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JOSUÉ. LA PERSONNE ET L’ŒUVRE

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ccntes nous montrent ces villes édifiées, en partie du moins par Ramsès II, Pithom soit à Tell Artabi, soit à Tell-el-Maskhouta, Ramsès à la grande et belle résidence royale de l’i-Ramessé. vers l’embouchure du Nil pélusiaque. Et pour tous ces sites, il est fait mention de temples et de magasins. La résidence pharaonique de Pi-Ramessé établit une harmonie remarquable avec la Rible. Les scènes de la vie de Moïse y trouvent un cadre à souhait. Petit enfant, il est exposé sur les eaux du Nil, du Shihor qui arrose le pays habité par les Hébreux et baigne les murs de Pi-Ramessé. La fille du Pharaon qui a son palais dans cette ville, descend aux bords du fleuve. L’enfant est sauvé, il grandit à la cour. A quarante ans, âge des décisions, il sort pour aller visiter ses frères. Il est témoin de leurs humiliations et de leurs souffrances. C’est le point de départ de sa vocation. Le long règne de Ramsès II (66 ans) s’accorde avec les 40 ans du séjour du libérateur au Sinaï. Il faut attendre que disparaisse ce monarque ombrageux et autoritaire, cet impitoyable persécuteur du peuple de Dieu. Dès que l’obstacle est ôté, Moïse, armé de la force de Jahvé, revient à Pi-Ramessé et c’est avec le débonnaire et indécis Ménephtah qu’il entreprend ces longs pourparlers si bien décrits dans l’Exode. Sur’les bords du fleuve, il accomplit ces merveilles qu’on a appelées les plaies d’Egypte. Quand enfin, il a eu gain de cause, c’est de là, de Ramsès (Pi-Ramessé), qu’il part avec la masse du peuple pour la mer Rouge et le Sinaï. » A. Mallon, op. cit., p. 182. Si elle n’entraîne pas absolument la conviction, cette argumentation ne laisse pas d’être séduisante.

Quelle est donc, à l’époque qui serait ainsi celle de la conquête, premières années du xu° siècle, la situation au pays de Canaan. Par ce mot tout d’abord, on désigne communément la terre promise aux Patriarches et à leurs descendants ; c’est la région située à l’Ouest du Jourdain ou la Cisjordane, qui du Nord au Sud va de Dan à Rersahée, Jud., xx, 1 ; I Reg., iii, 20, ou encore, mais avec des limites un peu différentes, de l’entrée de Hamath jusqu’au torrent d’Egypte. III Reg., viii, 65. Cf. van Kasteren, La frontière septentrionale de la Terre promise, dans Revue biblique, 1895, p. 23-3(i ; Lagrange, A la recherche des sites bibliques, dans Conférences de Saint-Êtienne, 19101911, p. 3-56.

Un nom générique désigne les habitants de cette région : les Cananéens ; mais en fait, nombreux sont les peuples de Canaan ; selon Jos., iii, 10 ; xxiv, 11, il y en a sept, outre les Cananéens ce sont les Hétéens ou Hittites, les Hévéens ou Hivvites.les Phérézéens ou Perizzites, les Gergéseens, les Amorrhéens et les Jébuséens ; la liste de la Genèse, xv, 19-21 en compte dix. Sur l’origine de ces peuples et leur répartition dans le pays cf. J. Touzard, art. Moïse et Josué, dans Dictionnaire apologétique, t. iii, col. 767-774 ; Guthe, Kanuaniter, dans Realencyclopœdie, t. ix, p. 737 sq. De ces peuples, endettés en groupes plus nombreux encore, témoins les trente et un rois vaincus par le chef Israélite, Jos., xiii, 1-24, les plus importants sont les Amorrhéens et les Cananéens, les premiers jadis solidement établis dans la montagne des deux côtés du Jourdain, les seconds, maîtres de la plaine et des régions fertiles où pendant longtemps ils pourront tenir tête aux nouveaux envahisseurs du pays. Si les Philistins ne figurent pas dans le Pentateuque, sur les listes de peuples à conquérir, Josué les mentionne parmi ceux qui restent à chasser, xiii, 2, 3. Cf. Jud., m, 3. Le danger qu’ils firent courir à Israël à la fin « le la période des Juges montre le bien-fondé de l’ordre alors donné dont l’exécution toutefois tarda quelque peu. Sur l’origine des Philistins et leur installation en Canaan cf. Lagrange, Le livre des Juges, p. 262268 : Lcr Crète ancienne, p. 113etsq. ; R. A. S. Macalister The Philistines, thcir Hislonj and their Civilisation, 1914. Notons encore avec le livre de Josué quelques groupements, derniers vestiges des premiers habitants du pays, les Rephaïm, Jos., xii, 4 ; xiii, 12 ; xvii, 15, les Enaqim ou Anaqim, Jos., xi, 21, 22 ; xiv, 12, 15 ; xv, 14, dont la haute taille avait fortement impressionné les espions envoyés par Moïse, Num., xiii, 34 ; déjà dépossédés en grande partie par les Cananéens, ils le seront bientôt tout à fait par les Hébreux. Des Moabites enfin et des Ammonites, apparentés à Israël, il n’est question qu’au sujet de l’établissement de quelques tribus à l’Est du Jourdain.

