Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/552

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2513
514
LAMENNAIS, DOCTRINES PHILOSOPHIQUES


cendants, et qui n’a encore porté qu’une partie de ses fruits. N. 18 et 19, 2 et 3 novembre 1830, col. 7.

54. Les jésuites ne peuvent plus rien pour la religion, et la bulle qui les a ressuscites atteste seulement que l’Église, dans sa divine sagesse, a voulu qu’une mort naturelle scellât leur destinée. N. 341. Supplément du 22 septembre 1831, col. 8 et 9. Discours prononcé dans la chambre des pairs par l’un des rédacleurs de L’Avenir.

55. (La proposition se termine par une citation Des Progrès de la Révolution, p. 5 et 6) : Le christianisme montra dans le souverain le ministre de Dieu (Rom., xiii), le représentant du Christ, mais en l’avertissant que son droit, fondé sur la loi divine qui l’obligeait comme ses sujets, expirait aussitôt qu’il se révoltait contre le Chef suprême de qui dérivait son pouvoir… Ce n’était point à l’homme qu’on obéissait, mais à Jésus-Christ. Le souverain régnait en son nom ; sacré comme lui, aussi longtemps qu’il usait de la puissance pour maintenir l’ordre établi par le Sauveur-Roi ; sans autorité, dès qu’il le violait… La-soumission du peuple au prince avait pour condition la soumission du prince à Dieu.

II. LE mÊnaisianisme.

La Censure de Toulouse, c’est en quelque sorte le décret Lamentabili de ce moderniste avant la lettre — mais n’est-ce pas à son propos que le terme modernisme a été forgé ? cf. Charles Périn, Le modernisme dans l’Église, in-8 J, de -lï p., Paris, 1881, Duine, Bibliographie, n. 038 — que fut Lamennais : il nous reste à esquisser la synthèse et la systématisation de ses doctrines, , 1’entends par doctrines de. Lamennais non pas tant les directives politiques de La Religion considérée… ou de L’Avenir, que nous avons indiquées en leur lieu, que ce fonds d’idées philosophiques et religieuses qu’il portait en lui, et qui constituaient ce qu’on peut appeler sa structure mentale, son armature intellectuelle. On peut les répartir en deux groupes : la philosophie proprement dite et la philosophie de la religion.

La philosophie de Lamennais.

C’est la logique

et la métaphysique, plus que la cosmologie et l’esthétique de Lamennais, qui intéressent le théologien ; théorie de la certitude, distinction de l’ordre de foi et de l’ordre de conception, problème de l’origine des idées, explication philosophique de la Trinité et enfin mystère des rapports d ; l’infini et du fini ou théorie ménaisienne de la création et de l’ascension progressive et indéfinie des créatures vers Je Créateur : telles sont les principales doctrines philosophiques de Lamennais que nous allons rapidement exposer.

1. Théorie de la carlilude.

Lamennais a été conduit à imaginer son système du sens commun, ou de la raison générale, à la fois par son expérience personnelle et par ses préoccupations politiques et sociales. C’est bien « le solitaire » de la Chênaie qui s’analyse lui-même dans cette curieuse note du t. n de Y Essai, p. 1721 : l’idéologie et la mélancolie, qui résultent pour l’homme de la vie solitaire, Lamennais ne les a si bien décrites que parce qu’il les avait constatées en lui. D’autre part, les peuples aussi ne vivent que de « croyances », ce qui, pour Lamennais, signifie certitudes. Mais comment, dans l’état des esprits où se trouve l’Europe au sortir de la Révolution, rendre aux peuples des croyances communes ? Eh bien, pour l’individu et pour les sociétés, il n’y a qu’un moyen de restaurer la croyance, la certitude, c’est de la soustraire à l’examen, à la discussion de la raison individuelle en l’imposant d’autorité. « Pour éviter le scepticisme où conduit la philosophie de l’homme isolé, au lieu de chercher en soi la certitude d’une première vérité, il faut partir d’un fait, qui est cette loi insurmontable inhérente à notre nature, et admettre comme vrai ce que tous les hommes croient invinciblement. — L’autorité, ou la raison générale, le consentement commun, est la règle des jugements de l’homme individuel. » Défense de l’Essai, p. 179-180. Telles sont les deux propositions positives

