Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/511

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2427
2428
MARIE, GRACES MYSTIQUES

vertu infuse de pénitence, inclinant à la détestation du péché, qui de droit n’était point en elle absolument impossible. En elle, toutefois, il n’y eut jamais aucun acte de la vertu de pénitence puisqu’elle fut à jamais exempte de toute faute. Novalo, op. cit., t. ii, p. 171 sq. Lugo, De pænitentia, disp, VI, n. 6 ; Sedlmayr, op. cit., Summa aurea, t. vii, col. 1029, Lépicier. op. cit., p. 301 sq.

3. La vertu de tempérance en Marie.

Dans la mesure où elle incline à soumettre pleinement, sans aucune résistance et sans aucune lutte, les délectations des sens à la parfaite direction de la raison toujours mue par la charité surnaturelle, cette vertu existe en Marie, d’une manière infuse, dès le premier moment de sa conception. Pour Marie, le rôle de cette vertu n’était point, comme pour l’humanité déchue, de réfréner et de contenir, dans la juste mesure, les délectations sensibles souvent accompagnées de quelque rébellion des sens, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. cxli, a. 2 sq. ; q. civ, a. 1 sq., mais de prévenir entièrement tout ce qui n’eût point été selon la droite raison dirigée par la foi et la charité. L’exemption de tout mouvement de la concupiscence était assuré à Marie par le privilège de l’immaculée conception. En ce sens, Marie posséda excellemment toutes les vertus relevant de la vertu de tempérance : la chasteté et la virginité, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. cli sq., la clémence et la douceur, q. clvii, l’humilité, q. clxi, la modestie, q. clxviii, l’abstinence, q. cxlvi.

Relativement à la vertu d’humilité, on comprend, selon l’explication de saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxi, a. 3 et 1 ad 5um, comment Marie put se reconnaître inférieure à toutes les créatures, en attribuant pleinement à Dieu toutes les sublimes perfections qu’elle tenait de lui, et en se soumettant à toutes les autres créatures, au moins quant à la disposition intérieure de son âme et à cause des dons de Dieu qu’elle voyait en elles. L’humilité de Marie a été souvent louée par ses panégyristes et par les théologiens ascétiques, et considérée par eux comme la cause immédiate des sublimes faveurs que Dieu lui conféra. S. Pierre Damien, Serm., xlvi, P. L., t. cxliv, col. 759 sq. ; S. Bernard, Super Missus est, hom. i, 5 sq., In assumptione B. M. Virginis, serm. iv, 5 sq., De duodecim prærogativis B. V. Mariæ, 10 sq. ; De aquæductu, 9, P. L., t. clxxxiii, col. 58 sq., 428 sq., 435 sq. ; 442 ; S. Bonaventure, Commentaria in evangelium Lucæ, i, 54, 67, 87, 90, Quaracchi, t. vii, p. 24, 26, 30, 31 ; De perfectione vitæ ad sorores, c. il, 3, 7, t. viii, p. 110, 112 ; De assumptione B. Virginis Mariæ, serm. iv, 1 ; De nativitate B. Virginis Mariæ, serm. v, 4, t. ix, p. 696, 718 ; Richard de Saint-Victor, Explicatio in Cantica Canticorum, c. xxvi, P. L., t. cxcvi, col. 483 ; Novato, op. cit., t. ii, p. 197 ; Vega, op. cit., t. ii, p. 84 sq. : Lépicier, op. cit., p. 296 ; Terrien, La Mère de Dieu, t. ii, p. 226 sq.

4. Les vertus annexes à la justice et à la force.

Possédant très parfaitement les vertus de justice et de force, Marie dut posséder encore au moins quant à la disposition de la volonté, sinon toujours quoad actum, faute d’occasion immédiate de les exercer, toutes les vertus relevant de la justice ou assimilées à la justice ; comme l’obéissance, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. civ, la reconnaissance et la gratitude, q. cvi, la libéralité, q. cxvii ; ainsi que les vertus relevant de la vertu de force, comme la magnanimité, q. cxxix, la patience et la constance, q. cxxxvi sq. Les auteurs ascétiques ont particulièrement loué l’admirable constance de Marie dans les souffrances qu’elle eut à endurer pour la rédemption de l’humanité.

