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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/588

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LANGUES LITURGIQUES


les simples, les ignorants et les femmes de la prière vocale prescrite par les rites et les coutumes de l’Église, comme si cette prière était inutile pour eux du fait qu’ils ne l’entendent pas ». Cette proposition était déclarée « impie, erronée, ouvrant la voie à l’erreur des Bohémiens qui ont voulu célébrer l’office ecclésiastique en langue vulgaire ». Duplessis d’Argentré, Colleclio judiciorum, t. ii, p. 61. De fait certaines tentatives sont timidement faites, dans le diocèse de Meaux, par exemple, pour délatiniser peu à peu la messe. Imbart de la Tour, Origines de la Réforme, Paris, 1914, t. iii, p. 164. Le mouvement atteignit peut-être une certaine ampleur s’il est vrai, comme le rapporte Sarpi, que l’ambassadeur de France, Lansac, fit savoir aux Pères du concile, un jour de juillet 1562, que « la France désirait que la messe et l’office divin se célébrassent en langue vulgaire ». Histoire du cône, de Trente, trad. le Courayer, Amsterdam, 1751, t. ii, p. 378.

4. Les protestants. Le concile de Trente. — Protester contre l’emploi d’une langue qui n’est plus comprise des fidèles, et, sous couleur de mettre les prières liturgiques à la portée des ignorants, célébrer la liturgie en langue populaire, ce fut une idée qu’admirent toutes les hérésies qui au Moyen Age précédèrent et préparèrent le protestantisme. Ainsi firent les vaudois, au témoignage de l’inquisiteur Reinier : Item dicunt quod Sacra Scriptura eumdem effeclum habet in vulgari quam in latino : unde etiam conficiunt in vulgari et dant sacramenta. Contra Waldenses, dans Bibliolheca maxima Patrum, Lyon, 1677, t. xxv, p. 265. — Ainsi plus tard Jean Hus et ses disciples les Frères Bohèmes, sous prétexte de revenir à la pratique de l’Église primitive. Voir Bohèmes (Frères), t. ii, col. 931.

Les protestants suivirent cet exemple. La Confession d’Augsbourg, Articuli in quibus recensentur abusus mutati, iii, de missa, annonce qu’aux chants latins on a cru devoir mêler des chants allemands qui ont pour but d’être un enseignement populaire. Car, ajoutet-ellc, les cérémonies du culte n’ont d’autre but crue d’instruire les ignorants. Saint Paul ordonne qu’on se serve à l’église d’une langue comprise par le peuple. Tittmann, Libri sijmbolici, Leipzig, 1827, p. 23. — Mélanchthon fut plus explicite dans son Apologie de la Confession d’Augsbourg, de Missa : « Nos adversaires, dit-il, nous font une longue déclamation sur l’usage du latin à la messe ; ils montrent, avec une douce ineptie, comment le fait d’entendre la messe sans la comprendre peut être utile à l’auditeur qui est peu instruit de la foi de l’Église ; ils imaginent que ce fait seul est un culte et peut servir, même sans l’intelligence. Nous ne voulons pas perdre notre temps à discuter… Mais comme les cérémonies ont pour but d’enseigner aux hommes l’Écriture, de leur inspirer la foi et la crainte, de les porter à la prière, nous gardons du latin pour ceux qui le comprennent ; mais nous y ajoutons des chants allemands, afin que le peuple ait de quoi s’instruire et s’exciter à la foi et à la crainte. » Tittmann, ibid., p. 191. En fait, dans tous les pays de langue allemande, la substitution de la langue vulgaire au latin dans la messe dont les cérémonies étaient d’ailleurs conservées, fut en général le premier acte de la Réforme.

