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MANICHÉISME, EXPANSION

C&

linien I" prennent des mesures sévères contre les Écri I tires de la secte et contre tous ceux qui les détiennent. Héraclien de Chalcédoine, Pau] le Perse, Zacharie le Rhéteur, discutent longuement les théories manichéennes. Jusqu'à la fin du i.v siècle, les écrits de Iani et ceux de ses disciples restent assez répandus pour que les théologiens y voient un danger réel pour l’orthodoxie : entre 8(17 et 871, un compilateur anonyme fait un recueil des principales réfutations du manichéisme et le dédie en vers pompeux à l’empereur Basile. Vers le même temps, semble-t-il, paraît la grande Histoire des manichéens, dont nous possédons quatre éditions légèrement différentes attribuées a Photius, à Pierre de Sicile, à Georges le Moine et à Pierre l’higoumène.

A ce moment, il est vrai, on s’en prend moins aux manichéens proprement dits qu’aux pauliciens, leurs continuateurs. La secte des pauliciens étaitnée vers la fin du vii r siècle en Arménie : ce pays avait de bonne heure connu le manichéisme, et dès le Ve siècle Eznik de Kolb attaquait la doctrine des deux racines exposée par les Zandiques. Vers 590, des missionnaires manichéens avaient travaillé avec succès à prêcher leurs doctrines et avaient traduit les livres de la secte en langue arménienne. Le paulicianisme, rameau détaché du tronc commun, se répandit dans l’empire byzantin. Les efforts réunis des théologiens et des autorités civiles eurent bien du mal à venir à bout de la subtilité et des résistances des hérétiques. Cf. Karapet Ter-Mekertschian, Die Paulieianer im byzantin. Kaisrrreiche, Leipzig, 1893.

Nous achevons ainsi le tour de l’ancien Empire romain. Le manichéisme, réfuté par les docteurs chrétiens, condamné par le pouvoir séculier, sut résister à toutes les attaques. Sans doute, en tant que secte organisée, il disparut de l’Occident après le vie siècle, de l’Orient après le vrne ou le ix e. Mais il laissa des traces profondes dans l’histoire. Les cathares de la France méridionale, au xie et au xiie siècle, se rattachent d’une manière très étroite au manichéisme, dont ils professent les dogmes fondamentaux, et dont ils reproduisent, au moins en partie, l’organisation ecclésiastique. Il en est de même en Orient où les bogotniles du xie siècle conservent les traditions manichéennes. Nous n’avons à nous occuper ici ni des cathares ni des bogomiles : il fallait tout au moins signaler les rapports étroits qui les unissent au manichéisme primitif.

Dans l’empire perse.

L’expansion du manichéisme n’est pas limitée au bassin de la Méditerranée. Il semble, au contraire, que la religion de Mani

ait trouvé en Asie sa véritable terre d'élection : en tout cas, c’est en Asie qu’elle a connu ses plus grands triomphes.

Il va de soi que le manichéisme ait fait une longue et brillante carrière en Babylonie, dans le pays même où il avait pris naissance. An-Nadim raconte que » lorsque Mani s'éleva dans le paradis de Lumière, il laissa Sis après lui en qualité d’iman. Le disciple garda la religion de Dieu dans sa pureté jusqu'à sa mort. Puis, les autres imans se la transmirent l’un à l’autre. Aucune diversité d’opinions ne se fit jour parmi eux jusqu'à ce que parut une secte schismatique, connue sous le nom de Dènàvarsquise donna son propre iman et mi voua l’obéissance. » Flugel, Mani, p. 97.

En fait, le résumé d' An-Nadim est trop optimiste : et les manichéens de Perse n’avaient pas attendu aussi longtemps pour se diviser en sectes rivales. D’après Théodore Bar Khôni, sous le règne de Firou (458184), un certain Battaï, élevé dans le groupe gnostique des kantéens, passa chez les disciples de Manès où il « recueillit et mit en ordre quelques-uns de leurs discours et quelques bribes de leurs mystères magiques ».

Puis, il enseigna une nouvelle religion, faite d’emprunts au manichéisme orthodoxe et au gnosticisme

qu’il avait abandonné.

