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MARIE, SCIENCE DES CHOSES DIVINES

les hommes qui vivent en ce monde et qui ne sont point prédestinés. Relativement à ces deux groupes, la maternité humaine de Marie est aussi in potentia ; non qu’aucune grâce ne leur soit concédée par l’intermédiaire de Marie, mais parce que par leur propre faute et malgré les dons divins répandus sur elles par l’intermédiaire de Marie, ces âmes n’arrivent point, ou ne sont pas encore arrivées à la possession de la foi ou de la charité. N’est-ce point une vérité certaine qu’a toutes les âmes Dieu donne toujours les secours suffisant pour les conduire à la foi et aux autres dispositions absolument nécessaires pour le salut ? Aussi on pourrait, en toute vérité, appliquer a la toute puissa, te protection de Marie dont ces âmes se privent par leur propre faute, ce que saint Thomas dit de ceux qui sont privés de la grâce divine, parce qu’ils apportent d’eux-mêmes un obstacle à la grâce divine : Sed illi soli gratia privantur qui in seipsis gratiæ impedimentum præstant, sicut sole mundum illuminante, in culpam impuyatur ei qui oculos claudit si ex hoc aliquod malum sequatur, licet videre non possit nisi lumine solis præveniatur. Contra gent., I iii, c. 159



II. PRIVILÈGES SECONDAIRES DÉCOULANT POUR MARIE DE SA DIGNITÉ DE MÈRE DE DIEU.

Sous cette rubrique nous étudierons :
I. La science de Marie pendant sa vie.
II. L’exemption de toute faute (col. 2413).
III. L’augmentation en elle de la grâce sanctifiante (col. 2421).
VI. Les vertus et du Saint-Esprit (col. 2425).
V. Les grâces mystiques et les charismes qu’elle a reçus (col. 2428).
VI. Ses mérites (col. 2429).
VII. Ses perfections corporelles (col. 2129)
VIII. Ses souffrances (col. 2430).

I. Science de Marie pendant sa vie terrestre.

Par science de Marie, nous entendons ici l’ensemble des connaissances surnaturelles et naturelles par Marie, depuis le moment de sa conception jusqu’à la fin de son existence terrestre. Nous considérerons successivement les sources de cette science ainsi que sou étendue et sa perfection.

I SOURCES DE LA SCIENCE DE MARIE

On comprend assez le rôle que dut exercer, dans la Mère de Dieu, l’intelligence naturellement très parfaite qui lui avait été départie, et avec laquelle elle pouvait, de toutes ses connaissances si amples, former des déductions très nombreuses et très compréhensives. On comprend aussi qu’une éminente possession des dons du Saint-Esprit, particulièrement des dons d’intelligence et de sagesse, donna à ses connaissances surnaturelles une très grande perfection. Voir Dons du Saint-Esprit, t. iv, col. 1743 sq. Arrêtons-nous seulement aux sources spéciales qui alimentaient science de Marie.

1° L’enseignement de Jésus, dans l’intimité constante duquel Marie vécut près de trente années. Cet enseignement, donné surtout par des lumières intérieures très parfaites, dut suivant ce que nous savons de l’amour immense de Jésus pour sa mère être très abondant et très fréquent.

Reçu avec des dispositions si éminentes de pureté, de docilité, d’humilité et d’amour, un tel enseignement dut produire dans l’âme de Marie des fruits merveilleux.

2° Marie ayant été favorisée constamment des grâces mystiques les plus relevées, comme nous le dirons bientôt, reçut avec ces grâces sublimes, de très parfaites illuminations et révélations divines, qui communiquèrent à son intelligence de très grandes lumières sur les attributs divins, sur les mystères de la vie divine, et sur toutes les merveilles que la grâce opérait constamment dans son âme.

