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LULLE. ECRITS

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Univ. Paris., t. ii, p. 154, Après le concile, Lulle se rendit à Montpellier où il composa son opuscule De locutiqne angelorum (mai 1312), et de là partit pour Majorque.

Le « procureur des infidèles » n’était pas retourné dans sa patrie pour y prendre un légitime repos. Loin de là. De juillet 1312 à avril 1313, il trouva en ellet le moyen de rédiger divers opuscules, un manuel de prédication, une compilation de 150 sermons et trois écrits apologétiques. Le plus important de ces ouvrages a pour titre, De participatione christianorum et Sarracenorum. Cette fois, R. Lulle se tournait vers le roi de Sicile, Frédéric II, avec qui d’ailleurs il était en relation depuis 1296, puisqu’à cette date d’après le ras. Hisp. 52 de Munich il lui faisait parvenir par l’entremise de Perceval Spinola trois de ses ouvrages. R. d’Alôs, Los catalogos, p. 68. Il le priait de s’entendFe avec le roi de Tunis pour convoquer une grande conférence religieuse entre Arabes et chrétiens. Respectueusement il lui dédiait son livre et le suppliait, ainsi que Sanche I er, roi de Majorque, et l’évêque de Mallorca, G. de Villanova, de l’appuyer efficacement. Après tant de pérégrinations, R. Lulle sentait ses forces le trahir. Cf. Lib. de participatione, Paris, Bibl. Nat., lat. 15 450, ꝟ. 543 V. De fait, quelque temps après, le 26 avril 1313, il dictait son testament. Soucieux de son héritage littéraire, il ordonnait à ses héritiers de faire transcrire les livres latins et catalans qu’il avait composés depuis le concile de Vienne et d’en faire parvenir une copie à la chartreuse de Vauvert, près de Paris, et à Perceval Spinola à Gênes ; il léguait en outre un colïret de livres, alors chez son gendre, Pierre de Sentmanat, au couvent cistercien de Santa Maria de la Reyal. De Bofarull y Sans, El testamento de Ramon Luit y la Escuela luliana en Barcelona, dans Memorias de la Real Academia de Barcelona, 1896, t. v, p. 437478 ; M. André, op. cit., p. 206-208, Keicher, op. cit., p. 43-44.

Ces dispositions achevées, Lulle presque octogénaire reprit encore la mer et se rendit à Messine près du roi de Sicile, Frédéric IL II y séjourna un an, mai 1313-mai 1314, et tout en se concertant avec le roi sur les moyens de convoquer la conférence projetée avec les musulmans de Tunis, J. Rubiô, R. Lull, p. 554, sut trouver le temps de composer 35 opuscules ou tracts théologiques. R. d’Alôs, Ei manoscritto ottoboniano lat. 405. Contribucion à la bibliografîa luliana, dans Escuela espanola de arqueologia é historia en Roma, Madrid, 1914, t. ii, p. 97127. Après ce séjour il semble bien qu’il revint à Majorque. D’après un document extrait des archives royales et inséré dans le procès de canonisation de 1615, c’est bien de cette ville que R. Lulle partit le 14 août 1314 pour la Barbarie. Sollier, Acta Sanct., p. 649, 673. Il fut accompagné au port par les jurés de la ville, la foule de ses amis et deux franciscains, fra Amador et fra Antoni Ferrer. Un mois après il notifiait son arrivée à Jaime II. Le 4 novembre 1314, ce dernier le recommandait au roi de Tunis, A Rubiô, Documents, t. i, p. 63, et priait son interprète, Jean Gil, d’intervenir en sa faveur. A. Rubiô Documents, t. i, p. 62. Le 5 novembre, il écrivait à R. Lulle lui-même pour lui faire part de ces démarches officielles. Ainsi appuyé, l’héroïque missionnaire se rendit à Tunis, où il achevait en juillet 1315 son Ars consilii. De là, il écrivit encore à Jaime II. Sur ses instances, le roi demanda au gardien des franciscains de Lleyda (5 août 1315) d’envoyer à Tunis sans retard fra Simon de Puig Cerda, ancien élève de Lulle, afin de traduire en latin le texte catalan de l’Ars consilii. A. Rubiô,

