Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n :)

    1. MARIAGE##


MARIAGE, DÉFINITIONS ET CONDAMNATIONS PONTIFIl.LES

2280

Deux idées principales inspirent tous les documents pontificaux que nous devons examiner : l’identité du contrai et du sacrement de mariage et, conséquence nécessaire, le pouvoir exclusif de l'Église en tout ce qui concerne le lien conjugal.

Bien que le premier soin de l'Église, à l'époque de la sécularisât ion, ait été de défendre et de justifier des droits acquis, le centre du débat, c’est-à-dire la nature du contrat et son lien avec le sacrement, n’a pas été perdu de vue. Dans une lettre du Il juillet 1789, Pie VI rappelait que le mariage ne peut être réduit à la condition d’un contrat purement civil.

Les définitions les plus précises et qui ont eu la plus large diffusion, c’est Pie IX qui les a posées. En 1851, il condamne cette erreur de J. N. Nuytz :

Matrimonii sacramentum I.e sacrement de mariage

non esse nisi quid contrætui n’est qu’un accessoire du

accessorium al> eoque sepacontrat, dont on peut le

ràbfle, ipsumque sacramenséparer, et il réside dans la

tum in una tantum nupbénédiction nuptiale, tiali benedictione situm esse.

Le 19 septembre 1852, il écrit au roi de Sardaigne : « C’est un dogme de foi que le mariage a été élevé par Notre-Seigneur Jésus-Christ à la dignité de sacrements et la doctrine de l'Église est que le sacrement ne consiste point en une qualité accidentelle ajoutée au contrat, mais appartient à l’essence même du mariage ; de telle sorte que l’union conjugale, chez les chrétiens, n’est légitime que dans le sacrement, hors duquel il n’y a que concubinage. »

Même notion dans l’allocution Acerbissimum vobiscum, du 27 septembre 1852, où Pie IX s'élève contre la législation religieuse de la Nouvelle-Grenade (Colombie) :

Inter fidèles matrimonium Entre fidèles il ne peut y

dari non pesse quin uno avoir de mariage qui ne soit

eodemque tempore sit sæn même temps sacrement,

cramentum, atque ideirco et dès lors entre chrétiens

quamlibct aliam inter christoute autre union de l’hom tianos viri et mulieris prame et de la femme en dehors

ter sacramentum conjun : - de l’union sacramentelle,

tionem, cujuscumque etiam même contractée en vertu de

civilis legis vi factam nihil la loi civile, n’est autre chose

aliud esse nisi turpem atque qu’un honteux et pernicieux

exitialem concubinatum ab concubinage, absolument

Ecclesia tantopere damnacondamné par l'Église. En

tum ; ac proinde a conjugali conséquence, le sacrement ne

fœdere sacramentum sepapeut jamais être séparé du

rari nunquam posse et omcontrat matrimonial, et c’est

nino spectare ad Ecclesiam a l'Église seule qu’appartient

potestatem ca omnia decerle pouvoir de régler tout ce

nere qu ; e ad idem matrimoqui, d’une manière ou de

nium quovis modo possunt l’autre, peut toucher au ma pertinere. Denz-B., n. 1610. riage.

Le Syllabus, n. 66, condamne cette proposition :

Matrimonii sacramentum Le sacrement de mariage

non est nisi quid contrætui n’est autre chose qu’un ac accessorium ab eoque sepacessoire du contrat, qui peut

rabile, ipsumque sacramenen être séparé, et 13 sacre tum in una tantum nuptiali ment lui-même consiste ex benedictione situm est. Denclusivement en la bénédic zinger, n. 1766. tion nuptiale.

