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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/9

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JOACHIM DE FLORE. VIE


même, qui en pairie dans son Psalterium ; l’entrevue avec le pape est rendue certaine par la lettre cidessous citée de Clément III ; toutefois, comme l’itinéraire de Lucius le fait séjourner à Veroli du 27 mars au 28 mai 1184, il faut la retarder un peu. C’est vers ce moment que commence l'élaboration des grands ouvrages.

En 1186, Joachim se rend à Vérone auprès d’Urbain III. Guillaume de Nangis, loc. cit., ad ann. 1186 ; Vincent de Beauvais, Spéculum historiale, t. XXIX, c. nl. Le 8 juin 1188, Clément III lui écrit de terminer au plus vite et de lui soumettre l’Exposition sur l' Apocalypse et la Concordia qu’il avait commencées à l’instigation de Lucius III et continuées sur l’ordre d’Urbain III. Jafîé, n. 16276. Ce document capital réfute l’assertion de Schott, que la papauté ne se serait pas intéressée à Joachim, et les conclusions qu’il en tire. A cette date Joachim était encore abbé de Corazzo ; de même au moment du séjour en Sicile de Richard Cœur de Lion et de Philippe-Auguste. e’est-à-dire durant l’hiver 1190-1191. L’abbé passa alors quelque temps auprès des deux rois : Richard, notamment, l’interrogea sur l’Apocalypse. Les réponses de Joachim nous ont été conservées par Benoît de l’eterborough, Gesta régis Hcnrici secundi, édit. .Stubbs, Rolls Séries, p. 51, et, avec un peu moins de précision et un désir évident de dissimuler les démentis donnés par les faits, par Hoger de Iloveden, Chronica, édil. Stubbs, ibid., p. 75-79. Il aurait annoncé que Saladin succomberait sous les coups de Richard, déclaré crue l’Antéchrist était né à Rome et monterait bientôt sur le trône pontifical. Cartellieri, Philip]' Il August, t. ii, p. 152, suppose avec vraisemblance que c’est à son influence qu’on doit attribuer la confession publique de ses fautes que fit alors Richard, et la pénitence qu’il en demanda à ses prélats.

Joachim quitta peu après, dès 1191, son abbaye et l’ordre cistercien, pour aller avec un seul disciple, Renier, d’abord se retirer dans la solitude de Pietra Lata, puis, à une date inconnue, fonder dans le massif de la Sila, non loin de Cosenza, sous le vocable de saint Jean l'Évangéliste, le monastère, de San-Giovanni in Fiore, destiné à devenir le berceau d’un ordre nouveau, et duquel il prit désormais son nom. Il en donné lui-même comme raison, dans la préface du Psallcrium, le désir de mener une vie plus retirée, à l’abi ï des affaires qum secundum cujusdam coloris sut tpeciem vere secuîaria sunt . En 1192, le chapitre général des cisterciens citait Joachim et Renier à comparaître avant la Saint-Jean, sous peine d'être traités en fugitifs ; la citation devait être notifiée à Home par un messager spécial. Marlène, Thésaurus (inredotorum, t. IV, p. 1272. Cela rend peu vraisemblable l’assertion de Greco, que Joachim aurait agi avec l’autorisation du pape. Quelques années plus tard, Raoul de Coggeshall, toc. cit., p. <w, d’après Adam de Perseigne qui avait rencontré Joachim à la cour pontificale vers 1195, parle avec une certaine hostilité de ce « cislercien qui élail fort peu soumis aux cisterciens. » Joachim était sans doute en cour de Rome précisément pour demander que l’on régularisât sa situation et que l’on confirmât son nouvel ordre. Il ol>1 in1 l’un et l’autre par une bulle de Célestin III, du 25 aoôl 1 196. Jal’fé. n. 17125. Malheureusement les constitutions approuvées sont perdues, et

> r i connaît mal le genre de v le de ['ordre de Flore.

Dans une bulle de 1227, qui défendait aux cisterciens de recevoir les apostats de Flore, Grégoire IX le dit assez sévère ; dans la bulle de canonisation de saint Dominique, il rapproche Flore de Ctteaux ;

les moines de ces deux ordres (vêtus de blanc) sont les chevaux blancs qui liaînent le I loisième des

quadriges symboliques de l'Église Potthast, n. 9489.

