Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

907

LOIS. LA LOI CIVILE

908

ne devraient pas discuter en ire eux la question de savoir s’il y a des commandements qui n’obligent pas eu conscience. De tels commandements n’en sciaient vraiment pas. Une loi, un précepte, qui ne coordonnent pas à Dieu, ne sont pas une loi, un précepte ; ils ne sont que des conseils ou des prières ou des mouvements de rhétorique, ou des impulsions sentimentales et physiques vers un but plus ou moins élevé. » Didiot, Morale.surnaturelle fondamentale, n. lilil). Et, pensant à certaines obligations sociales, à certains impôts, il ajoute : « Les commandements distributifs…obligent la conscience à respecter tout au moins les répartitions directes ou indirectes des charges et des avantages sociaux, et par conséquent l’existence même et la valeur juridique de ces commandements. »

Cependant, c’est une nécessité pratique d’admettre des lois purement pénales, et des théologiens comme Suarez, t. V, c. iv, Lehmkuhl t. i, n. 311, disent que le législateur n’est pas tenu d’exercer toujours d’une manière parfaite sa puissance législative : a) De même qu’il peut commander, sub veniali seulement, des choses graves, il ne répugne pas qu’il se contente d’un autre mode imparfait de commandement en exigeant uniquement la peine. A toute loi il faut une sanction, mais d.ans les choses qui sont seulement utiles au bien commun, on peut imposer seulement l’amende, etc., sans qu’on veuille taxer l’acte de péché. — p) La conscience humaine serait écrasée sous la multitude des prescriptions légales si elles obligeaient toutes en conscience. On peut trouver des exemples où la même loi intéresse ou n’intéresse pas la conscience selon les cas : on ne doit pas chasser sans port d’armes, loi purement pénale ; on ne doit pas chasser avant l’âge de seize ans, loi qui oblige en conscience. Dans beaucoup d’impôts indirects, on peut faire la même différence : on peut sans péché fumer du tabac de contrebande : est-il toujours aussi inoffensif d’exercer le métier de contrebandier ? Voir Tribut.

Pour savoir si une loi est purement pénale, il faut voir : a) Si le texte de la loi établit l’une ou l’autre alternative : on fera ceci ou l’on paiera telle amende ; le cas est très rare et n’existe pas en France, il existe, dit-on, aux États-Unis ; — (3) si l’objet en apparaît comme seulement utile à la fin de la société ; — y) si la sanction (amende très forte, prison même) est sans proportion avec le délit considéré par tous comme peu grave : le gouvernement fraudé se paie lui-même, et largement, par l’amende et la confiscation ; — S) si l’estimation commune, la coutume, optima legum interpres, autorisent cette interprétation.

c) Les lois injustes. — Ce que nous avons dit s’applique à la loi qui est juste : Elle l’est, dit saint Thomas, quand elle doit procurer le bien commun ; qu’elle est portée par le législateur légitime ; qu’elle n’excède pas les forces de ceux à qui elle est imposée. Si une seule de ces conditions manque, la loi n’en mérite plus le nom, saint Thomas la flétrit sous le nom de violence : Hujusmodi magis sunt violentise quam leges.

  • -ll x, q. xevi, a. 4. Il va sans dire qu’une telle prescription

n’oblige en aucune façon. La conduite à tenir peut cependant être différente :

a. La loi commande des actes contraires à la loi naturelle ou défend d’accomplir ce qu’elle prescrit : comme était la loi Spartiate qui prescrivait le meurtre des faibles, la loi des empereurs romains qui ordonnait de blasphémer le vrai Dieu, de rendre des hommages aux idoles ; comme serait une loi qui interdirait le respect des parents, tout culte de Dieu. A de telles lois, il faut désobéir au péril de sa vie. Toute la tradition est constante : Taies leges nullo modo licet

observare, dit saint Thomas, quia sicut dicitur, Act., iv, Obedire oportet Deo magis quam hominibus. I » -II « , q. xevi, a. 4. Voir dans Bélanger, Une loi injuste oblige-t-elle en conscience ? p. 9-33, un grand nombre de témoignages sur ce sujet.

