous le mémerapportlesnovelles IX, CIX, CXXXI, CXXX 1 1 1. La novelle CX V 1 1 traite du mariage, et établit d’une manière définitive les causes de divorce, matière qui avait déjà été touchée en plusieurs endroits du Code. Nous avons déjà dit un mot de la législation contre les infidèles et les hérétiques ainsi que des décrets regardant la discipline ecclésiastique. Nous n’avons pas à y revenir

On s’est demandé si Justinien était bien le véritable auteur des écrits théologiques portés sous son nom. Nous croyons qu’il n’y a pas à en douter. Nous ne voulons pas dire par là qu’il n’ait pas fait appel, pour les composer, à l’aide des théologiens de la capitale. Il est très vraisemblable, par exemple, que d’autres que lui ont cherché les nombreux témoignages de la tradition patristique qui constituent une bonne part des ouvrages en question. Mais le basileus a bien marqué le tout de son estampille. Le ton autoritaire, la tournure juridique, qui se trahissent un peu partout, sont des signes non équivoques d’authenticité. Il y a, du reste, une connexion étroite entre les traités théologiques et la législation du Code et des Novelles. Les premiers sont la source et le commentaire de la seconde ; celle-ci constitue comme un résumé de ceux-là. Comme nous l’avons déjà dit, Justinien qui avait étudié la théologie dans sa jeunesse, garda toujours l’amour de la science sacrée. Procope nous le représente lisant assidûment l’Écriture sainte et les Puis et consacrant même une partie de ses nuits à cette étude, De belio gothico, III, xxxii, édit. de lionn, t. iii, p. 409-410. Quoi d’étonnant qu’il ait voulu nous laisser quelques fruits de son labeur ? j

Ce théologien, si préoccupé de ne pus s’écarter de l’oithodoxie définie par les quatre premiers conciles, fil c epend fl nt un faux pas sur la Bn de sa vie. i » après l’historien Évagre, Hist. cccles., iv, 39-11, P. G., t. LXXXVI, col. 2781 sq., le prêtre F.ustrate, dans sa

Vie du patriarche Eulijchius, 133, P. (L, ibid., col. 2313 sq., et Théophane, Chronoyraphia, édit. de Boor, p. 240, il promulgua en 564 ou 565, quelques mois seulement avant sa mort, un édit dogmatique rendant obligatoire pour tous ses sujets la doctrine de Julien d’Halicarnasse sur l’incorruptibilité du corps de Jésus-Christ, doctrine connue sous le nom trompeur d’aphtartodocétisme. Cf. l’article Gaianite (Controverse), t. vi, col. 1002 sq. et Julien d’Halicaknasse, ci-dessus, col. 2131. Le texte de l’édit ne nous est pas parvenu mais on ne peut douter qu’il n’ait été porté. Ce qu’on peut légitimement suspecter, c’est l’idée qu’en donne, en quelques mots, l’historien Évagre. Justinien, ne niait certainement pas que le corps de Jésus-Christ n’ait éprouvé, en fait, la douleur et la mort ; mais il devait enseigner avec les gaïanites modérés, et même certains catholiques, qu’il n’était pas soumis, en droit, à la soufîrance et à la mort, et que la passibilité n’était pas son état naturel ; en un mot, qu’il souffrait comme en vertu d’un miracle. Cette distinction subtile était au moins dangereuse, sinon positivement hérétique. Le basileus n’eut sans doute pas le temps de l’expliquer. Il trouva, pour l’approuver, un synode d’évêques complaisants, qui se réunit à Constantinople en avril 505. Cependant le patriarche Eutychius refusa de le suivre, et fut déposé, le 22 janvier 505. Saint Anastase I er d’Antioche résista également, et n’échappa aux rigueurs de l’empereur, que parce que celui-ci mourut, le 14 novembre 565. Sans ce dénoûment, quelque nouveau schisme aurait sans doute désolé l’Église.

III. Doctrine et influence.

La théologie de Justinien ne présente en elle-même rien de bien original, mais elle concorde, dans l’ensemble, avec celle des théologiens byzantins de l’époque. Inutile de relever ici toutes les affirmations doctrinales que l’on rencontre dans ses ouvrages. Nous allons signaler seulement ce qui offre un réel intérêt pour l’histoire de la théologie. Nous groupons les éléments de ce court exposé sous les rubriques suivantes : 1° Sources de la Révélation ; 2° Ecclésiologic- ; 3° Dogme trinitaire ; 4° Anthropologie ; 5° Christologie ; 6° Sacrements ; 7° Eschatologie.

Sources de la Révélation.

Ce qu’il y a de remarquable

dans les écrits de Justinien relativement aux sources de la Révélation, c’est l’importance de premier plan qu’il donne à la tradition patristique dans les controverses théologiques. Les citations des Pères et des docteurs de l’Église constituent au moins la bonne moitié des traités impériaux. Et ce en quoi le basileus se distingue de la presque totalité îles théologiens orientaux, c’est le caractère d’universalité, on peut dire de catholicité, de son information. Il ne se content e pas, en elfet, d’invoquer la tradition des Pères grecs ; il en appelle aussi à la tradition latine. Saint Augustin, en particulier, est cité en plusieurs endroits. Voir la Con/essio rcctie fidei, P. G., t. LXXXVI a, col. 1033 AB ; la Lettre contre les adversaires de la condamnation des Trois-Chapitres, ibid., col. 1050 B, 1059 D, 1091 C ; une des Lettres au pape Hormisdas, P. L., t. lxiii, col. 497 A. Pour les citations de saint Anibroise, voir Con/essio rectse fidei, col. 1034 C, et TraCtalUS contra monophusitas, col. 1132 CD. Mais c’est surtout dans la Lettre au V* concile œcuménique, du 5 mal 553, telle qu’elle nous a été conservée dans le ms. parisien des Actes latins du V° concile, que se manifeste ce caractère d’universalité. Justinien y énumère, en les entremêlant, les principaux Pères latins et grecs : « Nous suivons en tout, écrit-il, les saints Pères et docteurs de l’Église : Athanasc, Ililaire, Basile, Grégoire le Théologien et Grégoire de Nysse, Anibroise, Augustin, Théophile, Jean de Constantinople, Cyrille, Léon, Proclus, et nous recevons tout