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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/415

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815 LITURGIE. LES LIVRES LITURGIQUES, LEUR DEGRÉ D’AUTORITÉ

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mencé cette i orrection, Decrelum de indice librorum et catechismo, brcviario et missali, sess. xxv. Le bréviaire et le missel furent les premiers corrigés sous saint Pie V, bulle Quod a nobis, 1570 ; Grégoire XIII, qui avait réformé le calendrier en 1582, publia aussi l’édition du nouveau martyrologe, 1584 ; Clément VIII, le pontifical en 1596, et, en 1600, le cérémonial des évêques, et une nouvelle édition du bréviaire et du missel ; Paul V donna le rituel en 1614, et corrigea la liturgie monastique. En 1634, Urbain VIII revoyait le missel.

Ces livres engagent donc la responsabilité de cette Église de Rome qui ne saurait errer en matière de foi, et ils doivent donc être mis par les théologiens au premier rang des documents sur lesquels ils peuvent appuyer leurs thèses.

Mais ici des distinctions s’imposent et on ne saurait dire a priori que tout témoignage tiré de ces livres est revêtu du caractère d’infaillibilité. Le Saint-Siège lui-même a reconnu, même après les revisions dont ces livres furent l’objet sous les papes que nous avons cités, que certaines parties exigeaient encore des corrections. C’est dire que toutes n’ont pas la même valeur. Ainsi, pour le missel, toutes les affirmations dogmatiques, notamment en ce qui concerne l’eucharistie, nous paraissent au-dessus de toute discussion. D’autres conclusions ne s’imposent pas avec la même clarté. Le fait est que, dans la fête de sainte Marie-Madeleine, l’évangile, celui de la femme pécheresse, ne paraît pas. même aux yeux des théologiens les plus orthodoxes dirimer la question ; les deux fêtes de la Chaire de saint Pierre, l’une à Rome, l’autre à Antioche, ont laissé place aussi à la controverse sur le sens et l’origine de ces fêtes. Cf. notre article Chaire de saint Pierre dans le Dict. d’archéol., t. iii, col. 76-90. L’application à la sainte Vierge des textes de la Sagesse n’est donnée que dans un sens accommodatice ; la preuve en est qu’ils sont ailleurs appliqués au Christ.

Il faut, en un mot, appliquer ici les mêmes règles que pour les autres documents pontificaux où l’on distingue de l’affirmation dogmatique en termes exprès, les considérations historiques ou mystiques qui les précèdent ou les accompagnent. Cf. L. Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Paris, 1907, notamment p. Il ; et J.-V. Bainvel, De magisterio vivo et traditione, Paris, 1905, notamment, p. 114, 115, 128 et 129 qui s’appliquent aux questions discutées ici.

Pour le bréviaire, on ne saurait non plus tirer argument, comme on l’a fait parfois à tort, dans la controverse sur l’apostolicité des églises des Gaules, de la teneur de certaines légendes. Il est un fait indéniable, c’est que plusieurs de ces légendes sur l’initiative même des papes, notamment de fenoît XIV et de Léon XIII ont été supprimées ou corrigées. La réforme, si radicale du bréviaire et du psautier romain par Pie X, prouve que quelques-unes des traditions liturgiques les plus anciennes ne sont pas considérées par le Saint-Siège comme sacro-saintes. Dom Morin a publié une liste des fausses attributions de textes dans le bréviaire, liste qui a été reproduite souvent, cf D. Morin, Éludes, textes et découvertes, 1913, p. 487, 501.

Voir D. del Corro, Dissertalio theologico-critka de argumenti ex breviario roma.no in rébus bistoricis peiiti valore, Séville, 1739 ; E. de Sousa, Dissertalio de gravissima auctorilale romani breviarii in re historica, in append. II à son livre De expeditione hispanica S. Jacobi, t. il, Lisbonne, 1727, in-fol. Le P. de Smedt, bollandiste, a donné une dissertation De legendis sanctorum in breviario romano, dans son Iniroductio generalis ad Historiam ecclesiaslicam, Gand, 1876, p. 156-192. Il y démontre que, si l’insertion d’un saint au martyrologe ou au bréviaire est un signe du culte rendu a ce saint, la teneur de la légende n’est pourtant pas indiscutable, et il cite à l’appui Baronius, Papebroch, Benoît XIV,

qui relèvent des erreurs dans le bréviaire. Il donne en appendice un exemple des corrections apportées i. légendes par les papes. Cf. aussi Bainvel, loc. cit., p. Il 1 sq. et Bàumer-Biron, Histoire du bréviaire romain, t. n p. 152460.

