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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

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similation. T. i, p. 321, 322. Il ne semble même pas se douter qu’il puisse sortir de l’orthodoxie, que l’Église puisse le soupçonner. Il est le chevalier de l’Église, il relève toute atteinte à ses droits, à son honneur ; et quand le Globe a parlé de la Décadence du catholicisme, 2 janvier 1831, le 7, Y Avenir public une réponse au Globe : Mouvement d’ascension du catholicisme qu’il terminait par ces mots : « Puisque nous sommes jeunes les uns et les autres, nous donnons rendez-vous au Globe à la cinquantième année du siècle, dont nous sommes les enfants. » T. i, p. 159-187.

Il avait certes obtenu des résultats : il avait rendu aux catholiques conscience de leur force sociale et obligé par conséquent leurs adversaires à compter avec eux. Dans l’article qu’ils intitulent : Suspension de Y Avenir, ses rédacteurs pourront se louer, par exemple, de ce que « ne laissant jamais sans réplique les attaques et les calomnies de journaux ministériels, ou prétendus libéraux contre l’épiscopat et la religion », ils ont obligé ces journaux « à changer de langage et à établir un contraste frappant entre celui qu’ils tiennent aujourd’hui et celui qui remplissait leurs feuilles sous la Restauration ». 15 novembre 1831, t. vii, p. 150. Mais, vainement, ils avaient invité les évêques à prendre la tête de la nouvelle croisade ; l’épiscopat s’était tu. On l’appelait, en effet, à un geste qui ne pouvait lui plaire : rompre avec l’État, renoncer de lui-même à une situation officielle, qui, pour avoir ses inconvénients, avait néanmoinsses avantages, au salaire du clergé, peut-être aux églises. Voir t. iii, p. 193, 214. La plupart des évêques, en effet, avaient aspiré, pendant toute la Révolution, à la restauration du régime concordataire, et si plusieurs, comme l’archevêque de Quélen, tenaient rigueur à la nouvelle monarchie de ses origines, tous désiraient s’arranger de la situation. Puis cette « dictature » de Lamennais et de YAvenir, soulevant sans aucun mandat les questions les plus ardues et les tranchant sans appel, intervenant dans les nominations épiscopales, acceptée d’enthousiasme par le clergé, proclamée par le Globe, ils ne pouvaient l’accepter. Ils n’oubliaient pas non plus que les principes de YAvenir avaient été posés par la Révolution et que l’Église gallicane en avait durement pâti. Enfin, surtout après les articles de YAvenir, sur l’affaire du 14 février, après la lettre du P. Ventura, la presse légitimiste de Paris et de province, qui défendait le vieil idéal politique et religieux de l’Église gallicane, créant partout un état d’esprit hostile à YAvenir, entraîna l’épiscopat. « L’Ami de la religion et du roi en tête, » dit l’Avenir du 15 novembre 1831, t. vii, p. 154, on commença par nous imputer « une haine implacable pour la dynastie exilée ». puis, calomnieusement, « pour se venger d’une différence d’opinion », on attaqua « la vie privée de ceux d’entre nous qui sont prêtres » ; enfin, l’on colporta « que nous faisions une scission déplorable parmi les catholiques de France, que nous semions partout un esprit de révolte et d’incrédulité, que nous voulions le mariage des prêtres et que, surtout, nous étions en pleine rébellion contre les évêques de France. On a été jusqu’à nous imputer des desseins de révolte contre Rome ! Oui, contre Rome 1° Cf. t. iv, p. 58-56, 116-117. L’épiscopat garda le silence ou à peu près : « Un seul évêque a manifesté son improbation à l’un d’entre nous et encore n’est-il entré dans aucune explication. » Il y eut aussi deux mandements dont un, la Lettre pastorale de M. le cardinal archevêque de Besançon (de Rohan) à son clergé, 16 avril 1831, prit une importance spéciale parce qu’il était envoyé de Rome. Il était conçu d’ailleurs en termes voilés. L’Avenir, qui n’était pas nettement désigné, tenta de donner le change. T. vii, p. 1, 188. Mais plusieurs évêques pri rent d’éloquentes rigueurs contre les prêtres ou les séminaristes soupçonnés de libéralisme : * Des destitutions les plus étranges ont été prononcées contre des prêtres » sans reproches : l’expulsion contre les professeurs des séminaires qui avaient le malheur d’enseigner une doctrine qu’ils croient de Rome, le refus des ordres sacrés inlligé aux séminaristes suspectdépartager notre doctrine, quelquefois même Yinlerdiction ipso facto, prononcée contre nos abonnés ecclésiastiques. » Cette attitude de l’épiscopat perdit l’Avenir. A la fin de 1830, il comptait 2 300 abonnés : trois mois après, le désaveu muet, mais agissant, de l’épiscopat lui en enlevait 800, et comme il avait commencé avec un simple capital de 26 actions de 3 000 francs, en mai 1831, pour ne pas mourir, il dut faire un appel aux catholiques de France, tandis que ses éditeurs belges faisaient un appel aux catholiques de Belgique. Cf. t. iv. p. 175-191, 213-217 : t. vu. p. 141-145.

