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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/95

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LEIBNIZ. POINT DE DÉPART DU SYSTÈME


de la communication des substances (1693), ainsi que le De primte philosophiæ emendatione et de nolione substantix (1694). Le double aspect théologique et physique de sa conception du monde est très bien mis en relief, le premier dans le De rerum originatione radicali (1697), où se trouve déjà esquissé le problème développé plus tard dans sa théodicée, le second, dans l’étude intitulée : De ipsa natura sive de vi insita actionibusque creaturarum (1698).

Dans d’autres écrits qui se placent surtout entre les années 1700 et 1710, Leibniz s’attache à exposer sa notion de l’âme qui occupe une place centrale dans son système. Il insiste en particulier sur l’individualité de celle-ci dans ses Considérations sur la doctrine d’un esprit universel, et dans sa lettre à Hanschius : De philosophia platonica seu de enthusiasmo platonico (1707). Voir aussi Considérations sur le principe de vie et sur les natures plastiques (1705) ; Commentatio de anima brutorum (1710) et la lettre à Wagner : De vi activa corporis, de anima, de anima brutorum (1710).

L’âme en tant qu’intelligente fait l’objet des Nouveaux essais sur l’entendement humain, terminés en 1704, mais publiés seulement bien plus tard, oùl’auteur touche aux discussions de son temps sur les rapports de la raison et de la foi et sur l’usage de la raison en théologie. Les Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal (1710) furent rédigés à la demande formelle de la reine de Prusse pour répondre aux objections de Bayle et justifier contre lui les prérogatives divines. C’est le plus populaire des écrits de Leibniz. Il est précédé d’une dissertation sur la Conformité de la foi et de la raison. Voir aussi les Adnotationes in librum de origine mali et la Causa Dei adserta per jusliliam ejus, cum cseteris ejus perfectionibus cunctisque actionibus conciliatam.

Plus encore que les précédentes, les dernières publications présentent l’exposé sommaire de son système. Ce sont VExamen des principes du P. Malebranche (1711), la Monadologie surtout (1714), et les Principes de la nature et de la grâce (1714).

Mais les écrits publiés par Leibniz lui-même sont loin de nous livrer toute sa pensée. Il nous avertit du reste que celui qui ne le connaîtrait que par ses écrits ne le connaîtrait pas. Et il cite quelque part comme exemple sa théodicée, dont il dit qu’elle ne suffit pas pour donner le corps entier de son système ; mais, ajoute-t-il, « en y joignant ce que j’ai mis en divers journaux, c’est-à-dire de Leipsig, de Paris, de M. Bayle et de M. U. Basnage, il n’en manquera pas beaucoup, au moins quant aux principes. » Ses lettres et réflexions inédites doivent surtout être consultées. Une partie en est déjà publiée. Dès lors son système se présente sous un aspect assez différent de celui que laissaient soupçonner les ouvrages édités de son vivant. Au point de vue théologique on a intérêt à consulter surtout ses lettres au landgrave Ernest de Hessen-Rheinfels.à Arnauld et au P. Des Bosses, puis la correspondance immense qui a trait à l’union des Églises. (Foucher de Careil, Œuvres de Leibniz, 1. 1 et n). Mais une séparation nette entre ce qui est d’un intérêt théologique et ce qui ne l’est pas est, ici encore, moins possible que pour ses autres écrits. III. Le système philosophique et théologique.

— Il convient de l’étudier dans son point de départ, et son application tant à la religion naturelle qu’aux religions révélées.

I. POINT de départ.

1° Idée générale du système.

— Chercher dans les écrits de Leibniz l’organisme de sa pensée, reconstruire en quelque sorte son système philosophique, telle doit être la première tâche de quiconque veut interpréter sa doctrine théologique. Tous les essais de reconstruction n’ont pas été également heureux, et c’est pourquoi la pensée de Leibniz a été souvent mal comprise.

L’interprétation traditionnelle avait cru trouver dans la physique, conçue comme une puissante réaction dynamiste contre la physique cartésienne, l’idée fondamentale de Leibniz. Plus récemment certains critiques ont cru pouvoir faire sortir le système tout entier de la logique (Couturat, Russell). D’autres ont voulu voir le fondement de son système dans ses théories scientifiques (Cassirer). Ces interprétations ont été ébranlées à leur tour par les travaux de J. Baruzi qui, en s’appuyant surtout sur de nombreux inédits, a mis en évidence l’aspect foncièrement religieux et mystique du leibnizianisme, sans toutefois faire suffisamment ressortir l’unité de la base sur laquelle repose tout l’édifice. Nous nous appliquerons à le compléter sur ce point.

Il ne peut guère échapper au lecteur attentif du philosophe que c’est à l’augustinisme que sont empruntés les grands principes du système. Tout l’effort de Leibniz tend à nous montrer d’une part un univers qui nous révèle Dieu et nous invite à nous tourner vers lui, « rien ne nous saurait mieux marquer les perfections divines que les beautés admirables qui se trouvent dans ses ouvrages », Extrait du Journal anglais de William Penn, Inédits, Théologie, v, 3, dans Baruzi, p. 332 sq — et d’autre part un Dieu qui « n’a créé les créatures raisonnables, en vue de nulle autre fin que de les faire servir de miroir à son infinie harmonie. » Extrait d’un Plan de création d’une société des arts et des sciences en Allemagne, dans Baruzi, p. 372. Seulement cette conception demandait à être adaptée aux connaissances scientifiques de l’époque. Or, ces beautés venaient d’être mises sous un jour tout nouveau grâce aux « découvertes merveilleuses » qu’on avait faites dans la nature, autant de nouvelles lumières, nous fait observer Leibniz, par lesquelles la Providence a enrichi notre siècle. » Ibid.t Le théâtre du monde matériel, dit-il encore, nous dévoile de plus en plus… la beauté de sa construction, depuis que les systèmes du macrocosme et du microcosme ont commencé, par les inventions des modernes, à se découvrir. » Causa Dei, n. 143.

Comment ne pas être enthousiasmé par cette vue nouvelle du monde, lequel apparaissait, au terme des belles découvertes des Kepler et des Galilée, comme une immense machine, dont on pouvait désormais comprendre l’agencement et le fonctionnement harmonieux dans toutes ses parties. De plus, cette harmonie était susceptible d’une traduction en langage mathématique ! Cependant, si cette vision grandiose de l’univers fascinait Leibniz dès sa jeunesse, le caractère purement mécaniste de cette nouvelle explication du monde provoqua sa critique.

C’était à ses yeux ne pas avoir une idée assez haute de la majesté de la nature et, fait incomparablement plus grave, c’était détruire la métaphysique, renverser la théologie et la morale. Pour parer à ce danger il oppose à cette vue trop étroite une façon plus pénétrante et plus compréhensive de concevoir l’harmonie dans l’univers. « Il n’y a rien de si beau ni de si satisfaisant, écrit-il à un ami, que d’avoir une véritable connaissance du système de l’univers, non seulement à l’égard des corps, mais encore à l’égard des substances en général, et surtout à l’égard de la nature divine, et celle de notre âme et de même des âmes en général. » Cette nouvelle conception du monde qu’il rêvait, loin de menacer les bases de la religion, faisait mieux ressortir la sagesse et la bonté divines. La science n’avait d’ailleurs rien à y perdre : bien au contraire, en élargissant ainsi son horizon par la considération de la sagesse divine, elle vérifierait les lois de la nature déjà connues, elle ferait de plus précieuses découvertes. Voir les belles discussions de Leibniz avec Clarke et les newtoniens.