Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/62

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. Mais, ici, la magie n’est plus qu’on décor, dm

mise en scène, qui donne des allures surhumaines ft un cri nuvulgaire.

U) Lu tmp grande crédulité aux inttrventioru démoniaques. Non seulement les tentatives magiques ont Immorales, mais encore la simple croyance trop tacite a leur fréquence, a leur efficacité, à la réalité de phénomènes, tous plus merveilleux Us uns que les autres, pareille croyance est condamnable, Immorale, an elle-même d’abord parce que superstitieuse, dénuée de fondement, sinon toujours ou presque toujours, du moins souvent. Condamnable aussi, à cause de ses OOnséquences fâcheuses, multiples et graves : tentation pour son propre compte, tentation tyrannlque jusqu'à l’obsession pour des tempéraments failles et impressionnables, pour des natures qu’ellraie et fascine à la fois le voisinage de l’inconnu, du merveilleux ; de la. exaltation des passions, ambition, cupidité, vengeance, cruauté, luxure, auxquelles l’omise une pâture ordinairement interdite par des barrières Infranchissables. Autre conséquence maul : des soupçons graves, injurieux, s’abattent sur des personnes, peut-être parfaitement innocentes ; et de nouveau, les passions les plus violentes risquent de dévoyer, de fanatiser, de souiller le zèle en soi louable pour l’honneur de Dieu outragé ; ou même les pires convoitises iront parfois jusqu'à se couvrir des apparences du zèle pour se satisfaire plus a fond et plus a loisir. Un théologien protestant, Meyfort, ne a Iena en 1590, écrivait à propos des procès de sorcellerie cet arrêt seére : « La cruauté et la volupté, la luxure et la débauche, la cupidité et la soif de veuve étaient, avec la superstition régnante, les sources hideuses des iniquités commises. » Janssen, op. cit., t. vin. p. 725. al. I. Et sans rien qui, même de loin, rappelle ces horreurs, on sait que dans certains pays, dans certaines campagnes, la vie peut être rendue intolérable à ceux que des allures étranges ou la simple renommée font soupçonner de sorcellerie. Une conséquence néfaste, plus inattendue, de la ince trop facile au merveilleux est signalée par 1'. Wieger ; elle est spécialement redoutable dans les pays de mission, auprès des infidèles. En Chine, les histoires de sorcellerie les plus fantastiques foisonnent, envoûtements, métamorphoses, animation de figures dessinées sur du papier. « Les histoires de ce genre, innombrables, inimaginables, crues par tous ont cause l’indifTérentisme absolu du peuple chinois pour tous les faits d’ordre surnaturel. Dépourvu qu’il est de critique, à tout récit merveilleux il a tôt fait de répondre : « Dans nos légendes, nous avons plus fort que cela. » Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine. 2° éilit., Zi-ka-wei, 1922.

En somme on peut prononcer contre la magie noire une sentence de condamnation universelle. La seule .ince trop facile à son efficacité, est déjà détestable ; plus détestable est la prétention, la tentative, même inefficace, de capter les énergies ténébreuses, et malfaisantes, qui environnent et épient notre humanité : souverainement détestable et exécrable enfin, le commerce réel avec le démon, et réel il semble bien qu’il puisse l'être et qu’il le soit parfois. Ceux qui admettent plus facilement et plus fermement que - l’efficacité des pactes — et on peut le faire, dans de certaines limites, sans crédulité certainement excessive — signaleront aussi le danger du scepticisme en cette matière. La tendance à ne voir le démon nulle part est dangereuse évidemment : elle peut générer en un véritable parti pris ; mais la tendance a la voir souvent, facilement, dans ce que l’on appelle les phénomènes magiques, est dangereuse aussi, nous l’avons peut-être montré, (.'est a la

prudence chrétienne île chercher le juste milieu et île s’j maintenir.


I Magie et Religion.

Il nous faut enlin examiner ta problème des relations historiques entre la magie et la religion. Il se ne rapporte que partielle ment a la théologie, niais, nous î'aVOM remarqué an début, de nos jours il passionne tellement les esprits qu’on a juge indispensable de le traiter d’une façon sommaire.

I.a magie est un phénomène fréquent, on peut dire universel, i La magie, dit Hegel, on la rencontre clic/ t. ois les peuples et dans tous les temps, i Philosophie

de lu religion, trad. Véra, Paris, int.s, t. ii, p. i :.

Nous avons tait pareille constatation dans la 1 [ partie, fout au plus, convient-il, pour ne pas dépasser les prémisses fournies par l’histoire et les sciences auxiliaires, d’atténuer légèrement L’affirmation de Hegel, et de dire, pu exemple : « La magie semble avoir existé, plus ou moins développée, chez tons les peuples, dans tous les temps. > Avec un correctif semblable, on peut laisser passer cette assertion de M. Goblel d' Alviella : « Nous ne sommes pas embarrassés pour retrouver des traces d’animisme chez tous les peuples sans exception, du présent et du passé. » llei’ur d’histoire des religions, t. i.xi, p. 2.

Mais une question autrement importante que celle de la fréquence de la magie ou de l’animisme ou d’un alliage des deux dans des proportions indéfiniment variables, est cette question-ci : La magie est-elle à l’origine de toutes les religions'? Les religions sont-elles sorties de la mugie par voie d'évolution (magtsme), ou, religions et magie sont-elles sorties d’un stade antérieur d’indifïérenciation, que l’on a appelé le prémagisme ? Voir F. Bouvier, Magie et magisme, dans Diclionn. apolog., t. iii, col. t17 sq.

Ici, une remarque s’impose une fois pour toutes. Au magisme ou au prémagisme pur beaucoup d’auteurs préfèrent l’animisme ou le préanimisme, souvent mélangé de magie. C’est pourquoi, tout en nous occupant aussi exclusivement que possible de magie et de magisme, nous serons amenés plus d’une fois à parler d’animisme. L’animisme auquel nous avons affaire est, on le sait, une tendance et un système : tendance a peupler la nature d'êtres plus ou moins semblables à l’esprit de l’homme ; système qui explique tons les phénomènes par l’action de ces esprits. Cf. art. An « misme, dans Diclionn. apol., 1. 1, col. 128 sq.

Depuis cinquante ans et jusqu'à ces toutes dernières années, les théories qui voyaient dans la religion un phénomène dérivé, un produit de l'évolution, étaient les seules réputées scientifiques dans le monde savant. Magisme ou prémagisme. animisme ou préanimisme étaient respectés de tous, exaltés ou redoutés, suivant les préférences, les tendances profondes de chacun. Les partisans de l'école évolutionniste et déterministe considéraient ces systèmes comme établis, dans ce sens général que les religions devaient leur origine à l’une ou à l’autre : c'était là une vérité désormais acquise. inattaquable. Devant les affirmations tranchantes et bruyantes, bon nombre d’historiens ou de philosophes, sans conviction personnelle très arrêtée, étaient hypnotisés, suggestionnés, ou se tenaient cois. Il fallait du courage pour douter, pour attaquer ; le courage ne suffisait pas, il fallait des armes. Ces armes, un homme entre autres, plus que les autres, sut les forger et les manier avec compétence, avec dextérité, avec vaillance ; cet homme fut Andrew I.ang. o Ce fut un acte de bravoure, une hardiesse considérable, lorsque, en 1898, A. Lang s’opposa tout seul à cette phalange (des évolutloimistes) et l’arrêta par son livre célèbre, The. maklng of religion… Dis lors on put défendre des thèses anli évolutioiinistes sans perdre aux yeux des hommes de science, ses droits civiques.