3° Comme conséquence du privilège de l’usage de la raison en Marie au premier moment de son existence, qu’admet un assez grand nombre de théologiens, on reconnaît encore en elle, une science infuse purement intellectuelle répondant, quant à sa nature à la condition de viatrix, et possédant toute la perfection qui convenait a la double prérogative de mère de Dieu et d’associée à l’œuvre de notre rédemption. Selon ces théologiens, cette science purement intellectuelle et provenant d’espèces intelligibles immédiatement communiquées par Dieu, ne dépendait point des sens dans son exercice habituel. Suarez. In IIIam S. Thomæ, disp. XIX, sect. iii, 1 sq. ; Novato, op. cit., t. ii, p. 10 sq. ; Sedlmayr († 1772) Theologia mariana, part. I, q. x, a. 7, Summa aurea, Paris, 1866, t. vii. col. 1021 sq. ; Terrien, La Mère de Dieu, t. ii. p. 31 sq. Elle ne doit cependant point être assimilée à la science des anges ou à celle des âmes séparées. Étant in statu viæ Marie ne devait point avoir la manière de connaître qui est propre aux natures purement spirituelles, ou a l’âme dans l’état de séparation du corps. On peut l’inférer d’un texte de saint Thomas attribuant à l’âme de Notre-Seigneur Jésus Christ la connaissance purement spirituelle des substances séparées, uniquement parce que Jésus, pendant qu’il était encore sur la terre, était comprehensor. Sum. theol., IIIa, q. xi, a. 1. ad 2um. Ne possédant point ce privilège Marie ne pouvait, non plus, posséder ce qui en est une conséquence. Ajoutons que les espèces intelligibles par lesquelles cette science aurait été communiquée à Marie, étaient, non moins que celles de Notre-Seigneur, IIIa. q. xi. a. 6. inférieures à celles des anges, quant à l’étendue de l’objet représenté par ces espèces.

4° Une dernière source spéciale de science pour Marie, pendant sa vie terrestre, fut une participation transitoire à la vision béatifique, qui lui fut parfois concédée, comme l’admettent, pour Moïse et saint Paul, beaucoup de théologiens, après saint Augustin, Epist., cxlvvii, n. 31 sq., P. L., t. xxxiii. col. 610 sq., et saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ. q, clxxv. a. 3, De veritate. q. xiii, a. 2, interprétant dans ce sens plusieurs textes scripturaires.

a) Probablement conférée à Moïse et à saint Paul, cette faveur dut aussi être accordée à la Mère de Dieu, selon le principe qui autorise à lui attribuer les privilèges concèdes à d’autres saints et convenant à sa double dignité de mère de Dieu et de corédemptrice ou de médiatrice universelle. Gerson, Super Magnificat, tract, iii. Opera. Anvers, 1706, t. iv. col. 268 ; saint Antonin. Summa theologica, part. IV, tit.xv. c. xvii. 1. Vérone, 1740, col. 1019 ; Denys le Chartreux, De præconio et dignitate Mariæ, I. II, art. 18, Opera, Tournai. 1908, t. xxxv. p. 524 sq. ; De dignitate et laudibus B. Viriginis Mariæ, I. II, a. 12, t. xxxvi, p. 86 sq. ; Suarez, In IIIam S. Thomæ, t. ii, disp. XIX, sect. iv, 2 sq. ; Novato, op. cit., t. ii, p. 76 ; Sedlmayr, op. cit., Summa aurea, t. viii, col. 27 sq. ; Lépicier, op. cit., p. 309 sq.

b) Quant a la fréquence, à la durée et à la perfection de celle participation, nous ne pouvons former que des conjectures. Nous nous bornerons aux remarques suivantes : Comme l’a noté saint Thomas en parlant du ravissement de saint Paul, il n’y a pas lieu d’admettre que, dans une telle participation transitoire de la vision béatifique, l’intelligence ait une connaissance adéquate de tout ce qu’elle verra en Dieu dans l’éternelle vision béatifique. Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxv. a. 6. ad 3um ; De veritate, q. xiii, a. 5. ad 6um. D’ailleurs, quelle qu’ait été l’abondance des lumières divines dans cette vision passagère, Marie ne pouvait en conserver qu’une connaissance imparfaite, provenant uniquement des espèces intelligibles produites pendant l’acte passager de la vision béatifique, et certainement bien inférieures à la vison elle-même S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, a. 4. ad 3um ; De veri-