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LUCIUS III — LUCQUES. VIE


soit par les évêques diocésains. Tous ceux qui recevraient ou défendraient les hérétiques susnommés ou leur fourniraient secours ou faveurs, étaient atteints de la même manière.

Les peines étaient édictées par le paragraphe suivant : les clercs et religieux convaincus d’hérésie seraient privés de toutes les prérogatives de l’ordre ecclésiastique et livrés au bras séculier pour être punis du châtiment convenable, animadversione débita puniendi, à moins de conversion immédiate et spontanée, suivie d’abjuration publique et d’une satisfaction congrue. De même pour les laïques, ils seront, sauf abjuration en temps utile, remis au jugement du pouvoir séculier, pour recevoir la punition proportionnée à leur faute, ssecularis judicis arbitrio relinquantur, debitam recepluri pro qualitate facinoris ullionem. Les suspects eux-mêmes, s’ils ne parviennent pas à établir leur innocence, seront soumis aux mêmes peines. Quant à ceux qui, après abjuration ou purgation, seraient trouvés relaps, ils seront, sans autre forme de procès, abandonnés au juge séculier. Les biens des condamnés seront attribués aux églises dont ils relèvent.

Le mode de répression était ensuite précisé. Tous les évêques devaient s’y employer, d’abord en promulguant fréquemment l’excommunication susdite. S’ils se montraient négligents à le faire, ils seraient suspens pendant trois ans de leur dignité épiscopale. Ils devraient organiser l’inquisition (la recherche) des coupables, en constituant un tribunal spécial devant lequel seraient traduits les accusés et les suspects. Le refus par ceux-ci de prêter le serment demandé serait considéré comme une marque assurée d’hérésie.

Les autorités civiles, de quelque nom qu’on les désigne, devront se mettre à la disposition du tribunal épiscopal, et faire exécuter, de tout leur possible, ces ordonnances qui sont à la fois ecclésiastiques et impériales. Faute de s’y prêter, ces autorités seront privées de leurs droits, excommuniées, leurs terres mises en interdit. Les cités qui résisteraient à cette décrétale seront mises au ban des autres cités et privées de leurs sièges épiscopaux. Tous ceux qui par ailleurs favorisent l’hérésie sont privés de leurs droits civils : ab advocatione et testimonio et aliis publicis offwiis repellendi. Les exemptions ordinaires de la juridiction épiscopale sont supprimées pour tout ce qui concerne la matière d’hérésie, les évêques agissant sur ce point comme délégués du siège apostolique. Texte dans M ; 1 1 1 s i, Concil., t. xxii, col. 471, il est passé dans les Décrétâtes. t. V, tit. vii, c. ix, voir édit. Friedberg, col. 780-782. On a expliqué à l’art. Inquisition, t. vii, col. 2016, comment ce texte est le point de départ de toute la jurisprudence inquisitoriale.

Lucius III prit très au sérieux cette affaire de la répression de l’hérésie. Nous le voyons intervenir auprès de l’évêque de Castello (sulfragant de Grado), pour faire disperser des rassemblements d’hérétiques qui s’étaient formés dans la région de Venise. JatTé, n. lô H17. t n peu plus tard, il presse les autorités spirituelles de Himini de faire respecter par les magistrats civils les prescriptions de la décrétale, Ad abolendam. JafTé, n. 15 461.

