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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/218

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MANGENOT — MANICHÉISME

d’apologétique que de nier l’évidence même. Non, ce n’est pas sans fondement historique que les ennemis de notre foi… parlent couramment de nombreuses cures merveilleuses attribuées à la toute-puissante bonté des dieux de la médecine. » À ceux qui lui firent remarquer que de telles affirmations pouvaient mettre l’apologiste catholique en mauvaise posture, E. Mangenot riposta sans doute par la même phrase sur laquelle il termina la polémique passablement discourtoise que son contradicteur avait engagée : « Je l’ai fait par amour de la vérité complète d’abord, et aussi un peu pour l’honneur de l’enseignement supérieur auquel nous appartenons tous deux. » Nulle parole ne saurait mieux caractériser l’ensemble de l’œuvre scientifique fournie par l’abbé Joseph-Eugène Mangenot.

É. Amann.

MANICHÉISME, secte religieuse fondée au iiie siècle par Manès ou Mani. — I. Sources. — II. Vie de Mani (col. 1858). — III. Expansion du manichéisme (col. 1864). — IV. Les doctrines manichéennes (col. 1872) — V. Origines du manichéisme (col. 1888).

I Sources. — Le manichéisme est encore pour l’historien une sorte d’énigme. Apparu brusquement, vers le milieu du iiie siècle, en Babylonie, c’est-à-dire au pays de syncrétisme religieux intense dans lequel se rencontraient et se mélangeaient les influences les plus diverses : celles du christianisme, du judaïsme, du mithraïsme, des vieilles religions locales de la Chaldée, il s’est répandu avec rapidité jusqu’en Espagne et en Afrique du Nord d’une part, et de l’autre jusqu’aux extrémités de la Mongolie et de la Chine. Pendant près d’un millier d’années, il a su conserver sa vitalité, en butte à l’hostilité des pouvoirs établis aussi bien qu’à la contradiction des systèmes qu’il prétendait remplacer. Les combats qu’il a été obligé de livrer ont parfois semblé accroître sa force. Mais, après ce rude effort de conquêtes et de luttes, le manichéisme a presque entièrement disparu. Les documents de l’activité littéraire de ses membres ont péri, victimes de l’usure du temps et surtout de l’hostilité des hommes. Il est aujourd’hui difficile de faire un tableau exact du manichéisme et beaucoup de ceux qui s’y sont essayés ont finalement échoué dans leurs efforts.

Naturellement, les sources les mieux assurées pour connaître la doctrine et l’histoire du manichéisme seraient les écrits mêmes de Mani et de ses disciples. Nous savons que les ouvrages du maître et ceux de ses principaux disciples formaient une sorte de livre sacré, de Bible, à laquelle on attribuait la plus haute autorité. En dehors de fragments et d’analyses, plus ou moins considérables, ces ouvrages sont aujourd’hui perdus. II n’en faut pas moins les citer en première ligne, au début de cette étude, avec l’indication des auteurs qui nous renseignent sur eux.

En second lieu, nous aurons à mentionner un certain nombre d’écrits manichéens, récemment retrouvés dans l’Asie Centrale. Ces écrits sont d’autant plus précieux qu’ils proviennent de cercles qui conservaient les traditions de Mani. Ils ne suffisent pourtant à satisfaire toutes les curiosités : rédigés dans des langues difficiles à comprendre, composés à des dates mal connues et peut-être assez récentes, conservés souvent à l’état de fragments, ils ont besoin d’être complétés et contrôlés par les témoignages des sources indirectes.

