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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/461

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M M [AGE DANS L'ÉGLISE GRÉCO-R USSE

son pouvoir souverain, En fait, le motif de divorce qui intervenail le plus fréquemment en Russie, avant la guerre, étail « ! n i de l’absence sans nouvelles. Chaque semaine, les Tserkovnyia Viédomosti y organe du SaintSynode, publiaient dans leurs pages d’annonces une trentaine de demandes de divorce appuyées sur ce seul motif. Celui-ci est aussi le plus fréquemment mis en avant par les Russes exilés, comme on le voit par les annonces « le la revue du Synode russe établi à Carlovitz, revue qui porte le même nom que l’ancien organe synodal. Mais i ! y a cette différence que la durée de l’absence sans nouvelles est limitée à trois ans au lieu de cinq. De plus, les Russes de la dispersion obtiennent le divorce pour abandon malintentionné, deux mois après que cet abandon a été notifié a la partie coupable par ladite revue.

La pratique des Églises bulgare, serbe et roumaine en cette matière se modèle sur celle du patriarcat œcuménique. Chez les Bulgares, d’après la loi du 21 mars 1897, on admet, entre autres causes de divorce, les suivantes : l’absence sans nouvelles du mari pendant quatre ans ; l’ivrognerie amenant la dilapidation des biens de la famille ; le refus obstiné et non motivé de la femme de réintégrer le domicile conjugal, après trois ans de séparation. Cf. Revue catholique des Églises, 1908, t. v, p. 177-179.

Pendant longtemps, au conjoint qui donnait lieu au divorce par sa faute, spécialement en cas d’adultère, le droit ecclésiastique interdisait absolument de contracter un nouveau mariage. Mais peu à peu, on s’est relâché, en plusieurs endroits, de cette rigueur. C’est ainsi qu’en ces derniers temps, en Russie, en Bulgarie, au Monténégro, la partie coupable pouvait se remarier, si, après avoir accompli la pénitence canonique imposée, elle donnait des signes d’amendement. Cf. Milasch, op. cit., p. 912 ; J. Zhishman, Das Eherecht der orientalischen Kirche, Vienne, 1864, p. 800-803.

Comment les canonistes gréco-russes expliquent-ils cette facilité de leur Église à rompre le lien matrimonial, contre la défense formelle de Jésus-Christ dans l'Évangile : Quod Deus conjunxit, homo non separet ? Tout d’abord, ils prétendent que Notre-Seigneur a permis le divorce en cas d’adultère ; et c’est dans ce sens qu’ils interprètent les mots de l'évangile de saint Matthieu : excepta fornicationis causa (v, 32 ; xix, 9) ; cf. art. Adultère, t. i, col. 471 sq. Ils ajoutent ensuite que les paroles de la sainte Ecriture enseignant la rupture du lien matrimonial par la mort naturelle ou par l’adultère ne doivent pas être prises en un sens trop littéral, mais plutôt comme des indications générales, qu’il est permis d'étendre à des cas analogues. Or, en dehors de la mort naturelle, il y a la mort civile par la condamnation à une peine infamante ; la mort religieuse par l’apostasie. Une absence prolongée, un abandon obstiné équivalent à la mort physique. En plus de l’adultère qualifié, il y a l’adultère présumé, qui peut revêtir diverses formes. Cf. Milasch, op. cit., p. 897 ; M. Sakellonopoulos, 'Exx.~kr l aia.aT.Y.b) Sbtouov, Athènes, 1898, p. 540 ; I. Hadschits, De causis matrimonium dissociantibus juxta disciplinam orthodoxe Ecclesise Christi Orientalis, Budapest, 1826, p. 9-19. Évidemment, avec une pareille exégèse, une large voie est ouverte au divorce ; mais comment établir que cette exégèse rend la pensée du Christ et des Apôtres ? La pratique de l'Église primitive lui est absolument opposée, comme le reconnaît le canoniste russe Souvorov : « L'Église romano-catholique, écrit-il, s’en est tenue à la règle sévère de la discipline des premiers siècles : la société conjugale n’est dissoute que par la mort de l’un des conjoints. » Op. cit., p. 382, 385. Au demeurant, plusieurs documents insérés dans le nomocanon de l'Église byzantine favorisent ouvertement la thèse catholique. Voir, en particulier, le

canon IK des Apôtres et le canon 115 de la collection des canons dits de Carthage.

