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MANGE NOT

1834

enseignement exégétlque, d’abord dans la chaire d’Ancien Testament ; puis, sa 1905, près la retraite i îlliom-t l’arrivée de M. J.Tooaard, H échangea, pour des raisons de convenance personnelle, cette chaire contre celle du Nouveau Testament. De même qu’A Nancy, sou arrivée à Paris lit sensation dans le monde des étudiants ecclésiastiques. Professeur d’exé depuis vingt ans dans un séminaire qui jouissait

alors d’une excellente réputation, K. Mangenol

aurait pu, sans aucun doute, vivre sur son acquis. Il n’en fit rien, et il arriva a Paris avee le dessein bien arrêté de reviser a fond toutes ses connaissances antérieures, de soumettre à de nouvelles enquêtes,

menées encore plus Impartialement, si possible, les

questions qu’il avait jadis considérées eoinme résolues. Ce fut vrai surtout dans les deux années qu’il professa l’exégèse de l’Ancien Testament. Pour ce qui conc erne en particulier le Pentateuque, 1°. Mangenol

avait adopté jusque-là l’ensemble des positions que

P. Yigouroux avait rendues elassiques dans le monde ecclésiastique. L’attention se portait beaucoup moins sur les problèmes littéraires soulevés par la composition des livres mosaïques que sur l’accord à réaliser entre la narration biblique, prise comme un tout, et les données soit de la science, soit de l’histoire. P. VlgOUTOUX avait fait du loncordismc. entendu dans le sens le plus large du mot. le dernier mot de la critique biblique. E. Mangenot s’inscrivit en très vive réaction contre cette manière de présenter les choses. Il comprit que la question littéraire primait toutes les autres, et qu’il ne suffisait pas d'écarter par une fin de non-recevoir, les solutions présentées par la critique indépendante. ;  !, essentiel était de les étudier de près et d’apprécier dès lors en toute sécurité la valeur des matériaux fournis par un travail immense et qui n’a pu être entièrement stérile. Les premiers auditeurs d’K. Mangenot conservèrent toujours le souvenir de l’enquête impartiale, un peu fatigante parfois par la multiplicité du détail, qu’il leur fit mener sur les sources du Pentateuque ; ils en furent émerveillés. L’année suivante l'étude d’Amos et des origines du prophétisme en Israël devait leur procurer de non moins agréables surprises. Si les cours sur le Nouveau Testament qui commencèrent en 1905 piquèrent moins vivement l’attention, ils ne laissèrent pas de procurer à ceux qui les suivirent avec diligence des satisfactions analogues. Il faut regretter néanmoins que le goût très vif pour le détail ait parfois fait oublier au professeur le souci de l’ensemble. L’exégèse, comme il est naturel, se perdait souvent en des minuties ; mais les introductions elles-mêmes auraient singulièrement gagné à être débroussaillées. Du moins E. Mangenot a-t-il su apprendre à ses disciples à travailler en profondeur, a ne pas se contenter de l’a peu près, à partir à la recherche des solutions sans préjugé d’aucune sorte, surtout à vérifier avec soin toutes les affirmations et a contrôler toutes les sources.

Cet enseignement des cours fermés ne fut pas le seul auquel se consacra E. Mangenot. Pendant le trimestre d'été 1910, il donna dans la chaire d’apologétique de l’Institut catholique de Paris, une série de conférences sur les Évangiles synoptiques, où il discutait les positions prises par A. I.oisy dans le volumineux commentaire sur les mêmes évangiles paru au cours de 1908. r.ii dire pourtant, il n'était pas conférencier, et ses conférences sentaient trop la dissertation. Où il excellait, c'était dans les causeries sur les matières scripturaires qu’il donnait de temps a autre dans l’intimité à un groupe d'élèves de Normale supérieure qu’avait su réunir l’abbé F. Portai. C’est en ces causeries que perçaient son immense érudition et sa connaissance approfondie des disciplines les plus diverses, que s’affinait son don naturel de la répartie. Ses inter locuteurs en furent plus (l’une fois stupéfaits, et luimême ne cachait pas le plaisir que lui causait la fre quentation de cette brillante jeunesse.

