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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/345

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MARIAGE DANS LES PÈRES. LES SECONDES NOCES


surtout qu’il a fait progresser la doctrine de la

valeur morale du l’acte conjugal.

Certaines choses, dit-il, sont bonnes par elles-mêmes,

par exemple la sagesse, la santé, etc., et d’autres sont bonnes en tant que moyens d’obtenir les premières, par exemple l’étude, la nourriture, le sommeil, etc. Du nombre de ces moyens est le concubitus, l’acte conjugal. La moralité de ces moyens dépend du but que l’on a en vue quand on les emploie. Si l’on s’en sert pour le but auquel ils sont naturellement ordonnés, on agit bien ; si on se prive de leur usage alors qu’il n’est pas nécessaire, on agit mieux ; si on les emploie en les détournant de leur but, on pèche plus ou moins gravement : his bonis… qui non ad hoc utitur propter quod instituia sunt peccal, alias venialitcr, alias damnabilitcr, n. !), col. 380.

Les principes ainsi posés, il n’y a qu’à les appliquer à l’acte conjugal. Si les époux y renoncent, c’est une preuve de vertu supérieure ; car l’acte conjugal n’est nullement nécessaire ; rares seront toujours les continents et le genre humain ne risque pas de finir par leur abstention ; d’ailleurs, ajoute saint Augustin, même si le monde devait cesser de vivre par excès de vertu, ce serait seulement l’avènement plus rapide de la cité parfaite de Dieu au ciel, n. 10, col. 381.

Si, au contraire, les époux usent du mariage, ils peuvent le faire pour avoir des enfants ; ils se conforment alors aux indications de la nature et à l’ordre positif de Dieu, ils ne pèchent pas. Mais ils peuvent aussi mêler à ce but légitime une intention voluptueuse ou même oublier le vrai but pour ne chercher que la volupté : ils se trouvent alors dans le cas où l’apôtre déclare concéder le mariage secundum veniam ; ils pèchent dans la mesure où une intention mauvaise se mêlera à l’intention légitime. : Concubitus necessarius causa generandi, inculpabilis et solus ipse nuptialis est. Ille autem qui ultra istam necessitatem progreditur, jam non ralioni, sed libidini obsequitur, n. 11, col. 381. Decus ergo conjugale est castitas procreandi et reddendi carnalis debiti fides ; hoc est opus nuptiarum, hoc ab omni crimme défendit Apostolus… Exigendi autem debiti ab alterutro sexii immoderatior progressio… conjugibus secundum veniam conceditur, n. 12, col. 382. L’époux consciencieux pourra satisfaire aux exigences immodérées de son conjoint, ne fornicando damnabilitcr peccet ; mais si tous deux sont complices dans l’intention voluptueuse, leur dérèglement est un péché, péché véniel toutefois, pourvu que le but honnête soit voulu davantage et qu’ils n’écartent pas la miséricorde de Dieu, vel non abstinendo quibusdam diebus utorationibus vacenl… vel immutando naturalem usum in eum usum qui est contra naturam, quod damnabilius fit in conjuge, n. 11, col. 382. Car il y a une double différence entre les relations légitimes dans le mariage et les relations illégitimes en dehors du mariage : ille naturalis usus, quando prolabitur ultra pacta nuplialia, id est ultra propagandi necessitatem, venialis est in uxore, in meretrice damnabilis ; iste qui est contra naturam, exsecrabiliter fit in meretrice, sed exsecrabilius in uxore, n. 12, col. 382.

Saint Augustin ne se fait d’ailleurs aucune illusion. Cette pureté de vue est rare et difficile ; il y a même, dit-il, des époux qui trouvent plus aisé de garder la continence toute leur vie que de n’avoir que des intentions parfaitement pures en usant de leur mariage, n. 15, col. 384.

Il y a donc une chasteté pour les époux comme il y en a une pour les continents, cette dernière d’ailleurs plus élevée en elle-même parce qu’elle exige et suppose un renoncement plus absolu. Cette supériorité de la virginité, il la proclame contre Jovinien, tout en maintenant la bonté morale du mariage : nullo modo dubitandum est meliorem esse castitatem eontinentiic

quam castitatem nuptiarum, cum tamen utrumque sil bonum, n. 28, col. 392. Et ainsi, à la fin de cette élude morale si remarquable a plus d’un titre, saint Augustin nous ramène à l’idée qui a dominé tout l’enseignement des Pères sur la valeur comparée du mariage et de la virginité.