Documents, t. i, p. 65. Le 29 oct. 1315, Jaime II insistait encore auprès du provincial d’Aragon, fra Romeu Ortie, pour obtenir les lettres obédientielles à cet effet, A. Rubiô, Documents, t i, p. 66-67, ayant appris que depuis son arrivée a Tunis Lulle avait rédigé quinze opuscules de controverse. On ignore le résultat de ces démarches. Ce qui est sûr c’est qu’en décembre 1315, Lulle achève à Tunis les deux derniers traités qui nous soient parvenus de lui. R. d’Alôs, El manoscritto, p. 112. De là, il dut se rendre à Bougie. Ce fut là que selon les traditions de l’Église de Majorque, consignées au procès de canonisation, il trouva une fin glorieuse, ce que les historiens admettent communément, sauf Gaston Paris et J. Rubiô, R. Lull, p. 554, qui ont émis des doutes à ce sujet et Probst, op. cit., p. 7, qui préfère attendre de nouveaux documents. D’après ces souvenirs liturgiques et l’iconographie ancienne, Pasqual, op. cit., t. i, p. 323-338, Avinyo, op. cit., p. 490-492, Lulle fut saisi par la populace et blessé grièvement à coups de pierre, ce que l’examen médical des restes, fait le 5 déc. 1611, en vue du procès de canonisation, a permis de constater. A. Buades, Reconeixement de les despulles des B. Ramon Lull, 1611, dans B. A. L., Palma 1919, p. 295-7. Laissé dans cet état sur la place publique, il fut recueilli par des Génois qui faisaient voile pour l’Europe, mais il mourut en vue des côtes de Majorque. Son corps, accueilli avec respect, fut déposé dans l’église des franciscains. La tradition a fixé la date de sa mort au 29 juin 1315, mais d’après les lettres de Jaime II et l’explicit des ouvrages lullistes écrits à Tunis en décembre 1315, il est évident, malgré les suppositions d’Avinyo, Una fecha luliana. dans B. A. L., Palma, 1910, " p. 19-21, que cette donnée est inexacte, J. Rubiô, R. Lull, p. 554. R. d’Alôs, dans le Criterion, Barcelone 1925, t. i, p. 252. Le fait dut avoir lieu l’année suivante. Ainsi s’achevait la carrière de cet apôtre de l’Afrique, si tourmentée et si pathétique que « peu de romans peuvent offrir à l’esprit plus d’épisodes et plus de péripéties ». Menéndez y Pelayo, Historia, t. i, p. 513.

II. Écrits.

Le B. Lulle est avec le franciscain Gilles de Zamorra le grand polygraphe espagnol du Moyen Age. « La multitude de ses écrits, dit M. Menéndez y Pelayo, La ciencia espanola, Madrid, 1889, t. iii, p. 20, ne prouve par elle-même ni mérite ni démérite, toutefois elle est un des traits les plus caractéristiques de la physionomie de Lulle. si espagnole en tout, et si ressemblante à celle des fils privilégiés de sa race, Tostat, Suarez, Lope de Vega. En Espagne la force s’est toujours manifestée par l’abondance : au lieu de se concentrer dans une œuvre maîtresse, elle se répand à l’infini… R. Lulle improvisait ses systèmes comme Lope de Vega ses drames. »

Cette fécondité, plus encore le fait de nombreuses traductions considérées souvent comme des œuvres différentes, les confusions innombrables occasionnées soit par des titres légèrement divergents qui recouvrent des œuvres identiques, Keicher, op. cit., p. 37. R. d’Alôs, Los catalogos, p. 47, soit par des fautes de lecture, soit par la non-identification de nombreux extraits ou fragments, l’attribution à R. Lulle d’écrits rédigés par ses disciples ou fabriqués par des alchimistes du milieu du xive siècle, la connaissance encore imparfaite des manuscrits lulliens conservés en grand nombre dans les bibliothèques d’Europe, excluent pour de nombreuses années encore la possibilité de dresser un catalogue complet des écrits du publiciste majorquain. Certes les efforts tentés en ces dernières années par Littré, le P. Keicher, M. M. Obrador y Bennassar, A. Rubiô y Lluch, J. Rubiô y Balaguer, Ramon d’Alôs, permettent de résoudre sûrement