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MARIE, CULTE A U01 EL ELLE A DROIT


culte de la très sainte Vierge, selon le témoignage déjà cité de saint Épiphane. Celui-ci atteste que le culte de sacrifice ne doiï pas être rendu à Marie, parce que Marie n’a point la nature divine ; qu’elle est très digne d'être honorée et qu’elle « toit l'être, parce qu’elle a été honorée par la formation et la présence du Fils de Dieu dans son sein. Toutefois : i II se peut que telle représentation d’Isis, allaitant Horus, ait été prise pour une Madone, et que la piété envers la très sainte Mère de Dieu ait employé des termes qui avaient été adressés a la reine égyptienne du ciel. » P. Lagrangc, Les religions orientales et les origines du christianisme, à propos de livres récents, dans Mélanges d’histoire religieuse, Paris, 1915, p. 100. En elïet, dans la fresque de Sakkera, qui est du vie siècle, la Vierge allaitant l’Enfant Jésus a les traits et l’attitude d’Isis allaitant Horus. Cet emprunt d’un peintre chrétien à l’art païen ne porte pas atteinte à l’originalité chrétienne du culte de Marie. Le culte d’Isis qui avait toutes les faveurs des femmes de mœurs légères et qui admettait dans ses fêtes certains symboles d’une obscénité spéciale, que Plutarque appelait par leur nom, De Iside, 36, et qu’Apulée jugeait déjà à propos de taire, Metam., xi, 27, n’a rien de commun avec le culte de la très pure vierge Marie.

conclusion.

L’existence d’un culte religieux

envers Marie, comprenant le culte d’invocation, est prouvée avec certitude depuis la fin du premier tiers du iv » siècle jusqu’au concile d'Éphèse, comme le montrent les documents cités. Ces preuves ont d’autant plus de valeur que les manifestations du culte envers .Marie apparaissent comme des pratiques habituelles, sans aucun indice de nouveauté. Ce qui autorise à admettre que c'était dès lors une chose bien établie, et qui n’avait aucun besoin d'être expliquée ou justifiée.

3e conclusion. — Depuis les temps apostoliques jusqu'à la fin du premier tiers du ive siècle, la pratique d’un culte religieux envers Marie, comprenant l’invocation directe, n’est formellement attestée par aucun témoignage ou document explicite. Mais elle est implicitement contenue dans les faits cités, notamment dans le culte d’invocation envers les saints constaté à partir du iie siècle, dans la croyance alors commune aux prérogatives principales de la Mère de Dieu, et dans beaucoup de symboles extérieurs de la vénération des fidèles envers Marie pendant cette période.

D’ailleurs comment admettre, selon les documents, que le culte d’invocation directe soit, dans la seconde moitié du ive siècle, un fait cor/rant habituel, s’il n’a eu aucune existence antécédente ? L’introduction de ce culte ne pouvant à aucune époque, en aucun lieu, être signalée comme un fait nouveau, ne doit-on pas le considérer comme remontant aux origines du chrisanisme, autant du moins que ce culte est à cause de la maternité divine, implicitement contenu dans le culte envers Notre-Seigneur duquel il est effectivement inséparable ?

2' période, depuis le concile d'Éphèse (431) jusqu’au commencement du XVIe siècle, période caractérisée par un notable progrès doctrinal relativement à l’explication théologique du culte rendu à Marie. — Le fait du culte religieux, tant liturgique que privé, rendu à Marie étant pleinement concédé par tous les critiques après le commencement du ve siècle, il n’est point nécessaire que nous nous arrêtions à en retracer tous les développements pendant cette période. Nous nous bornerons donc à indiquer le mouvement des idées théologiques, à cette même époque, relativement à la nature du culte rendu à Marie.