Les difficultés politiques où s’est constamment débattu Lucius III ne lui ont guère permis d’intervenir grandement dans les affaires de la chrétienté. Assailli par les demandes de secours que lui adressait le roi de Jérusalem, vivement pressé par les Infidèles » il ne put qu’exprimer au concile de Vérone ses plaintes sur le malheureux sort de la Terre sainte et ses désirs de lui venir en aide. Voir Mansi, Concil., t. xxii, col. 18 ! ». Signalons pourtant le règlement des questions soulevées en Ecosse par l’attitude du roi Guillaume I** dans les dernières années d’Alexandre III. Voir Maro nius, Annal., an. 1180, n. 5-11. Guillaume avait été finalement excommunié par Alexandre, et l’interdit jeté sur son royaume. A la prière des évêques écossais, Lucius III leva ces sentences, sans peut-être avoir obtenu du roi toutes les satisfactions désirables ; il envoya même à Guillaume la « rose d’or » en gage de ses dispositions pacifiques. Jafïé, n. 14 613. Lucius régla également un certain nombre de questions relatives à la juridiction ecclésiastique en Angleterre, pour ce qui concerne le siège de Cantorbéry, Jaffé, n. 14 651 sq., en Sicile, Jaffé, n. 14 831 sq., en Terre sainte, etc. Moine par ses origines, il se plut à combler de privilèges les divers ordres monastiques, Cîteaux tout d’abord, mais aussi les fondations nouvelles : hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, Jaffé, n. 15 308 et autres lettres très nombreuses ; prémontrés, n. 15 000 ; chartreux, n. 15 134, 15 141, 15 344. Il canonisa Brunon de Segni, Jaffé, p. 457, et fit commencer une information sur la vie et les vertus d’un cistercien, Pierre, archevêque de Tarentaise. Jaffé, n. 14 952. On doit aussi à Lucius une décision défavorable aux ordalies qui a passé dans les Décrétâtes, Jaffé, n. 15 169, Décrétai. Greg. IX, t. V, tit. xxxiv, c. 8.

Lucius mourut à Vérone, un an après la tenue du concile, le 25 novembre 1185, sans avoir résolu aucune des questions litigieuses que lui avait léguées Alexandre III. Il allait mettre son successeur Urbain III dans le plus grand embarras.

Jaffé, Regesta pontif. rom., 2’édit., t. ii, p. 431-492 ; Watterich, Pontif. rom. vitæ, t. ii, p. 650-662, où l’on trouvera les principales chroniques ; Duchesne, Le Liber pontif., t. il, p. 450 ; Mansi, Concil., t. xxii, col. 473-496 ; texte des lettres et diplômes dans P. L., t. cci. col. 1067-1380 ; Baronius, Annales, an 1181, n. 15-an. 1185, n. Il ; Gregorovius, Gesch. der Sladt Rom im M. A., 5e édit., 1906, t. iv, p. 574578 ; Langen, Gesch. der romischen Kirche, t. iv, Bonn, 1893, p. 557-564 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. v 6, p. 1114-1129. Voir aussi les histoires de Frédéric Barberousse, par exemple, H. Prutz, Kaiser Friedrich I, 3 vol., Danzig, 1871, et celles d’Alexandre III, spécialement H. Reuter, Gesch. Alexanders III und der Kirche seiner Zcit, 3 vol., Leipzig, 1860.

É. Amann.

LUCQUES (Barthélémy de) (12367-1236 ?). -Tel paraît être le véritable nom du chroniqueur et théologien communément appelé Ptolémée de Luc. ques, transformation savante mais fautive de l’italien Tolomco, qui n’est lui-même qu’une abréviation familière de Bartolomeo. Ces diverses formes sont attestées par les sources anciennes et ont amené certains bibliographes à distinguer deux auteurs. Mais l’identité du personnage est depuis longtemps rétablie et l’érudition’moderne lui restitue généralement son nom populaire de Toloméo ou Tholoméo, traduit parfois en Tolomé ou même Tholomée, qui équivaut à Barthélémy, — I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrines politicothéologiques.

I. Vie.

Il appartenait à la noble famille des Fiadoni et naquit à l.ucques, probablement en 1236. De bonne heure sans doute, mais à une date qu’il est Impossible de préciser, il entra dans l’ordre dominicain : une ancienne chronique mentionne sa présence au couvent de Saint-Romain dans sa ille natale. Entre 1261 et 1269, il fut l’élève de saint Thomas d’Aquin, en attendant de devenir son confesseur et son ami. Il l’accompagnait dans son voyage à Home, puis à N.iples (1272-1271). où II fut témoin de plu-Sieurs de ses miracles. Sa mémoire resta toujours auprès de lui en grande vénération

On le retrouve ensuite comme prieur de Saint-Romain à Lucques en 1288, l°95 et 1297, puis de Santa Maria Novells pus I lorenec en 1301-1302. Entre temps il prit part comme défiiiitcur aux Chapitres pro-