4° L’ « Avenir » et Home. La lettre du P. Ventura et le silence de Rome. — L’Avenir regarde sans cessevers Rome. Non seulement ses rédacteurs assurent le pape « de leur soumission sans bornes, de leur amour indéfectible », mais ils lui préparent un grand rôle. Tenu à l’écart par les rois, il n’a pu remplir en ces derniers siècles, sa divine mission, mais dans le monde régénéré par la liberté qui se prépare, il est appelé à faire, « suivant les circonstances du siècle, ce que Grégoire VII faisait, il y a huit cents ans, suivant l’esprit de l’époque où vécut ce grand pontife ». T. vi. p. 398. « Oui certes, il se prépare quelque chose d’extraordinaire, a déjà dit Lamennais… Bientôt une parole puissante et calme, prononcée par un vieillard dans la Cité-Reine, au pied de la croix, donnera le signal que le monde attend de la dernière régénération. » Car, « opérant derechef l’union intime de la foi et de la science, de la force et du droit, du pouvoir et de la liberté, » il pénétrera les peuples « d’un esprit nouveau » et réalisera l’unité chrétienne. T. i, p. 475479. Pie VIII était mort le 30 novembre 1830 ; c’est à Grégoire XVI que s’adressaient ces appels.

Or, avertis par une lettre privée du P. Ventura à Lamennais, que toutes les idées de l’Avenir ne plaisaient pas à Rome, ayant conscience d’avoir peu ménagé certains « préjugés » et certaines « affections ». dans leur hâte d’exposer leurs idées, t. iv, p. 189, et d’avoir ainsi provoqué d’irréconciliables haines, émus aussi par l’hostilité de l’épiscopat qui leur a fait perdre 800 abonnés en trois mois, t. v, p. 428. les rédacteurs de l’Avenir, après avoir gagné à Paris les deux procès catholiques, tentèrent de gagner à Rome leur procès.

Tandis que Lamennais répond à Ventura, Gcrbet rédige et tous signent le 6 février, pour l’envoyer au nouveau pape, une Déclaration présentée au Saint-Siège par les rédacteurs de V i Avenir. n. 113. t. ii, p. 457-478. Après avoir protesté « de leur soumission sans réserves », ils font une exposition des doctrines de l’Avenir ainsi divisée : a) doctrines philosophiques : doctrine du sens commun et distinction entre Yordre de foi et l’ordre de conception ; — b) doctrines théologiques : ultramontanisme antigallican, théories sur le pouvoir temporel, sur les rapports entre la puissance spirituelle et la puissance temporelle, sur l’union de l’Église et de l’État, sur le droit divin, l’inamissibilité du pouvoir et l’ordre légal : — c) propositions rejetées par F Avenir » sur les mêmes questions ; — d) application de ces doctrines à l’étal actuel des choses en France. Et, après avoir rappelé que leur libéralisme est celui des catholiques belges et irlandais, ils supplient » le vicaire de Jésus-Christ, lui renouvelant la promesse de leur parfaite docilité, de les avertir « si, dans ces principes, il y a quelque chose de contraire à la foi ou à la doctrine catholique ».