Du ve au vue siècle, la suréminence du culte dû à Marie est comprise, au moins implicitement, dans cette

affirmation que Marie surpasse de beaucoup tous le 1 ! autres saints, y compris même les anges. Nous citerons particulièrement le témoignage de saint Grégoire l<Grand : Polest autan lut jus monlis nomine beatissimu semper virgo Maria Dei genitrix designari : mons (/ui[>pe fuit, quæ omnem electæ créât une ulliludinein tionis suæ dignitate transcendit. An non mons subit mi s Maria, quæ ut ad conceptionem œterni Verbi pertingeret, meritorum nerlicem supra omnes angelorum choros, usque ad solium deitatis erexit ? In I lieg. exposit., t. I, 5, P. L., t. lxxix, col. 25. Au viie siècle, on rencontre chez saint Modeste, évêque de Jérusalem († 631), cette indication très importante, bien que sommaire, que c’est à cause de sa maternité divine que Marie est honorée au ciel et sur la terre. Eneomium in B. V., P. G., t. lxxxvi, col. 3303. A la même époque, saint Ildefonse de Tolède († 667), dans la fervente prière à Marie qui termine son De perpétua virginitute S. Muriæ, demande instamment la grâce de la servir ainsi que son divin Fils : ////' sicut Deo, libi sicut malri Dei. P. L., t. xevi, col. 105. On remarquera, dans cette prière, avec la mention très explicite de la volonté de servir Marie ut dominam, cette affirmation non moins formelle, que le culte rendu à Marie se réfère finalement à son divin Fils : Sic namque refertur ad Dominum quod servatur ancillæ, sic redundat ad ftlium quod impenditur malri, col. 108. Au vnie siècle, en Orient, l’erreur des iconoclastes fournit aux défenseurs de la foi catholique l’occasion d’expliquer, en même temps que la nature du culte rendu aux saints, celle du culte rendu particulièrement à la Mère de Dieu. Selon saint Jean Damascène, tandis que les saints sont honorés comme les amis de Jésus-Christ et les fils de Dieu, De fide orthodoxa, iv, 15, P. G., t. xciv, col. 1164, 1168 ; De imaginibus, orat., i, 14, col. 1244, Marie est honorée comme mère de Dieu ou mère du Verbe incarné, loc. cit., col. 1168, 1251, et In dormitione B. M. V., hom. ii, P. G., t. xcvi. col. 741. En même temps, le saint docteur afïïrme que l’honneur que nous rendons à Marie est rapporté à son divin Fils, De fide orth., iv, 14, P. G., t. xciv, col. 1172. Il enseigne aussi que l’on vénère les images de Marie en tant qu’elle est mère de Dieu, comme on vénère les images de Jésus-Christ parce qu’il est le Verbe incarné ; car il est bien assuré que l’honneu’rendu à l’image est rendu à la personne représentée par l’image. De imag., orat. i, P. G., t, xciv. col. 1252 sq.

Au xiip siècle, la doctrine théologique sur le culte d’hyperdulie dû à la mère de Dieu est formellement exprimée par saint Thomas. Elle comprend trois assertions : a) Marie étant une créature intelligente ne doit pas être honorée d’un culte purement relatif qui convient seulement aux créatures matérielles, en tant qu’elles sont l’image de Notre-Seigneur ou des saints, ou qu’elles ont eu quelque contact avec XotreSeigneur ou avec les saints. Le culte relatif de latrie ne peut donc aucunement convenir à Marie. Sum. iheol., III 1, q. xxv, a. 5.

b) Le culte dû à Marie est le culte de dulie, loc. cit. On observera que, selon le saint docteur, la vertu de dulie est distincte de la vertu de latrie. Sum. theol.. IF-IF 6, q. en, a. 3.

c) Le culte de dulie est dû à Marie d’une manière plus éminente qu’aux autres saints, parce que Marie est mère de Dieu. On doit donc dire que le culte qui lui est dû est un culte d’hyperdulie. Sum. theol., IIP. q. xxv, a. 5. Cette hyperdulie, à laquelle convient la notion commune de dulie, en est manifestement l’espèce la plus parfaite : Hyperdulia est potissima species duliee communiter sumptæ ; maxima enim reverentia debetur homini ex a/finitate quam habet ad Deum. Sum. theol., IP-IP, q. ciii, a. 4.