La guerre interrompit cette activité, il en passa la premlère année. la cure de Moutrol (Meurthe-et Moselle), suppléant avec un Inlassable dévouement les confrères

mobilisés, reprenant sans hâte quelques travaux d'érudition locale qui lurent toujours son passe temps

ravori, A la rentrée de PM. r >, il recommençait son enseJ

gnement à Paris, niais il ne retrouvait plus la l’acuité de théologie qu’il avait connue jadis ; le recrutement ordinaire était tari, et la Faculté n'était plus guère qu’un séminaire où se rencontraient de tout jeunes

gens, attendant la levée, et quelques réformés, il fallut en revenir aux méthodes élémentaires de Nancy ; ce n'était plus l’enseignement supérieur. La paix amena sans doute une résurrection de la Faculté, mais jamais elle ne reprit complètement le caractère qu’E. Mangenot lui avait connu lois de son arrivée. Il s’en consolait difficilement. Les infirmités d’une vieillesse précoce commençaient à se faire.sentir. Lui qui n’avait jamais connu la fatigue, il commençait a trouver lourdes ses multiples tvches. Plusieurs petites attaques se succédèrent ; un avertissement plus sérieux lui faisait prendre en janvier 1922 une double résolution : il donnerait sa démission de professeur, n’assurant plus les cours que jusqu'à la fin de l’année scolaire, et il s’adjoindrait pour la direction du Dictionnaire un coadjuteur à qui il passerait graduellement la main.

Ces deux questions étaient à peine réglées, au début de février, qu’il était atteint d’une grippe infectieuse qui le mit vite en danger. Il se rétablit néanmoins en apparence, assez pour aller chercher chez son neveu, au presbytère de Moutrot, un peu de repos et de calme. Bientôt ce prodigieux travailleur se remettait à l’ouvrage, s’occupant de régler les questions de tous ordres que soulevait le transfert du Dictionnaire en de nouvelles mains. Il travaillerait ainsi littéralement jusqu'à la dernière minute. Le 19 mars il avait consacré sa journée à écrire des réponses urgentes et à faire diverses recherches ; en se levant de sa table de travail, pour aller prendre son repas, il mourait subitement. Ses obsèques furent célébrées à Moutrot le 22 mars, avant que son corps fût transporté à Gémonville, auprès de ceux de ses parents. Elles furent très simples, très modestes, comme avait été toute sa vie.

Ce fut un travailleur acharné, un savant d’une rare conscience ; mais ce fut aussi un prêtre modèle. A tous ceux qui l’ont approché, ne fût-ce qu’tn passant, il a laissé le souvenir d’un homme d'Église d’une exemplaire régularité, d’une foi sincère, profonde, tranquille, d’un zèle sans agitation, mais toujours prêt à se mettre au service de la vérité, des âmes, de Dieu. Ceux qui l’ont connu de plus près ont pu apprécier davantage la loyauté et la droiture de son âme, la sûreté de son amitié, la générosité sans calcul de ses gestes, l’exquise bonté de son cœur, l’infatigable dévouement et la complaisance inlassable qu’il témoignait à tous les travailleurs. Il laisse au clergé de France un des plus beaux exemples que je connaisse en notre temps de la plus scrupuleuse honnêteté in tcllectuelle alliée a la plus parfa, te soumission a l'Église.

IL Tkavaix. — La production littéraire d’E. Mangenot fut extrêmement considérable. Si l’on excepte toutefois les six premiers volumes de ce Dictionnaire parus sous son exclusive responsabilité (il en fut seul chargé du fasc. > au lasc. 53), le nombre des livics portant son nom est relativement peu élevé. Son activité, par contre, s’est dépensée en une foule d’articles parus, soit dans les revues, soit dans les divers dictionnaires. Beaucoup de ces articles dont quelques-