Il y aurait à faire sur le martyrologe les mêmes réflexions que sur le bréviaire, et les récents travaux des bollandistes et de dom Quentin ouvrent la voie à des corrections et modifications nouvelles.

Pour le rituel et le pontifical, ainsi que pour le cérémonial des évêques, certaines corrections sont également à prévoir, comme on le voit, par les réponses et interprétations données parfois par la S. Congrégation desrites.

La question de l’obligation des rubriques concerne la théologie morale, elle est traitée dans tous les manuels. Voir en particulier Menghini, Elementa juris liturgici seu prolegomena in sacram liturgiam, 2e édit., Rome, 1907.

Quoi qu’il en soit de ces remarques qui étaient nécessaires, elles ne diminuent en rien l’importance et la valeur de la liturgie romaine qui reste pour le théologien un arsenal où il trouvera les textes les plus riches et les plus précis pour démontrer les dogmes chrétiens.

On ne peut donc regretter que la liturgie romaine ait remplacé en Occident toutes les autres, sauf les rares exceptions que nous avons dites. Quelque admiration que l’on professe pour les beautés des liturgies mozarabe ou gallicane, celtiques ou orientales, on ne saurait dissimuler les graves lacunes qu’elles présentaient et les erreurs auxquelles elles étaient exposées et dans lesquelles elles sont parfois tombées. « Chaque église, dit Mgr Duchesne, avait son livre de canons, son usage liturgique ; nulle part de règle, mais l’anarchie la plus complète, un désordre qui eût été irrémédiable, si les souverains carolingiens n’eussent fait appel à la tradition et à l’autorité de l’Église romaine. » Les origines du culte chrétien, p. 97-98. Mgr Batiffol, qui arrive aux mêmes conclusions, célèbre d’autre part les qualités de cette liturgie romaine « où vivait l’âme de Rome ! » Rome, en effet, y avait mis (il s’agit du cursus), le meilleur de sa littérature et de son histoire : son psautier, sa Bible, ses Pères et ses martyrs. Elle y avait mis la marque de sa piété directe et simple, etc. Histoire du bréviaire romain, 5e éd., p 172.

C’est la thèse même défendue par dom Guéranger, par Dulac et par d’autres et qui devait amener tôt ou tard le triomphe de la liturgie romaine. L’anarchie liturgique qui règne chez les anglicans, dans toutes les branches du protestantisme et chez les sectes orientales, apporterait un nouvel argument en faveur de ce fait.

Les liturgies orientales.

Des collections comme

celles de Renaudot, d’Assémani, de Denzinger, de Brightman, qui contiennent les liturgies de saint Jacques, de saint Marc, de saint Pierre, de saint Jean, des Douze apôtres, du pape saint Xyste, de saint Clément de Rome, de saint Denys d’Athènes, de Maruthas, de Dioscore, de Philoxène et de tant d’autres, sont de nature, au premier aspect, à jeter la confusion et peut-être le découragement dans l’esprit des profanes. Mais cette impression se dissipe à une étude plus approfondie et une classification les ramène à quelques types. Il faut remarquer aussi que liturgie a souvent ici, comme chez les orientaux, le sens d’anaphore ou prière de la messe. La racine de toutes ces liturgies est une liturgie de Jérusalem qui fut en usage aux deux premiers siècles, mais qui n’est représentée par aucun monument, car la liturgie hiérosolymitaine, que nous trouvons dans les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem, n’est déjà plus la liturgie primitive, mais une liturgie issue de celle d’Antioche.