VI. DO SU JE ! DU SACREMEN I DE UAKIAGI- :. - Si

nous traitions du mariage au point de vue canonique, il y aurait ici beaucoup a dire ; car les divergences et les particularités ne manquent pas entre les deux disciplines grecque et latine relativement aux empêchements, à la célébration du mariage, etc.Même au sein dis Eglises autocéphales. l’uniformité n’est pas parfaite sur tous ces points. Mais ces questions n’ont qu’un rapport très éloigné avec le dogme, et reviennent de droit au Dictionnaire de droit canonique. Nous nous contenterons de dire un mot de la polygamie successive et spécialement des quatrièmes noces ou tetragamie, qui donna lieu, au début du xe siècle, à une vive controverse entre Grecs et Latins, et entn Grecs eux-mêmes, et renouvela pour quelques années le schisme photien à peine éteint.

On sait que certains Pères orientaux ont eu des mots très durs pour les deuxièmes et les troisièmes noces. Saint Basile va jusqu'à assimiler la trigamie à une fornication. Voir, plus haut, col. 2097. L'Église byzantine toléra cependant les deuxièmes et les troisièmes noces ; mais elle refusa longtemps de les bénir, et elle imposa une pénitence aux bigames et aux trigames. Quant à la tetragamie, elle fut absolument prohibée, à partir du synode dit de l’union, convoqué à Constantinople en 920 pour mettre fin au schisme occasionné par le quatrième mariage de Léon le Sage. Ce n’est pas ici le lieu de raconter en détail les diverses phases de ce schisme, qui ne fut complètement éteint qu’en 996, lorsque les derniers partisans du patriarche Éuthyme (907-912), qui. d’accord avec Rome, avait reconnu la licéité des quatrièmes noces, firent leur soumission et acceptèrent les décisions du synode de 920. Voir Lé*on VI f.e Sage, ci-dessus, col. 365-379. Ce qu’il y a à signaler, à propos de la tetragamie, c’est la tentative du patriarche de Constantinople. Nicolas le Mystique, d’en faire une question dogmatique, en déclarant que les quatrièmes noces étaient interdites en vertu du droit divin. Toute cette controverse fut visiblement inspirée, du côté de Nicolas, par l’esprit de contention. Lui qui voulait d’abord, de sa propre autorité, accorder à Léon le Sage la dispense pour son quatrième mariage, se mit ensuite à contester la possibilité de cette dispense et écrivit à ce sujet plusieurs lettres arrogantes à Rome, sans obtenir de réponse. Il finit cependant par céder, au moins tacitement, puisque le décret d’union de 920, ô t6u.o ; tt, ç évcûaecoç, tout en défendant absolument les quatrièmes noces, s’abstient de blâmer la dispense accordée à Léon le Sage. Pour le bien de la paix, le pape adhéra, en 923, à ce décret d’union. C’est sans doute parce que les réserves probables faites par le pape Jean N ne furent pas suffisamment proclamées à Byzance, qu’un groupe important deuthymiens continua la résistance contre Nicolas et ses partisans. Cf. Hergenrother. Photius von Constanlinopcl. t. m. p. 655-694.

Au demeurant, malgré la défense si formelle du tome de l’union, les cas de tetragamie n’ont pas été rares dans l'Église gréco-russe, spécialement en Russie. Au xvie siècle, on vit dans ce pays, à propos du quatrième mariage d’Ivan IV le Terrible, une répétition de ce qui s'était produit à Byzance, au xe siècle, à l’occasion de la tetragamie de Léon VI. On conserve, en effet, une lettre du métropolite de Moscou imposant à Ivan IV une pénitence canonique pour ses quatrièmes noces et analhématisant en même temps ceux qui oseraient imiter le tsar. Cf. Pavlov. op. rit., p. 353. Bien que prohibée en Russie par la loi civile, à partir de 1649, la tetragamie était encore pratiquée au xvine siècle, et, en 1767. le Saint-Synode avait encore à s’occuper d’une série de cas de ce genre