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LULLE. THEOLOGIE


in se ipso verilatem primæ causas et ejus operationem atlingit, quam tamen in se ipso, videlicel in sua natura, attingere non potest. — Alors seulement la raison entend les mystères de la foi de quelque manière. Declaratio Raymundi, p. 119 : Adhuc dico tibi quod fides est necessaria ad intelligendum verilates Dei quoniam in principio, in quo intellectus ipsas investigal, supponit per fidem quod ipsas attingere possit et invenire, non sicut comprehendens sed sicut apprehendens, etc. Cette appréhension est essentiellemsnt négative, comme R. Lulle l’explique clairement. Disput. fidei et intellectus, part. I, n.4, i. iv, p. 3 b : Per te (fides) et per lumen (gratin’), habeo quod possum aliquid exlensive apprehendere de Trinitate et hoc est in tantum quoad me in quantum habeam sufficienliam ad con/undendum omnes errores contra ipsam. Cf. Maura, El optimismo, p. 51. Rien donc de plus clair. Aussi n’est-il pas surprenant que les miniatures du ms. de Karlsruhe, représentant sous l’image d’une tour au delà de laquelle plane la Trinité le double ordre des connaissances naturelles et surnaturelles compromis par les erreurs des philosophes, concrétisent toute la méthode lullienne dans la figure d’un homme enlevé vers la Trinité par une corde tendue d’en haut, symbolisant la grâce ainsi que les vertus théologales et morales. J. Rubiô, El breviculum, p. 85-87.

Il est vrai, R. Lulle a parlé très fréquemment « de raisons nécessaires », de « preuves manifestes » etc., sans s’expliquer à chaque occasion, ce qui précisément a occasionné les graves accusations portées contre son apologétique. Mais il faut voir le sens qu’il y a mis. Déjà Keicher, op. cit., p. 65 et J. Rubiô, R. Lull, p. 555, sont d’accord pour assurer que « le but de R. Lulle n’est pas de rendre évidente à la raison les dogmes de la foi, mais bien d’en donner des preuves de caractère négatif telles que les contradicteurs ne puissent raisonnablement les rejeter. » De fait, la doctrine du bienheureux n’est pas autre. Il ne tient pas, en effet, à la formule. Lib. de convenientia fidei et intellectus, part. I, n. 3, t. iv, p. 4 ; aussi appelle-t-ilsouvent ces raisons nécessaires des arguments probables, Lib. de recuper. Terrée Sanctse, i" 547 v, ou des preuves de très haute convenance, Lib. mirandarum demonslralionum, 1 IV, c. x.xiv, n..’!  : c. xxviii, n. 2, t. ii, p. 207, 213, etc. Il déclare ensuite que son argumentation veut toujours respecter la foi, Supplicutio pro/ess. ac baccaUiur. Paris., prol. n. I, t. iv. p. 2 : Intrndo taliter probare quod habitas fidei mancat integer et ilhrsus qui datas est a primo créante, sicut in aliis libris de. hoc alias latins tractainmus, etc. ; il ajoute qu’il est impossible de rendre manifeste à la raison le contenu des dogmes, Lib. quinque sapientium, t. ii, p. 1 : Sec tu credas quod de fide christianorum posait dari demonstratio propter qutd nec demonstratio palpabilis sicut de rébus stnsua libus. Dès lors son apologétique se limite à faire voir dans le christianisme un caractère rationnel tel que d’une part l’infidèle bien disposé et admettant déjà l’existence de Dieu et de ses principaux attributs ne puisse raisonnablement le rejeter, ni accepter une assertion contraire au dogme comme nécessairtment vraie, et d’autre part que le fidèle puisse résoudre aver satisfaction les objections soulevées contre les dogmes e1

donner en faveur île sa foi des raison, telles que les

sophismes de l’erreur sont impuissants i les détraire.

Outre les textes déjà cités, l. ib.de conv. fidei et InttlL,

I, n.3, t. iv. p. t : Lib.de disput. fld. et intell., t, iv,

p. 3 h. plusieurs autres fixent sûrement la penser de

H. Lulle en ce sens. Vu la gravité du débat, citons en quelques-ans : Serm. contra mures Aoerrois, Munich

lai 10 588, ꝟ. 81 r : Katpnundus supplient… quantum potest, txcellentissimo domino Philippo… quod errores

Xverrois a euolide l’onsieii.i extlrpentur, ipios errores promillo i m probare et sidpere. lali modo quoi intellectus

humanus meas rationes non poterit rationabililer negare.

