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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/514

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    1. LACTANCE##


LACTANCE, DOCTRINES » 438

ne sont pas sans importance, se posent à l’esprit, sans que l’on soit capable de les tirer au clair.

De quelque manière d’ailleurs qu’on les résolve, il n’en reste pas moins que l’argumentation fondée sur ces textes a fourni à Lactance le moyen de résoudre, sans pétition de principes, la grande énigme de la destinée humaine. Le Christ-Dieu, vérité souveraine, peut être indiqué aux hommes inquiets comme le docteur qui les tire d’incertitude. On a prétendu que l’apologiste n’a vu que ce rôle du Christ ; qu’il a complètement laissé dans l’ombre son rôle de rédempteur, qu’il n’a vu dans le christianisme que l’enseignement moral qui s’y distribue et négligé les moyens surnaturels qui permettent au chrétien d’orienter sa vie vers le souverain bien. Fùt-il fondé, ce reproche ne serait pas équitable ; ce n’est pas dans les préambules de la foi que l’on expose l’ensemble du mystère chrétien. Pourtant, bien qu’en bonne logique il n’eût pas à en parler, Lactance n’est pas sans faire des allusions fort transparentes à ces points de doctrine qu’on lui reproche d’avoir omis. Quand il parle du Christ comme du prêtre éternel, IV, xiv, 20, p. 329, cf. xiv, 3, p. 325, xxix, 15, p. 394, constitué médiateur entre Dieu et les hommes, IV, xxv, 5, p. 376, il est vraisemblable que l’auteur des Institutions a présente à la pensée toute la doctrine que développe l’Épître aux Hébreux. Quand il dit de Jésus qu’il est la nourriture et la vie de tous ceux qui croient en la chair qu’il a portée et en la croix où il fut suspendu, ipse est cibus et vita omnium qui credunt in carnem quam portavit et in crucem qua pependit, IV, xviii, 28, p. 358, il semble bien faire allusion aux doctrines johanniques. Et pour ce qui est des forces que donnent aux chrétiens les sacrements, Lactance n’a pas laissé de les indiquer, d’une manière très discrète, mais néanmoins perceptible. Voir, à propos du baptême, Inst., Vll, v, 22, p. 660 : homo cœlesti lavacro purificatus exponit infantiam cum omni labe vitse prioris, et incremento divini vigoris accepto fît homo pcrfectus ac plenus ; et III, xxvi, 8 et 9, p. 260 : da injustum, insipienlem, peccaiorem, contimw et œquus et prudens et innocens erit, uno enim lavacro malitia omnis abolebitur.

Il n’en est pas moins vrai qu’étant donnés le but qu’il se proposait et l’auditoire qu’il visait, l’apologiste devait insister davantage sur le rôle extérieur du Christ. Celui-ci est d’abord un maître de doctrine, et plus spécialement de morale. Les deux livres V et VI des Institutions sont proprement le résumé de cette morale que distribue l’Église continuatrice de Jésus-Christ. Ici encore on a fait à Lactance le reproche d’avoir présenté sous le nom de morale chrétiennne un bizarre compromis entre les préceptes de l’Évangile et les règles formulées par les philosophes de l’antiquité. Le même reproche pourrait être adressé à saint Thomas, dont toute l’Éthique se ramène à un commentaire d’Aristote. Le fondement de la morale, suivant Lactance, c’est tout d’abord la certitude que nous avons de l’existence d’un Dieu souverain législateur, du but qu’il propose à notre activité, des moyens qu’il nous donne pour l’atteindre. Mais une fois cette base solidement construite, il n’est besoin pour achever l’édifice de la morale que d’étudier l’homme en lui-même. De cette considération de l’homme idéal se tireront sans peine les préceptes relatifs aux vertus diverses que doit pratiquer l’homme concret. Et si Lactance, avec la philosophie antique, insiste sur la justice, racine de toutes les vertus sociales, il n’a garde d’oublier celles qu’a préconisées l’Évangile. De la justice il passe très vite à la charité, source de nouveaux devoirs que les philosophes avaient à peine pressentis et qui appartiennent en propre aux chrétiens. litre opéra propric nostra sunt, qui legem, qui verba ipsius Dei priecipicntis accepimus.