Ce n’est pas le lieu de raconter l’histoire de l’ordre, qui d’ailleurs n’a eu qu’une importance locale en Italie et surtout en Calabre. Papebroch a réuni l’essentiel ; cf. aussi Heimbucher, Die Orden und Kongregationen der kalholischen Kirche, t. i, p. 267. La congrégation, qui compta en Italie jusqu'à 38 maisons d’hommes, et 1 de femmes, tomba en décadence au xvTe siècle, et se fondit, soit avec les cisterciens, soit, pour quelques maisons, avec les chartreux ou les dominicains.

En Ire temps s'était passé un fait de première importance pour l’histoire de l'Église et de l’Italie du Sud : la conquête du royaume de Sicile par l’empereur Henri VI. On aimerait à savoir quelle fut alors l’attitude de Joachim ; d’autant qu’on exploita plus tard son souvenir contre les Hohenstaufen. Il semble que ce soit tout à fait à tort. D’après Greco, il aurait, dès avant la mort de Guillaume II, prédit des troubles en Sicile. Il est difficile de critiquer un autre récit du même Greco : Joachim venant trouver Henri VI, à son camp devant Naples (1191), lui reprochant ses cruautés, lui annonçant un échec momentané et le triomphe final « qui lui était dû » ; l’empereur le protégeant contre les Allemands qui voulaient lui faire un mauvais parti. En tout cas, dans la suite, on le trouve en très bons termes avec la nouvelle dynastie ; il a reçu des dons et des privilèges de Henri VI et de l’impératrice Constance. Schott, loc. cit., p. 346-347. L’anecdote rapportée par Greco qui le montre invité par l’impératrice à recevoir sa confession, et refusant de l’entendre tant qu’elle ne s’est pas mise à genoux devant lui, montre une grande conscience de la dignité du sacrement, mais n’implique pas d’esprit d’opposition, comme le pense Schott, qui la rejette pour ce motif.

En somme Joachim paraît avoir été un vrai contemplatif, sincèrement retiré du siècle et indifférent au jeu de ce monde ; la politique proprement dite ne tient à peu près aucune place dans ses écrits authentiques, malgré ses relations avec plusieurs souverains. Et même — bien qu’il ait paru, au début de sa carrière, en avoir quelques velléités — il n’est pas, comme tant d’autres personnages des xiie et xiite siècles, un prédicateur et un apôtre populaire. Il a mis résolument la contemplation au-dessus de l’action, même de l’apostolat, Jean au-dessus de Paul. Cf. les textes réunis par Tocco, L’ercsia…, p. 282, n. 1. Plus tard ses adversaires ont pu lui reprocher une certaine tendance à l'ésotérisme : ainsi la commission d’Anagni prendra texte du prologue de son opuscule De articulis /idei adressé à un de ses disciples, Jean, avec la recommandation : Tene apud le et loge sub silentio, observons ne pervenial ad manus eorurn, qui rapiunt verba de connallibus elcurrunt cum clamorc ut pocentur ab hnminibus rabbi, pour l’accuser de vouloir répandre ses livres in abscondito, more hereticorum. Déni fie, Dos lù'angelium iclernum, p. 138. Mais l’on voit que l’abbé de Flore avait, de son vivant même, la réputation d’un saint et d’un voyant ; il n'était pas seulement un théologien de cellule. Encore ne faut-il pas exagérer son prestige, qui a été surtout local. L’entourage cccléMastique de Richard ("irur de Lion ne fut nullement convaincu par ses interprétai ions ; on discuta beaucoup sans se convaincre mutuellement. De nu" nie. Raoul de Coggeshall, ou plutôt Adam de Perseigne, auquel Joachim dit qu’Innocent III n’aurait pas de successeur, et que la Babylone où naîtrait l’Antéchrist devait s’entendre de Home, ne paraît pas l’avoir pris très au sérieux. « Ce qu’il faut penser de son assertion, ou plutôt de son Opinion, nos successeurs en jugeront mieux. »

Joachim est mort entre le mois de septembre 1201, laie à laquelle Siméon de Mamistra et sa femme lui