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

en lesquelles Lamennais a résumé le point de départ et, sinon la preuve, au moins la légitimité de son système ; il s’appuie sur un fait, ou plutôt sur deux faits constants dans la psychologie de la croyance : nous avons une tendance à < admettre comme vrai ce que tous les hommes croient invinciblement ; » il n’y a pas d’autre « règle des jugements de l’homme individuel » que « le consentement commun ». Donc, si nous voulons éviter le scepticisme, si nous voulons vivre et agir, il nous faut < admettre comme vrai ce que tous les hommes croient invinciblement. » Crois ou meurs : telle est l’alternative inéluctable. < Chercher la certitude, c’est., chercher une raison qui ne puisse pas errer, ou une raison infaillible. Or cette raison infaillible, il faut nécessairement que ce soit ou la raison de chaque homme, ou la raison de tous les hommes, la raison humaine. Ce n’est pas la raison de chaque homme, … donc c’est la raison de tous. On ne saurait prouver directement l’infaillibilité de la raison humaine.. Mais si l’on ne suppose pas la raison humaine infaillible, il n’y a plus de certitude possible ; et pour être conséquent, il faudrait douter de tout sans exception. » Essai, t. ii, p. 171-175, note. « Si l’on ne suppose pas la raison humaine infaillible, il n’y a plus de certitude possible. » Tout le stjslème du sens commun se ramène à cette proposition conditionnelle. Comme on le voit, il repose sur un postulat, ou plutôt sur un besoin : le besoin de certitude ; et il aboutit à un autre postulat, ou plus exactement à une convention arbitraire : supposons la raison humaine infaillible et acceptons comme loi de nos pensées les croyances communes de l’humanité. Déjà Lamennais avaitremarqué que » l’on détruirait complètement la géométrie, si on l’obligeait de prouver les axiomes et les théorèmes qui en sont le fondement. Elle ne subsiste qu’en vertu d’une convention tacite d’admettre certaines bases nécessaires ; convention que l’on peut exprimer en ces termes : Nous nous engageons à tenir tels principes pour certains, et à déclarer quiconque refusera de les croire sans démonstration coupable de révolte contre le sens commun, qui n’est que l’autorité du grand nombre, » p. 153-156. < Qu’est-ce au’une science, sinon un ensemble d’idées et de faits dont on convient ? » p. 118. Le système du sens commun appliqué non seulement aux sciences mathématiques, mais à toutes nos connaissances, et principalement aux croyances fondamentales qui doivent diriger l’homme individuel et les sociétés humaines, aboutit, qu’on le veuille ou non, à fonder la certitude, la vérité, sur une convention arbitraire, sur une décision de la volonté. Telle est la philosophiee !  : la religion de Lamennais. C’est celle « d’un rationaliste fatigué qui se soumet à l’autorité ». (Augustin Thierry.) -cLa foi est l’acte de la volonté qui se soumet, souvent sans conviction, quelquefois conlre la conviction même, à ce qu’une raison extérieure et plus élevée déclare vrai. Voilà pourquoi la foi est toujours possible, moyennant une grâce qui n’est jamais refusée, et voilà aussi pourquoi elle est méritoire. Quiconque veut croire, croit ; car cette volonté est la foi même. » Lettre à la baronne Cottu, 10 août 1829, p. 207.

Et voilà comment Lamennais résout, en le supprimant le problème philosophique même, autant dire la philosophie, qui se voit réduite à n’être plus « la recherche de la vérité, » mais une simple géométrie, dans laquelle on déduit des vérités premières, icçues du sens commun, toutes les vérités secondaires qui y sont, renfermées. En deux mots, plus de « philosophie séparée », mais une philosophie subordonnée à l’ordre de foi, dans lequel se trouve en même temps et sa base et sa règle. » Sommaire, Œuvres coitiplùles, t. i, p. 305.

E. Faguet, Revue des Deux Mondes, 1° avril 1897, p. 573-579, a finement et fortement critiqué le système

VIII. — 80