— Lib. de unitate et pluralitate divina, Munich, lat. 10 588, ꝟ. 64 : Rationes ita apparentes et évidentes quod intellectus benevolus et jundatus non possit ipsas negare rationabiliter. — Lib. de quæstione valde alta, Munich, lat. 10 588, f°22 v°. Probauimus divinam Trinilatem tali modo quod intellectus humanus non potest rationabililer intelligere oppositum esse verum, etc. Keicher, op. cit., p. 65. En tout cela, il se peut parfois que la terminologie de l’apologiste populaire n’ait pas toute la rigueur scolastique, mais en définitive l’histoire et la théologie ne peuvent y voir ni rationalisme, ni théosophisme gnostique, ni exagération des forces de la raison : il n’y arien autre chose, en effet, que l’apologétique traditionnelle de tous les augustiniens du Moyen Age, de saint Anselme à RogerBacon. Par suite, R. Lulle prend dans l’histoire de l’apologétique une place autre que celle qu’on lui attribuait jusqu’ici. Le cardinal Gonzalez, O. P., Liistoria de la filosofia, 2e édit., Madrid, 1886, t. ii, p. 349, 350, a déjà reconnu notablement son mérite en louant « la profondeur et la force logique de ses raisonnements pour établir et prouver l’existence des trois personnes en Dieu, leur divinité, leur égalité, ainsi que les autres vérités relatives à ce mystère », et en affirmant que « son traité De articulis fidei est un des plus originaux qui aient été écrits du point de vue scolastique ». De fait, il se pourrait bien que l’histoire future ratifie pleinement le jugement du P. Sollier, S. J., et range R. Lulle « parmi les principaux athlètes de la foi catholique ».

Théologie.

L’idée principale de la théodicée

lullienne, Lib. cont., t. I, c. i-cii, t. ix, p. 3-224, Lib. de XIV articulis, d. I, t. ii, p. 3-50, Arbor scientise, p. 197-215, est l’idée de bonté. Par là, R. Lulle se rattache à la spéculation antérieure de Richard de Saint-Victor et d’Alexandre de Halès, Summa theol., L. i, p. xxxv-xxxix. Dans rémunération des dignités, elle ligure toujours la première, Arbor scientise, p. 59 ; aussi Lulle appelle-t-il Dieu ordinairement le souverain bien. L’Art. p. 62. La bonté est le premier principe, jonlalitas, des processions divines. L’Art, p. 74-77 ; Arbor scientise, p. 344. Qu’il y ait production en Dieu, Lulle le déduit du fait que les dignités divines ne peuvent être inactives, le bien tendant à se répandre, Arbor scientise, p. 210. Il insiste constamment sur ce point de vue. Declaratio, p. 102 ; Félix de les mara rrlles. t. I, p. 29-32.

Les raisons qu’il invoque pour prouver le nombre trine des Personnes divines n’ont rien d’original non plus, Arbor scientise, p. 212-215 ; elles se retrouvent en substance chez Richard de Saint-Victor et Alexandre de Halès, Summa theol., t. i. n. 319, p. 468.

En raison de l’erreur averroïstc, Lulle défend souvent la liberté de Dieu. Declaratio. p. 125-126, 1 16. Cf. Mgr Maura. L’< optimismo, p. 2-8. Il ne souscrit aucunement à un optimisme exagéré, ainsi que plusieurs écrivains l’affirment, Maura. L’/ optimismo. p.. v 17. l’robst. op. cit.. 120 -121 : il le combat au contraire directement, Queest. per artrm demonstruliram solubiles, ci. xxxi. t. îv. p. 53 : Drus potuil plus rrcorc quam ereavit respecta hufus quod creavit et simililcr rrspctlu sui. sed hoc notait, quod nolle est suum pnssr. Cf. Lib. île quinque sapienti bus. p. IV. d. ii, t. u. p. 48. Rien ne s’impose au vouloir de Dieu, Dcclondio. p 166, 167, pas même l’incarnai ion du Verbe, Dispul/din fidei cl intrllctlus. part. III. n. % iq., I. IV, ]). 13. cf. Maura.

ibiil..). 17-f’i ; néanmoins, il convenait hautement, quoad beat tsse, que le Verbe se ni chair, Dispatatio Raymundi et Hantât sarrætni, p. II, c, i, t. iv. p. 13 ;

De noromodo ileinonstraiuli. I. 1 1 1. t. iv. p. 7. C’est celle

haute considération « pie L’apologétique de R. Lulle et ses célèbres raisons nécessaires onl pour bul d’étfl

blir ; il ne laut pas l’oublier si l’on vcul interprète !