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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LUTTES D’IDÉES SOUS PIE IX 608

serait la persécution, ce dont Dieu nous garde. » Cf. Ollivier, loc. cit., p. 234-240.

Un peu plus tard, quelques libéraux prièrent encore Napoléon III « de solliciter du Saint-Père, au nom de l’humanité et de la raison, une prorogation du concile, du 1 er juillet au 15 octobre ». Ollivier, loc. cil., p. 328, 329 ; mais, avant que la réponse fût arrivée, « la fatigue avait vaincu tout le monde ». Tous voulurent en finir. L’opposition ne demanda plus qu’une chose : c’est que, dans la définition de l’infaillibilité, fût affirmée la nécessité d’un certain consentement de l’Église. Une députation, dont Mgr Darboy fut l’organe, alla même supplier Pie IX d’intervenir dans ce sens. Ce fut en vain. Dans la définition figurèrent les mots ex sese non auiem ex consensu Ecclesise. C’était le 16 juillet. Le 18, un dernier vote devait être émis en séance solennelle ; il porterait sur le chapitre De Ecclesia tout entier, après quoi il serait promulgué par le pape et l’infaillibilité serait un dogme. Sur le conseil de Dupanloup, qui jugeait contraire à l’esprit ecclésiastique de dire Non placet, et impossible de dire Placet, cinquante-cinq opposants, la presque totalité, quittèrent Rome le 17, en adressant au pape une lettre explicative. Le même jour Dupanloup et Strossmayer adressaient encore à Pie IX une autre lettre où ils le suppliaient d’ajourner à novembre la confirmation et la promulgation de la constitution.

Les évêques libéraux s’inclinèrent devant la décision du concile. Ils n’avaient jamais contesté d’ailleurs que l’opportunité de la décision, eux qui précédemment, et Pie IX l’avait fait remarquer au concile le 18 juillet, abondaient dans le sens ultramontain. La constitution Pastor eeternus ne les atteignait pas à l’égal de l’encyclique Mirari vos ; néanmoins, ils apparaissaient comme des vaincus et, moins que jamais, leur doctrine devait entraîner les masses croyantes, surtout après la défection de leur allié, Dœllinger.

7° Du concile du Vatican à la mort de Pie IX, (1870-1878). — « Qu’ils le veuillent ou non, les auteurs du schéma créent, par leur définition, un ordre nouveau rempli de périls, » avait dit Mgr Darboy au concile le 20 mai et, le 15 juillet, dans la démarche de la minorité auprès de Pie IX, pour suggérer entre autres choses, une formule mitigée de l’infaillibilité pontificale, Ketteler s’écriait : « Bon Père ! sauvez-nous, sauvez l’Église de Dieu. » Mais le monde moderne, distrait peut-être par les événements politiques, comme la guerre franco-allemande, la chute de l’Empire et la Commune en France ne jugea pas ses principes plus menacés par la proclamation de l’infaillibilité qu’ils ne l’étaient auparavant. Seuls, certains gouvernements se crurent, ou feignirent de se croire, en face d’une nouvelle Église efmenacés par elle : les conflits commencés entre l’Église et l’Autriche ou l’Espagne s’accentuèrent ; surtout, l’Allemagne et la Suisse firent leur « Kulturkampf » et soutinrent les vieux catholiques. Entre temps, l’Italie avait fait de Rome sa capitale. Unis dans le sentiment des misères nationales et dans l’acceptation des décrets conciliaires, les catholiques de France furent également unanimes à réprouver avec leurs évêques, ces maux de l’Église et de son chef. L’accord toutefois n’était qu’apparent, ou, si l’on veut, partiel : les libéraux catholiques gardent leurs tendances, et leurs adversaires ultramontains leur défiance. A ceux-ci la leçon de la défiance venait de haut. « Il y a dans ce pays (la France), dira Pic IX, (le 28 juin 1871) à un pèlerinage français conduit par l’évêque de Nevers, Forcade, un mal plus redoutable que la Révolution, que la Commune, c’est lelibéralisme catholique. » Jusqu’à sa mort, il tiendra le même langage. Ce qui irrite les intransigeants, c’est qu’à l’Assemblée nationale dominent les libéraux, et qu’ils influent sur le pouvoir, en attendant qu’ils