Cette notion de l’indivisibilité du contrat-sacrement, nul ne l’a affirmée avec plus de constance que Léon XIII. Peu de semaines après son élévation au trône pontifical, le 21 avril 1878, dans l’encyclique Inscrutabili, il déplorait les maux qui affligent les sociétés modernes et il en voyait l’une des sources dans la séparation du contrat et du sacrement de mariage. Jésus-Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement, les lois du siècle le réduisent à la condition d’un pur contrat civil : d’où la ruine de la société conjugale, Acta Leonis XIII, t. 1, p. 54 sq. Le 28 décembre de la même année, dans l’encyclique contre le socialisme, il rappelle que le mariage est, de droit

naturel, indissoluble et qu’il a été élevé par.JésuChrist à la dignité de sacrement. Ibid., p. 178. La doctrine du contrat-sacrement est plus rigoureusement et plus directement enseignée dans la lettre Ci siamo, ad nsséc le 1° juin 1879 aux archevêques et évêques des provinces ecclésiastiques de Turin, Verceil et Gênes : (/est méconnaître les principes fondamentaux du christianisme et, nous ajouterons, les notions élémentaires du droit naturel que d’affirmer que le mariage est une création de l'État et rien de plus qu’un contrat vulgaire, une association de pur intérêt civil. » Or, c’est Dieu qui a institué le mariage et Jésus-Christ lui a donné le caractère sacramentel. Les modernes présentent comme un progrès la dissociation du contrat et du sacrement, les affaires qui regardent le contrat étant réservées à l'État, tandis que l’intervention de l'Église se bornerait à une bénédiction rituelle. Il est certain que la conscience des catholiques sincères ne peut accueillir cette doctrine comme base d’une législation chrétienne sur le mariage, pour la raison qu’elle se fonde sur une erreur dogmatique plusieurs fois condamnée par l'Église, et qui réduit le sacrement à une cérémonie extrinsèque et à la condition d’un simple rite. Cette doctrine détruit le concept essentiel du mariage chrétien, suivant lequel le lien conjugal sanctifié par la religion s’identifie avec le sacrement et constitue inséparablement avec lui un seul objet et une seule réalité (e costituisce inseparabilmenle con esso un solo soggettoe una sola realità). Enlever au mariage son caractère sacré, dans une société chrétienne, c’est le dégrader et mépriser les intérêts religieux des fidèles. L’expérience montre les fruits très amers d’une telle entreprise. Ibid., p. 236 sq.

L’encyclique Arcanum condamne avec éclat la distinction proposée par les régaliens : « Qu’on ne se laisse pas émouvoir par la fameuse distinction si prônée par les régaliens, qui distingue entre le contrat nuptial et le sacrement, avec l’intention de livrer, réserve faite des droits de l'Église sur le sacrement, le contrat matrimonial au pouvoir et à l’arbitraire des chefs de l'État. Cette distinction ou, pour mieux dire, cet écartèlement (disiinctio, seu vertus distractio) ne peut être acceptée, étant prouvé que, dans le mariage chrétien., le contrat n’est pas séparable du sacrement et que dès lors il ne peut y avoir vrai et légitime contrat qui ne soit par là même sacrement. Car le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement, et le mariage c’est le contrat, pourvu que ce contrat soit fait régulièrement. Il apparaît donc que tout mariage légitime qustum) entre chrétiens est sacrement en soi et par soi ; rien ne s'écarte davantage de la vérité que l’idée que le sacrement est un quelconque ornement ajouté (au contrat), ou une qualité venue de l’extérieur (proprielalem illapsam extrinsecus) que l’on pourrait disjoindre et détacher du contrat, au bon plaisir des hommes. > Denzinger, n. 1854. Le 8 février 1893, le pape écrit encore à l'évêque de Vérone : « C’est un dogme que le mariage a été élevé par JésusChrist à la dignité de sacrement, et cette dignité n’est pas une qualité accidentelle ajoutée au contrat de mariage, mais elle tient à son essence la plus profonde, étant donné que c’est le contrat lui-même qui, par institution divine, est devenu sacrement. » Acta, t. xiii, p. 38. La même doctrine est rappelée dans l’allocution consistoriale du 18 mars 1895. Acta, t. xv, p. 73 sq. ; dans une encyclique du 16 août 1898 adressée aux évêques péruviens, t. xviii, p. 140 sq. ; dans l’allocution consistoriale du 16 décembre 1901, t. xxi, p. 185 sq. ; dans une lettre aux évêques de l’Equateur du 24 décembre 1902, t. xxii, p. 261 : « Puisque Jésus-Christ a élevé le mariage chrétien à la dignité de sacrement, tout mariage entre chrétiens