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MALABAKIiS (RITES), DECISIONS DE CLÉMENT XII


est vrai, à l’exécution de celle qui concernait Visdelou, et seul le P. Esprit fut embarqué pour la France, d’où il revint bientôt d’ailleurs.

Pendant que se déroulaient aux Indes ces lamentables incidents qui appartiennent à l’histoire anecdotique plus qu'à celle des idées, Rome continuait d’instruire avec une lenteur que beaucoup trouvaient exagérée, le procès des rites malabares ; le dossier, de plus en plus volumineux, était mis entre les mains de Prosper Lambertini, le futur Benoît XIV. Aux missionnaires qui, de temps à autre, venaient l’entretenir personnellement du conflit, Clément XI essayait de donner de bonnes paroles. Benoît XIV, dans la constitution Omnium sollicitudinum, § 9, représente Clément XI comme recevant les visiteurs avec bienveillance et acceptant du décret une interprétation assez bénigme : eorum preces bénigne excepit quibus enixe pelebant ut censurarum quæ in eo decreto continebantur suspensionem unaque simul moderalionem aut ipsiusmet decreti interpretationem concederct, utque Tes maturius expediretur, auditis jam non semel missionariis praidiclis. Faut-il voir ici une allusion à Yoraculum vivæ vocis, comme certains l’ont prétendu ? Nous ne le pensons pas. Nous comprenons que Clément XI eut de bonnes paroles pour les solliciteurs, et leur promit que l’on ferait le possible pour trancher l’affaire au mieux de tous les intérêts ; mais il n’entendait rien modifier de præsenti au décret de Tournon. C’est bien ce qu’indique d’ailleurs une lettre du Saint-Office à Visdelou, datée du 25 septembre 1719 : « La cause des rites malabares, y est-il dit, est encore pendante au tribunal du Saint-Office en dévolutif, mais non point en suspensif. » Voir Platel, Mémoires, t. ii, p. 25, 26 (où il faut certainement corriger la date de 1714, en celle de 1719).

2. Reprise du procès à Rome ; Innocent XIII. — Clément XI étant mort le 19 mars 1721, son successeur, Innocent XIII (1721-1724), voulut presser la solution. Il confia l’affaire à une congrégation particulière dont Lambertini était le secrétaire. C’est pour défendre devant ce tribunal les intérêts des missionnaires jésuites que l’on fit venir à Rome le P. Brandolini, qui avait vécu au Malabar et professé la théologie à Goa. Comme l’avait fait Laynez, ce religieux publia à Rome une Giustificatione del praticato sin' ora da' religiosi delta Compagnia di Gesù nette missioni del Madurey, Mayssure, Carnale, presentata alla Santa Sede apostolica ; quelques années plus tard, l’ouvrage reparaissait à Cologne, sous une autre forme, et comme réponse aux objections du dominicain Lucino (voir ce mot) commissaire général du Saint-Office : Risposta aile accuse date al praticato sin' ora da' religiosi délia Compagnia di Giesù, nelle Missioni…, in due libri dioersi dal R. P. F. Luiqi Maria Lucino, Cologne, 1729. Le livre très volumineux contient trois parties ; la seconde, dans la deuxième moitié, discute spécialement la question des parias. Brandolini prétendait établir deux choses : que les pratiques incriminées étaient ou bien absolument ignorées chez les jésuites, ou, si on les étudiait en plein milieu indigène et d’après les idées indiennes, simplement civiles. Il établissait aussi, sur témoignages la réalité de Yoraculum vivse vocis. — De plus en plus irrité de la tournure que prenait l’affaire des rites, tant malabares que chinois, Innocent XIII ne cachait pas son intention d’en finir en prenant contre la Compagnie de Jésus des mesures extrêmement rigoureuses. Sa mort survenue le 4 mars 1724 arrêta de nouveau toute décision.