Vers le même temps, un mendiant de l’Adiabène, nommé Ado, s'étant établi dans la Mésene, près du lleuve Karoun, y prêcha une doctrine où se mélangeaient des éléments manichéens, kantéens et marcionites. Cf. II. Pognon, Inscriptions manctaïtes des coupes de Khouabir, p. 221-227.

Toutefois, ce fut bien, comme le rapporte AnNadim, au viiie siècle qu’un Élu, nommé Zadhommouz, fonda, à Madaïn, une secte qui se glorifiait de rétablir dans toute leur pureté les observances primitives de Mani et qui fit officiellement schisme avec l'Église établie. Après Zadhommouz.le groupe eut une série d’imans, dont la succession est indiquée par AnNadim : Miklas, Bouzourmihr. Iazdanbacht, Abou-Ali Saïd, Nan ben Hommouz de Samarkand, et AboulHasan de Damas. Flugel, Mani, p. 97-99.

Malgré le schisme, le manichéisme orthodoxe ne cessa pas d'être florissant. « Les imans orthodoxes de Babylone jouissaient d’une telle autorité qu’entre 724 et 738, l’un d’entre eux, nommé Mihr, reçut les distinctions les plus flatteuses de l'émir de l’Irak, Chalid ben Abdallah al-Kasri… Les mihrites eurent ensuite d’autres chefs éminents, par exemple, AbouHilal ad-Deihouri, qui, sous le califat de Mansour (754-775) s’appliqua à réparer le schisme de Miklas, et Abou-Saïd Raha, qui combattit un peu plus tard celui de Bouzourmihr. t P. Alfaric, Les écritures manichéennes, t. i, p. 73, 74. Cf. An-Nadim, dans Flugel, Mani, p. 98, 99.

Le règne de Mehdi (775-785) fut surtout marqué par la traduction en arabe des ouvrages de Mani. Le traducteur, Abdallah ibn al-Moqafîa, étaitl’un des plus savants hommes de ce temps, et il avait acquis la réputation d’un élégant écrivain. D’autres auteurs, plus originaux, exposèrent à la même époque la foi manichéenne : An-Nadim écrit à ce sujet : o Parmi les chefs manichéens, adonnés à la scolastique, qui se convertirent extérieurement à l’islam, mais adhérèrent intérieurement à l’incroyance, les principaux sont Ibn Talout, Abou Shakir, Ibn Achi Abi Shakir, Ibn al-Ada al-Harizi, Nou’man, Ibn Abi’l 'audja, Salih ben 'Abdal Qaddous. Tous ces gens-là écrivirent des livres pour la défense des deux principes. » Flugel, Mani, p. 107.

La traduction arabe des livres de Mani put contribuer à l’expansion de sa doctrine dans le pays des deux fleuves. Mais, c’est au delà de la Mésopotamie crue le manichéisme eut la plus brillante fortune : « Déjà à la mort de Mani, beaucoup d’adeptes du novateur, pourchassés par Bahram, s'étaient réfugiés vers la frontière orientale du royaume persan. Ils s'étaient établis en grand nombre dans les contrées relativement paisibles du Khorassan, et ils y avaient formé un groupe très actif. Les émigrés, qui avaient tout quitté pour conserver leur foi tenaient à la garder en sa forme etsa vigueur premières. Bientôt, ils reprochèrent à leurs coreligionnaires, qui étaient restés sous la domination hostile des Sassanides et qui avaient dû recourir à certains compromis, de ne plus pratiquer la vraie doctrine du maître. Ils refusèrent de reconnaître l’iman de Babylone, et ils constituèrent une secte nouvelle, celle des Dênàvars qui eut son propre chef. C’est d’une ville du Khorassan, de Nishabour, que vint Mazdak dont la doctrine n'était guère qu’une interprétation particulièrement étroite et rigoureuse de quelques théories esquissées par Mani. C’est de là aussi que semble être parti le mouvement de renaissance dualiste qui se produisit dans le monde islamique, au temps des premiers Abbassides. » P. Alfaric, op. cit., p. 78, 79. C’est là encore que vinrent se réfugier sous