(col. 267). — VI. Le caractère, la doctrine, la politique de saint Léon (col. 278).
I. Jeunesse et élection de saint Léon.
Le Lifter ponti/icalis présente saint Léon comme originaire de Toscane : Léo natione Tuscus, ex paire Quintiuno. Lib. pont. édit. Uuchesne, t.i, p. 238. On ignore tout de ce Quintianus. Les gens de Volterra, écrit Tillemont, Mémoires, t. xv, p. 414, font solennellement la fête de saint Léon « et veulent qu’il fust de leur ville, mais ils ne le prouvent pas. » D’autre part, on fait valoir que Léon parle de Rome en l’appelant sa patrie Epist., xxxi, 4. Mais Rome peut être sa patrie dès là qu’il en est l’évêque, sans qu’il y soit né.
Vigile de Tapse, Contra Eulych., iv, 1, P. L., t. lxii, col. 119, rapporte que saint Léon a rendu le témoignage de la droite foi sous le pape Célestin (422-432). On a compris ce texte comme signifiant que Léon avait été baptisé par Célestin. A ce compte, Léon aurait été baptisé bien tard, encore qu’on ignore l’année de sa naissance. Cependant, le fait que, dès le temps de Célestin, Léon avait dans le clergé romain une situation de premier plan, suggère que sa carrière ecclésiastique avait dû commencer de bonne heure, et porte à rejeter l’hypothèse de ce baptême tardif. En 418, on signale un acolyte romain du nom de Léon, qui porte à l’évêque de Carthage Aurélius une lettre du prêtre Xystus de Rome (le futur pape). S. Augustin, Epist., cxci, 1. Cet acolyte romain est-il saint Léon ? On ne peut l’affirmer.
En 431, Léon fait sûrement partie du clergé romain. A cette date, en effet, Cyrille d’Alexandrie, écrivant à Rome pour mettre le Siège apostolique en garde contre les manœuvres de Juvénal, évêque de Jérusalem, croit devoir écrire aussi à Léon pour l’intéresser à ses vues. Nous le savons par Léon lui-même, qui écrit en 453 à l’évêque Maxime d’Antioche : Sanctse mémorise Cyrillus Alexandrinus episcopus… scriplis suis mihi qaid prædicti (Juvenalis) cupiditas ausa esset indicavit, et sollicita prece multum poposeit ut nulla illicitis conatibus præberetur assensio. Epist., cxix, 4. Léon occupait une place assez en vue, assez prépondérante, dans l’Église de Rome pour que l’évêque d’Alexandrie tînt à s’assurer son appui en vue d’empêcher l’ambitieux évêque de Jérusalem de revendiquer le Palsestinse provinciae principatum. Gennadius, De vir. ill., 62, donne à saint Léon le titre d’archidiacre de l’Église romaine.
En 430, Jean Cassien a publié ses Libri VII de incar natione Christi contra Nestorium. Cassien par ce traité a instruit pour Rome l’affaire de Nestorius : Cassien, qui a été jadis fait diacre à Constantinople par saint Jean Chrysostome, a l’avantage de pouvoir lire en original les sermons de Nestorius ; toutefois, mêlé plus qu’il n’aurait voulu à la controverse semi-pélagienne, il ne se serait sans doute pas jeté dans l’affaire de Nestorius, s’il n’y avait été invité : or il a été invité de Rome même et par Léon. Il le dit dans la préface de son traité : « Tu as vaincu ma résolution de garder le silence et tu l’as vaincue par ton louable zèle et ton impérieux sentiment, mi Léo, veneranda ac suscipienda caritas mea, romanse Ecclesise ac divini ministerii decus. » Ici le mot minislerium peut désigner le diaconat et faire allusion à la place occupée par Léon entre les sept diacres de l’Église romaine. Cassien continue : Exigis ut de ipsa incarnatione Domini ac majestate dicamus… Exigis ac jubés… Pareo observationi tuée, pareo jussioni. L’intervention de Léon auprès de l’auteur très considéré des Collationes, a dû être pressante, amicale, mais elle vient de haut ; c’est un ordre.