Celles-ci sont elles-mêmes de deux sortes : les sources orientales et les sources latines et grecques. Les sources orientales les plus importantes sont d’origine musulmane. Aboul Faradj Mohammed ben Ishaq, plus connu sous le nom d’An-Nadim (vers 980), et Sharastani (xiie siècle) surtout ont eu l’occasion de s’intéresser au manichéisme. Ils ont eu l’un et l’autre en main des ouvrages authentiques de Mani et de ses premiers disciples : les extraits et les analyses qu’ils nous fournissent sont de la première importance. Parmi les écrivains chrétiens de langue syriaque, saint Éphrem au ive siècle, et Théodore Bar-Khôni au viiie siècle sont spécialement bien renseignés, et leur témoignage doit être pris en sérieuse considération. Quant aux sources latines et grecques, il suffit pour l’instant de signaler les Acta Archelai d’Hégémonius, ouvrage du IVe siècle, qui met en scène Mani lui-même et un de ses principaux disciples Turbo, et les traités antimanichéens de saint Augustin : celui-ci, avant sa conversion, avait passé plusieurs années dans la secte et avait eu l’occasion de lire de nombreux ouvrages manichéens, de recueillir un certain nombre de traditions : par lui, nous sommes bien renseignés sur le manichéisme africain de la fin du ive siècle.

I. SOURCES MANICHÉENNES. — 1o Ouvrages de Mani. — L’historien arabe An-Nadim, parlant de l’activité littéraire de Mani, écrit : « Mani composa sept livres, un en persan et six en langue syriaque. Parmi eux se présentent : d’abord le livre des Mystères…, secondement le livre des Géants…, troisièmement le livre des Préceptes pour les Auditeurs, avec un appendice des Préceptes pour les Élus…, quatrièmement le livre intitulé : Shâpurakân…, cinquièmement le livre de la Vivification…, sixièmement le livre intitulé : Farakmatija… » G. Flügel, Mani, seine Lehre und seine Schriften…, Leipzig, 1802, p. 102, 103. Le texte d’An-Nadim, qui a ici une lacune, ne donne pas le titre du septième livre annoncé.

Birûni (vers 1000) donne une liste qui reproduit à peu près celle d’An-Nadim. Il a trouvé, dit-il, à Hawarizim un volume de livres manichéens, qui contenait les écrits suivants : la Farakmatija ; le livre des Géants ; le Trésor de la vivification ; le Soleil de la certitude et du fondement ; l’Évangile ; le Shâpurakân ; une quantité d'Épîtres de Mani ; enfin le livre des Mystères. Birûni, Chronologie orientalischer Völker, édit. Sachau. Leipzig, 1898, p. xxxviii.

Ces listes sont les plus complètes et les plus vraisemblables des écrits authentiques de Mani. Les six premiers du catalogue d’An-Nadim auraient été rédigés en syriaque, par où il faut entendre non pas le syriaque classique, la langue parlée à Édesse, mais l’araméen de Babylone, et plus précisément la langue du Sûristan, c’est-à-dire de la région du Tigre et de l’Euphrate inférieurs. D’après An-Nadim, Mani aurait inventé, pour transcrire ses œuvres une écriture spéciale, dérivée du syriaque et du persan, et plus riche en caractères que l’arabe. G. Flügel, op. cit., p. 167, 168. Après lui, les manichéens auraient conservé ce système d’écriture dans la copie de leurs livres saints.

Que savons-nous de chacun des livres de Mani ?

1. Le livre des Mystères. — Cet ouvrage est cité par Hégémonius, Acta Archel., 62, édit. Beeson, p. 91, par Titus de Bostra, Contra Man., i, 5, P. G., t. xviii. col. 1076, et par saint Épiphane, Hæres., lxvi, 13, P. G., t. xiii, col. 48 C. L’analyse soi-disant fournie par ce dernier est empruntée à Titus qui, en réalité, ne semble pas avoir connu l’œuvre de l’hérésiarque. Photius, Contra Man., i, 12, P. G., t. cii, col. 36 A, et la seconde formule grecque d’abjuration, P. G., t. i, col. 1405, assurent que dans le livre des Mystères, les manichéens s’efforcent de détruire la Loi et les Prophètes. L’analyse donnée par An-Nadim, édit. Flügel, op. cit., p. 102, 103, confirme cette assertion. D’après An-Nadim, les Mystères étaient divisés en 18 chapitres, dont le 17e traitait des prophètes, tandis que d’autres (4, 5, 10) étaient consacrés à Jésus. Plusieurs chapitres, 1, 12 et 13, s’occupaient des Deisanites, qui se rattachaient à Bardesane. Dans l’ensemble, le livre