Ces manifestations et ces critiques, ajoutées à celles des humanistes, donnèrent à l’Église l’occasion de formuler sa pensée. Les Pères du concile de Trente le firent à propos du saint sacrifice de la messe, objet de la xxii c session. Le 19 juillet 1562, on proposa aux théologiens -l’examen de 13 articles sur la messe. Le 9e était ainsi formulé : An missa nonnisi in lingua vulgari quam omnes intelligant celebrari debeat ? Concilium Tridentin., Fribourg, 1919, t. viii, p. 719. Parmi les quelques observations que souleva cet article, deux seulement sont à relever. L’Espagnol

François de Sanctis déclara qu’à son avis on ne doit dire la messe qu’en latin, grec ou hébreu, les trois langues du titre de la croix ; mais qu’en tout cas il ne convenait pas de la célébrer en langue vulgaire ne margaritæ dentur porcis, ne vulgo arcana Dei publicentur et ludibrio habeantur. Ibid., p. 743 ; Theiner t. ii, p. 70. Le conventuel Marc Antoine de Lugo fit remarquer que, si Jésus-Christ n’a dit les paroles de la consécration que devant ses apôtres, c’était pour montrer qu’on ne doit pas les proférer devant tout le peuple. Ibid., p. 745 ; Theiner, p. 71. — Puis furent rédigés les projets de chapitres et de canons. Le c. iv, De ritibus et ceeremoniis, ibid., p. 753 ; Theiner, p. 75, énonçait les raisons pour lesquelles l’emploi du latin, général dans l’Église d’Occident, était à conserver ; d’abord le fait seul qu’il était en usage dans beaucoup de pays ; puis une raison de respect pour les saints mystères et enfin la crainte que des erreurs de traduction n’entraînassent des erreurs de doctrine. Le canon 10 était ainsi conçu : Si quis dixerit missam nonnisi in lingua vulgari celebrari debere, analhema s/7. La discussion de ce texte n’amena que peu d’observations intéressantes. Plusieurs Pères demandèrent qu’on ne portât aucune condamnation contre ceux qui célébraient la messe en langue vulgaire ; l’un d’eux, l’évêque de Veglia, invoqua l’exemple de l’église du Saint-Sépulcre où on célèbre la messe qualibel lingua quee est sub cœlo. Ibid., p. 766 : Theiner, p. 82. —La rédaction définitive tint compte de ces désirs et adoucit encore les termes employés dans le projet. Le canon ne fut pas modifié, mais seulement combiné avec le précédent pour former définitivement le canon 9. Mais le chapitre, devenu c. viii, subissait un profond remaniement. Il n’y était plus question des raisons de s’en tenir au latin, ce qui pouvait être un blâme pour ceux qui usaient d’autres langues ; on affirmait, sans plus, la manière de voir des Pères du concile : « Bien que la messe contienne une abondante instruction pour le peuple fidèle, les Pères n’ont pas cru qu’il fût expédient de permettre qu’elle soit célébrée partout en langue vulgaire ; c’est pourquoi, tout en voulant que l’on garde partout le rite usité anciennement dans chaque Église, et approuvé par la sainte Église romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises… ; » la phrase se terminait par l’exposé des mesures à prendre pour que le peuple comprît mieux les cérémonies et les prières de la messe. Ce fut cette rédaction qui fut solennellement proclamée dans la xxiie session, le 17 septembre 1562. Concilium Tridentinum, loc. cit., p. 961 ; Denzinger-Bannwart, n. 946 et 956.

5. Les jansénistes.

Ils n’allèrent pas jusqu’à combattre l’usage du latin ; mais, comme Érasme, ils plaignaient les fidèles ainsi privés de la consolation de joindre leur voix et leur prière à celles de l’Église. Trois des propositions de Quesnel, condamnées par la bulle Unigenitus, 8 septembre 1713, se rapportent à cet ordre de préoccupations. La prop. 84 prend en pitié les fidèles à qui on enlève le Nouveau Testament ou à qui on ne donne pas le moyen de le comprendre- : « c’est fermer la bouche du Christ. » La prop. 85 revient sur la même idée ; « c’est interdire aux enfants de lumière l’usage de la lumière, et à peu près les excommunier. » La prop. 86 se rapporte, sans le dire, à la question du latin dans la liturgie : « Enlever au simple peuple cette consolation de joindre sa voix à la voix de toute l’Église est un usage contraire à la pratique des apôtres et à l’intention de Dieu. » Denzinger-Bannwart, n. 1434-1436. Cette formule s’éclaire à la lumière de la pratique : l’Église janséniste d’Utrecht ne se servit jamais que de la langue vulgaire pour l’administration des sacrements.

6. Les missionnaires et la langue chinoise.

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