2. Comparaison entre 1rs secondes noces et le veuvage. Au fond, c’est toujours la même question. L’appel à la perfection qui pousse les âmes d’élite a consacrer à Dieu leur virginité peut se faire entendre seulement après un premier mariage. L’époux rendu à la liberté par la mort de son conjoint a certainement le droit de se consacrer dans le veuvage au service de Dieu ou du prochain ; en a-t-il le devoir ? La question se compliquait cependant pour les Pères par la doctrine de l’unité du mariage : les époux se sont donnés l’un à l’autre ; leur engagement est indissoluble ; celui qui se remarie ne manque-t-il pas à la fidélité due à l’époux défunt ? Cette considération fut la principale raison pour laquelle les Pères se divisèrent au sujet des secondes noces plus qu’au sujet du mariage lui-même. a) Pères grecs. — Athénagore dépeint ainsi les mœurs chrétiennes au sujet du mariage : « Parmi nous chacun demeure comme il est né, ou ne se marie qu’une fois. Un second mariage, en effet, est un adultère décent, sinpsTz^ç p.oi/sîa… Celui qui se sépare de sa première femme, même si elle est morte, est en secret adultère ; il transgresse la création de Dieu qui n’a fait qu’un homme et qu’une femme ; il rompt le lien qui liait son corps à un autre corps en une unité parfaite. » Légat., 34, P. G., t. vi, col. 967, 968.

Cette sévérité sans ménagement est exceptionnelle. Clément d’Alexandrie ne condamne pas les secondes noces, tout en conseillant de demeurer dans le veuvage. Sa doctrine est, en somme, celle de saint Paul dont il cite les paroles sous cette forme : « Si tu brûles, marie-toi. » Strom., III, i, P. G., t. vin. col. 1103, 1104 ; "cf. xii, col. 1183, 1184.

Origène a parlé des secondes noces d’une manière qui peut être mal comprise ; il semble dire que ceux qui se remarient n’appartiennent pas à l’Église de Dieu, au royaume de Dieu ; mais si on recourt au contexte immédiat, il est manifeste que le sens est différent : « Celui qui est bigame, dit-il, alors même qu’il mènerait une vie digne et vertueuse, n’est pas de l’Église de Dieu, ni du nombre de ceux qui n’ont ni ride, ni tache, ni quoi que ce soit de semblable. Il est du second degré, de ceux qui invoquent le nom du Seigneur et qui sont sauvés au nom de Jésus-Christ, mais qui ne sont pas couronnés par lui. » In Lucam. hom. xvii, P. G., t. xiii, col. 1847. Évidemment il oppose le salut de ceux qui se sont remariés à la couronne de gloire plus resplendissante que recevront les parfaits, ceux qui ont gardé la virginité ou au moins le veuvage ; mais il ne les condamne pas, puisqu’il dit expressément qu’ils seront sauvés. Ailleurs il admet qu’on laisse croire aux veuves qu’elles pécheraient en se remariant ; c’est une tromperie, mais qui leur est utile, puisque les secondes noces les feraient déchoir. In Jercmiam, hom. xix, 4, P. G., t. xiii, col. 507-508. Les conciles grecs du iv° siècle se placent plus au point de vue de la discipline extérieure qu’à celui de la conscience. Ils donnent l’impression de chercher à tenir le juste milieu entre deux tendances opposées dont nous ne connaissons pas les manifestations ; et c’est pourquoi, tout en soumettant à une pénitence modérée ceux qui se remarient, ils évitent de laisser entendre qu’ils sont coupables en conscience ou même ils disent formellement le contraire. Le concile de Néocésarée (un peu après 315) défend aux prêtres d’assister au repas de noces de ceux qui se marient pour la seconde fois, can. 7 : et rappelle que ceux qui contractent mariage plusieurs fois sont soumis à