A ces peuples nombreux, à ces royaumes plus nombreux encore, il manque, pour s’opposer à l’invasion qui les menace, la cohésion ; elle pourrait leur venir ou de l’un de leurs rois plus puissant ou de l’Egypte leur suzeraine ; elle ne viendra ni d’un côté ni de l’autre ; les coalitions des rois du Midi, Jos., x et des rois du Nord, Jos., xi ne révèlent ni un chef unique, ni une action commune, tandis que l’Egypte trop lointaine semble se désintéresser d’une lutte où sa suzeraineté ne lui paraît pas engagée. La situation telle qu’elle se dégage des lettres de Tell-el-Amarna, encore que remontant au xiv c siècle, reflète bien, elle aussi, ce morcellement politique et l’absence d’une autorité capable d’y porter remède. Aussi malgré la vaillance des guerriers cananéens, le peuple d’Israël, fort de l’union de ses tribus et de l’autorité de son chef, plus fort encore du secours de son Dieu va pouvoir réaliser les antiques promesses.

Après le séjour au désert et particulièrement à l’oasis de Cadès où la vie nationale et religieuse avait pris son premier essor grâce à l’adaptation nécessaire de la législation sinaïtique, après l’échec des tentatives de pénétration par le Sud de la Palestine et l’établissement en Transjordane de Ruben, de Gad et de la demi-tribu de Manassé, les enfants d’Israël dans leur ensemble (contrairement aux théories de Winckler, Stade, Wellhausen, Erbt) franchissent le Jourdain sous la conduite de Josué et entreprennent la conquête du pays.

Celle-ci se fit en deux étapes bien différentes et pour la durée et pour la manière. Au début, une action commune assura d’importants succès, la prise de Jéricho et celle de Haï, la victoire de Gabaon sur les rois du Midi et celle des eaux de Mérom sur les rois du Nord. Mais ces triomphes, ainsi qu’il apparaît dans l’histoire subséquente, ne firent que préparer l’occupation qui sera la tâche des différentes tribus. Commencée sans doute à Galgala, poursuivie à Silo et susceptible de remaniements, la répartition du territoire indiquera à chacune d’elles vers quelle région elle devra diriger ses efforts en vue d’une installation durable. C’est ainsi que Juda, secondé par Siméon et ses alliés Qénites, avait dès la bataille de Gabaon, entrepris l’occupation du sud de Canaan dont les places fortes échappèrent en partie à son pouvoir ; c’est ainsi encore qu’Éphraïm et Manassé occupèrent de bonne heure une portion considérable du pays vers le Nord, mais là non plus le succès ne fut pas complet, Gézer demeurant aux mains des Cananéens ; des situations analogues se reproduisent pour les autres tribus (cf. le livre des Juges). Si Josué a préparé, rendu possible la conquête, il ne l’a pas réalisée jusqu’au bout ; ce sera l’œuvre de la période des Juges et des Rois. A la fin de sa carrière, en effet, il restait un grand pays à conquérir. Jos., xiii, 1.

Continuateur de Moïse, Josué ne le fut pas seulement de son œuvre nationale mais aussi de son œuvre religieuse. L’auteur du livre signale à différentes reprises les interventions de Josué dans la vie religieuse de son peuple ; sans doute bon nombre de textes où se