l’occupent avec le ministère de Broglie, le 25 mai 1873. L’Univers donc les poursuit. Ils les montre hors de l’orthodoxie. En 1871, Veuillot a connaissance d’une inscription érigée à la Rochc-en-Brény pour commémorer la réunion tenue là, en octobre 1802, autour de Montalembcrt par Dupanloup, Foisset, d’Azy, Falloux et Cochin, c’est-à-dire par tous les chefs du libéralisme catholique, à l’exception de Broglie sur le point d’être reçu à l’Académie. Le jour du départ, les amis communièrent à la messe de l’évêque qui leur adressa une courte et pieuse allocution. L’inscription, après avoir rappelé cette cérémonie finale, ajoutait : amicorum pusillo gregi, qui, pro Ecclesia libéra in patria libéra commilitare jamdudum soliti, annos vitse reliquos, ibidem Deo et libertati devovendi pactum instaurare. Qu’avaient-ils dit dans leur réunion ? Veuillot lut dans cette, inscription l’affirmation d’un pacte mystérieux et menaçant pour l’Église, quelque chose comme cette légendaire entrevue de Bourg-Fontaine d’où serait sortie l’entreprise janséniste, et consacra plus de cinquante articles à dénoncer la secte libérale formée là. En juin, ces attaques empêcheront Thiers de nommer Cochin, un des « conjurés », ambassadeur auprès du Vatican. Cf. Lagrange, op. cit., t. ii, p. 392-394 ; Lecanuet, op. cit., t. iii, p. 330-333. E. Veuillot, Louis Veuillot, t. iii, p. 487-492 ; Jules Morel, Somme, t. ii, p. 445-454.

La scission s’accentua encore de la question monarchique. Les libéraux jugeaient seule possible une monarchie se réclamant de la souveraineté nationale, assurant sans doute à l’Église la liberté, mais respectant les libertés publiques au sens moderne. Les intransigeants rêvaient la restauration de la monarchie traditionnelle, au nom du droit divin, faisant du catholicisme la religion de l’État, considérant comme sa tâche première d’accomplir l’œuvre de Dieu. Cette monarchie ne serait pas nécessairement absolue ; une constitution assurerait au peuple sa part dans le gouvernement. C’était toujours ainsi la lutte de l’hypothèse et de la thèse. « Non, jamais, je n’accepterai pour la France la nécessité absolue et définitive de ce qu’on appelle l’hypothèse, en haine de la thèse chrétienne. La France n’est point apostate à toujours, » disait Mgr Pie dans un Mémoire sur la constitution de la royauté chrétienne, qu’il composait en février 1873 sur la demande du comte de Chambord, et dont le prétendant devait inspirer ses actes et ses proclamations. Cf. Hanotaux, Histoire contemporaine, t. ii, p. 504-511. Les plus ardents entendaient bien que le roi rétablirait le pouvoir temporel, dùt-il employer la guerre. Le 16 septembre 1871, Belcastel, au nom de quarante-huit chevau-légers >, envoyait à Pie IX une adresse où, après avoir affirmé « leur adhésion absolue à l’autorité des encycliques sur les rapports essentiels de la société civile et de la société religieuse », ils déclarent le pouvoir temporel nécessaire et émettent le vœu « d’une incessante action diplomatique » en vue de le rétablir. Mais, déjà, l’Univers avait été plus formel. Le 16 juillet, il annonçait que « le roi très chrétien » délivrerait le pape et « ramènerait tambour battant l’usurpateur de l’Italie à sa principauté subalpine. Cet oracle, disait-il, est plus sur que celui de Calchas. »

Enfin, le catholicisme intransigeant trouvait un auxiliaire dans le catholicisme social naissant, c’est-à-dire, dans l’Union des associations catholiques ouvrières, organisée en septembre 1871, et qui avait pour président l’adversaire déjà connu du catholicisme libéral, Mgr de Ségur, et l’œuvre des Cercles catholiques d’ouvriers, que de Mun et La-Tour-du-Pin Chambly lançaient en décembre 1871, avec ce programme, entièrement inspiré de l’esprit du Syllabus, de refaire la société sur la base unique des principes religieux