VI, xii, 22, p. 528. Longuement il s’étend sur la chasteté, signalant, avec son indispensable nécessité, tous les dangers qui la menacent. VI, xxiii, p. 654 sq. Voilà un souci qui est spécifiquement chrétien. Plus encore l’importance accordée au repentir dans la vie morale. Cette vertu de pénitence, les anciens l’ont ignorée ; Cicéron signalait bien plutôt le danger qui ferait courir aux bonnes mœurs l’espoir trop facile du pardon. Or Lactance a bien vu que l’attirance spéciale du christianisme lui venait précisément de la douceur avec laquelle il accueillait les âmes repentantes. Sans phrase, sans déclamation, et néanmoins avec une intelligence très avertie des besoins du cœur humain, il établit une des théories les plus compr àhensives de la pénitence que nous ait léguées l’antiquité chrétienne : Nec tamen deficiat aliquis aut de se ipse desesperet, si aut cupiditate victus aut libidine impulsus aut errore deceptus aut si coactus ad iniustitiæ viam lapsus est. Potest enim reduci ac liberari, si eum paniteat actorum et ad meliora conversus satis Deo facial. VI, xxiv, p. 571 sq. Cf. Epit., lxii, p. 748. Qu’on l’entende bien, il s’agit avant tout de ce pardon que l’entrée dans l’Église promet aux âmes qu’accablent leurs fautes, du pardon que leur donnera ce baptême dont nous avons entendu Lactance vanter l’efficacité souveraine. Vraiment il faut ne pas avoir compris notre auteur pour parler, comme le fait 0. Bardenhewer : « En fait d’exigences de la morale chrétienne, Lactance ne parle guère que des préceptes de la morale naturelle tels, que les ont déduits les philosophes. » Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. ii, p. 494. — D’ailleurs tout ce dogmatisme moral n’a-t-il pas finalement son couronnement dans le dogme des récompenses et des châtiments éternels ? C’est le dernier livre, De vita beata, qui donne son sens à toute l’apologétique de notre auteur. C’est en fonction de cet enseignement qu’il faut juger toutes les parties de l’œuvre, c’est par lui qu’elle prend sa signification chrétienne.

Il reste des lacunes sans doute dans l’apologétique de Lactance ; trop souvent son argumentation est faible et manque de profondeur. Si l’auteur excelle en général à poser les problèmes philosophiques, s’il sait analyser, avec de fines nuances, les opinions des diverses écoles, il s’en faut qu’il possède la vigueur dialectique qui pénètre jusqu’au fond même de la question pour apporter la réponse adéquate. Là est proprement son insuffisance, il serait vain de vouloir la dissimuler. Pour se rendre à l’argumentation de Lactance, il ne faut pas avoir trop d’exigences philosophiques. Ce doivent être d’autres raisons que celles du professeur de Nicomrdie, qui, au lendemain de l’édit de Milan, ont conduit les foules païennes vers les baptistères de l’Église.

2° Points. particuliers de doctrine. — Sous cette rubrique nous nous proposons d’examiner un certain nombre de questions étrangères à l’apologétique.où il se trouve que Lactance a émis des opinions assez différentes de celles qui sont devenues l’enseignement commun ou même la doctrine officielle de l’Église.

1. La Trinité.

Sur ce point, qu’il ne touche qu’en passant, Lactance en est resté aux conceptions mises en vogue par les théoriciens du Logos au milieu du ne siècle et au début du m e. C’est dire que d’une part le Fils joue essentiellement un rôle cosmologique et que, d’autre part, le Saint-Esprit disparaît à peu près complètement de la sainte Trinité.

Quand Dieu se décide à créer le monde, il commence par produire un esprit semblable à lui-même, doué de ses puissances, et qui sera l’instrument de la création : antequam ordiretur hoc opus mundi… produxit similem sui spiritum qui esset virtutibus Patris Dei prœdilus. Inst., II, viii, 3, p. 129. Ainsi la prolation du Fils n’est pas éternelle et Lactance ne prend pas