On sait que les controverses pour et contre saint Augustin, qui agitaient la Provence autour de 430, furent portées à Rome par deux moines de Marseille (Cassien résidait aussi à Marseille), et que le pape
Célestin intervint par une lettre, Jaffé, n. 381, adressée à Vénérius, évêque de Marseille, et aux autres évêques des Gaules, lettre prudente, qui invite la nouveauté à ne pas attaquer la velustas, et les controversistes a ne pas toucher à saint Augustin que Rome a toujours eu dans sa communion. A la lettre de Célestin est annexé une sorte de syllabus des décisions portées sur les matières de la grâce par les redores romanse Ecclesiæ, et des décisions des conciles africains que les mêmes recteurs ont approuvées. Il s’agit des décisions du pape Innocent I er et du pape Zosime, des conciles de Carthage et de Milève. L’auteur du syllabus prend acte que les polémistes qu’il a en vue acceptent ce que le Siège apostolique a défini surlagrâceetn’acceptentrien de plus : il va donc exposer ces décisions du Siège apostolique, beatissimie et apostolicæ Sedis sanctiones, pour conclure ensuite que, sur la grâce de Dieu, abstraction faite des questions plus difficiles et moins nécessaires, il suffit de croire ce que le Siège apostolique a enseigné, et d’estimer non catholique ce qui sera contraire aux dites définitions. Ce syllabus, qui porte en titrePrœterilorum Sedis apostolicæ episcoporum auctorilates de gratia Dei, P. L., t. xlv, col. 1756-1760, mais qui ne porte pas de nom d’auteur, a été revendiqué par Quesnel pour saint Léon, conjecture qui est très plausibles. Voir B. J. Kidd, A History of the Church io A. D. 461, 1922, t. iii, p. 156-157. O. Bardenhewer, Geschichle der altkirchl. Literatur, t.iv, 1924, p. 617, ne se prononce pas. Quand plus loin nous étudierons la doctrine de saint Léon sur la grâce, nous verrons qu’elle est établie sur les lignes mêmes du dit syllabus.
Le traité anonyme De vocatione omnium gentium, P. L., t. li, col. 647-722, revendiqué pour saint Léon par Quesnel, reste l’œuvre d’un inconnu pas antérieur à 440, pas postérieur à 496. L’Epistula ad sacram virginem Demetriadem, P. L., t. lv, col. 161-180, peut être du même auteur inconnu. Bardenhewer, ibid., p. 541-542.
Prosper d’Aquitaine fait honneur à saint Léon d’avoir inspiré au pape Xyste III, en 439, sa sévérité envers le pélagien Julien, ancien évêque d’Éclane, sollicitant sa rentrée dans la communion de l’Église. Prosper, Chronic, an. 439, P. L., t. li, col. 598. Nous verrons plus loin la sévérité du pape Léon contre les clercs pélagiens qui essayaient de reprendre rang dans le clergé en dissimulant leur hérésie.
La situation de Léon à Rome devait être à la fin du pontificat de Xyste exceptionnelle, pour qu’il ait été envoyé dans les Gaules, en 440, en vue de mettre fin au conflit du patrice Aèce et du préfet du prétoire Albinus. Prosper, an. 441, ibid., col. 599.
Léon était en Gaule pour cette mission politique, qui ne pouvait pas ne pas lui avoir été confiée par la cour de Ravenne, lorsque le pape Xyste III mourut (19 août 440). L’Église de Rome ne crut pas pouvoir élire un meilleur évêque que le diacre Léon : il fut élu quoique absent, et consacré à son retour, le 29 septembre 440. La vacance du siège avait duré quarante jours, écrit Prosper, sans que rien eût troublé la paix ou la patience de l’Église romaine dans l’attente du jour où le diacre Léon, ramené par une légation qu’on lui avait envoyée, serait présenté à sa patrie en joie. Un pontificat s’ouvrait, qui allait durer vingt et un ans et être l’apogée de la papauté antique.
IL Saint Léon évêque de Rome. — 1° La dignité de l’évêque de Rome. — Nous possédons le sermon prononcé par saint Léon le jour de sa consécration, Serm., i. « L’affection de votre sainteté, dit-il à son peuple, a voulu croire présent celui que la nécessité d’une longue pérégrination faisait absent. Je rends grâces à notre Dieu, et toujours je lui rendrai grâces, pour tous les bienfaits que je lui dois. Je célèbre en même temps par une action de grâces bien due e