5. Le don de crainte en Marie.

Puisque le don de crainte exista dans la sainte humanité de Notre-Seigneur, pour autant que cette sainte humanité avait une très affectueuse et souveraine révérence envers les sublimes perfections divines, S. Thomas, Sum. theol., IIIa. q. vii. a. 6, ce don put, d’une manière semblable, exister en Marie. Loin d’être opposée à la charité, la crainte filiale, comme l’observe saint Thomas, croit avec elle. Sum. theol., IIa-IIæ, q. xix, a. 10 ; elle reste même in patria, a. 11, ad 3um. En aimant Dieu très parfaitement, Marie avait, pour ses infinies perfections, une souveraine révérence.

V. Grâces mystiques et charismes en Marie.

Grâces mystiques en Marie.

On montrera a l’art. Mystique, que les grâces ou faveurs mystiques consistent principalement dans une illumination divine toute spéciale communiquée à l’intelligence, et dans une impulsion d’amour très parfait donnée à la volonté, de telle manière que le rôle de l’intelligence et de la volonté est de recevoir et d’être mu librement par l’action divine, plutôt que d’agir de sa propre initiative. Saint Thomas parle plusieurs fois de cette illumination toute spéciale, comme cause de la contemplation. Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxx, a. 3, ad 4um ; a. 5, ad 3um, a. 6. — Comment Marie, appelée à une si haute sainteté, n’aurait-elle pas possédé, avec une très grande perfection, les grâces mystiques qui, selon l’enseignement théologique, sont le moyen le plus habituel pour conduire les âmes à une sainteté éminente ? Elle, à qui l’on doit attribuer les privilèges ou faveurs concédés à d’autres saints, dès lors qu’ils convenaient à sa dignité et à sa condition, comment aurait-elle pu être privée de faveurs concédées par Dieu, avec tant de libéralité, à un grand nombre de saints ?

Possédant d’une manière éminente, tous les dons spirituels, Marie a dû jouir de la faveur mystique la plus relevée, celle de l’union transformante où l’âme privilégiée a le sentiment presque habituel de la présence de Dieu, en même temps qu’elle connaît très spécialement la transformation toute particulière que Dieu opère dans toutes ses puissances.

Cet état, qui est comme l’état normal des âmes unies à Dieu par un très parfait amour, convenait souverainement à Marie pendant toute son existence terrestre, puisqu’elle aima toujours Dieu d’un amour supérieur à celui de toutes les autres créatures, et qu’elle était aimée de Dieu bien au-dessus de tous les anges et de tous les saints joints ensemble.

Avec un état aussi parfait d’union transformante, il est vraisemblable que Marie n’éprouva point d’extase, ou n’éprouva jamais les effets que l’extase produit habituellement sur le corps, voir Extase, t. v. col. 1875 sq. L’extase supposant encore quelque reste de faiblesse ou d’imperfection dans les sens ne devait point exister en Marie. Quant aux révélations et visions intellectuelles les plus relevées dont l’âme est souvent favorisée dans l’union transformante, elles durent être fréquentes en Marie, selon ce qui a été dit précédemment de sa connaissance des choses divines.

Les théologien ; ou auteurs mystiques ont souvent loué les hautes faveurs concédées à Marie relativement à la vie contemplative : S. Bernard, De duodecim prærogativis, 3, P. L., t. clxxxiii, col. 431 ; S. Bonaventure, Commentaria in Evangelium Lucas, c. x, 76, 79, Quaracchi, 1895, t. vii, p. 276 sq. ; De purificatione B. Virginia Mariæ, serm. i, iii, t. ix, p. 638 sq. ; Denys le Chartreux, De præcomo et dignitæ Mariæ, t. II, art. 11, 12, Opera, Tournai, 1903, p. 517 sq., voir aussi articles 16 sq. ; Suarez, In IIIam S. Thomæ, disp. XVIII, sect. ii, n. 4 sq.; Novato, Op. cit., t. ii, p. 290 ; de Rhodes, Op. cit., t. ii, p. 233.

Charismes ou grâces gratis datæ.

On connaît les charismes énumérés par saint Paul, I Cor., xii, 7 sq., et décrits par saint Thomas, qui en donne la notion théologique, en même temps qu’il montre leur rôle