La raison aussi nous le dit : L’obéissance est due à chacun selon son degré ; et il ne faut point obéir au gouverneur au préjudice des ordres du prince… Four la même raison… on doit encore moins obéir au roi contre les ordres de Dieu. » Bossuet, Politique tirée de l’Écriture sainte, t. VI, art. 2, pr. 2. « Les princes dont la volonté est en opposition avec la volonté et les lois de Dieu dépassent en cela les limites de leur pouvoir et renversent l’ordre de la justice ; dès lors, leur autorité perd sa force, car, où il n’y a plus de justice, il n’y a plus d’autorité. » Léon XIII, Encycl. Diuturnum. Voir aussi les arguments donnés par Suarez. De legibus, t. I, c. ix, n. 4.

L’expérience aussi le confirme. Dans l’Ancienne Loi, nous voyons les sagesfemmes juives résister aux ordres injustes du roi d’Egypte qui voulait faire tuer les enfants mâles et l’Écriture, marque qu’elles agirent ainsi par crainte de Dieu. Ex., i, 17. Lorsque Antiochus ordonna d’immoler aux idoles, Mathathias et ses fils firent cette superbe déclaration : « Quand toutes les nations qui font partie du royaume d’Antiochus lui obéiraient, chacune abandonnant le culte de ses pères, et se soumettraient volontiers à ses ordres, moi, mes fils, et mes frères, nous suivrons l’alliance de nos pères. » I Macch., ii, 16-20. Dans la Nouvelle Loi, l’histoire des martyrs fournit de nombreux et admirables exemples de cette résistance.

b. La loi ne commande pas des actes mauvais en eux-mêmes, mais elle est injuste parce qu’elle manque à une des trois conditions nécessaires : comme un impôt injustement réparti, exigé d’une communauté qui paie déjà comme tout le monde. Il faut qu’elle soit certainement injuste pour qu’on soit autorisé à lui résister et ce n’est pas aux particuliers à en juger ; s’il y a doute, « la présomption est en faveur du législateur dont le droit est plus élevé et qui est en possession. » Suarez, De leg., t. I, c. ix, n. 11.

a) Si elle est vraiment injuste, elle n’oblige certainement pas en conscience, du moins par elle-même : Taies leges non obligant in conscientia nisi forte. IMI 85, q. xevi, a. 4. Suarez. De legibus, t. I, c. ix. saint Alphonse de Liguori, Homo apost., tract. II, c. i, n. 3, Theol. mor., t. I, Tract. II, c. 1, disent la même chose. Voir un grand nombre de témoignages dans Bélanger, op. cit., p. 37 sq. — La loi fût-elle approuvée par le sentiment de la multitude, elle n’en resterait pas moins injuste et impuissante : qu’on multiplie des kilogrammes de fer, on n’aura jamais un gramme d’or, que l’on additionne toutes les prescriptions injustes possibles, on n’obtiendra jamais une loi.

(3) Mais des circonstances extérieures peuvent imposer l’obligation que la loi injuste est incapable de produire : Nisi forte ad vitandum scandalum vel turbationem, ajoute saint Thomas dans le passage cité plus haut, et il continue : Ad quod (à de telles lois) etiam ordo potestatis divinitus concessus non se extendit ; unde nec in talibus homo obligatur ut obediai legi, si sine scandalo vel majori detrimento resistere possit. Ibid., ad 3°’». On peut donc admettre une obligation qui ne résulte pas de la loi elle-même, mais des sérieux inconvénients que la résistance peut entraîner : scandale, amende, confiscation, exil, prison. La solution relève du volontaire indirect.

y) Quelquefois cependant on peut être obligé de résister à la loi, bien qu’elle n’impose rien de contraire en soi à la loi de Dieu : la soumission perpétuelles des bons encourage l’audace des législateurs injuste, une