3. Précisions données par Benoît XIII dans la question des parias, 1727. — Mais Benoît XIII (17241730) confirma pourtant la congrégation établie par

son prédécesseur ; il maintint de même le décret de Tournon dans son intégralité, en rappelant la confirmation qu’en avait donnée Clément XI ; mais il alla plus loin. Ce dernier avait laissé en suspens la question des parias, voir col. 172"> ; Benoît XIII déclarait que, sur ce point, il faudrait désormais observer les prescriptions de Tournon : Decretum quoque de sacramentis administrandis moribundis hominibus infimic conditionis quos Parias appellanl, ultiori dilatione remota, pariler seruari et impleri pnecipimus. Lettre en forme de bref adressée le 12 décembre 1727 aux évêques et missionnaires du Maduré, du Maïssour et du Carnate.

4. Clément XII et le bref COUPBRTVM, 1731. Benoît XIV, qui rapporte le bref ci-dessus dans la bulle Omnium sollicitudinum, § 12, ne peut s’empêcher d’exprimer son étonnement de ce que cette parole si claire n’ait pas été entendue. « Chose plus extraordinaire encore, écrit-il, on déclara l’an 1732 au successeur de Benoît XIII, Clément XII (1730-1740), que l’on n’avait jamais entendu parler aux Indes de cette nouvelle confirmation. On suppliait donc le nouveau pape, nonobstant cette disposition de Benoît XIII, de vouloir bien faire reprendre à nouveau la question par le Saint-Office. » A ce moment, continue Benoît XIV, il y avait certes des missionnaires qui déclaraient la cause terminée et passée en l'état de chose jugée, mais il n’en manquait pas qui s’opposaient aux demandes du Saint-Siège, el pensaient qu’on ne devait pas leur obéir, non deerant qui postulatis haud annuendum esse crederent, iisque adi’ersarentur. De quel genre fuient exactement les résistances auxquelles fait allusion Benoît XIV ? Il y eut à coup sûr des protestations contre le caratère peu nuancé du décret de Tournon, des demandes d’explication. On s'étonnerait qu’il se fût produit de véritables refus d’obéissance. Clément XII pensa donc qu’un nouvel examen pourrait calmer l'âpreté de ces controverses ; il ordonna de poser de nouveau la question. Les débats furent repris sur nouveaux frais devant le Saint-Office, et toute faculté fut donnée à ceux qui attaquaient le décret de faire entendre leurs explications. Finalement, la discussion fut résumée en seize points ou dubia sur lesquels le Saint-Office exprima son avis motivé les 21 janvier, 13 mai, 22 juillet, 9 et 16 septembre 1733.

Ces réponses aux dubia sont de la plus grande importance, puisqu’elles donnent l’interprétation authentique du décret de Tournon ; le modérant sur certains points, le renforçant sur d’autres ; chaque dubium, en effet, s’ouvre par cette phrase : An et quomodo decretum sit exequendum in ea parte quæ est tenoris sequentis ? Nous donnerons simplement ces réponses :

1. Usage des sacramentaux dans le baptême : maintenir le décret ; mais le Saint-Père pourra concéder aux missionnaires une dispense pour une durée de dix ans, leur permettant d’omettre totalement le rite de l’Ef/ela, et de n’user des insufflations qu’en secret (Tournon prescrivait la publicité). Mais cette dispense n’est pas générale, elle n’est que pour des cas particuliers, pour des causes proportionnées, encore faut-il que les néophytes, sous peine d'être privés du baptême ne soient pas dans cette erreur que la salive et l’insufflation sont des éléments (impurs et) incapables de servir pour les cérémonies sacramentelles du baptême. Les missionnaires devront faire tous leurs efforts pour dissiper les préventions des indigènes sur ce point. Le Saint-Office blâmait d’ailleurs le fait que, pour la suppression de ces rites, on n’eût pas recouru au Saint-Siège : maie se gessisse episcopos concedendo hujusmodi dispensationem inconsulta Sede apostolica. — - 2. Les noms à donner au v