Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1575

    1. MAHOMÉTISME##


MAHOMÉTISME. SOURCES DE LA DOCTRINE

1576

tienne et que la Mecque païenne ne reconnut pas tout d’abord la doctrine de Mahomet, comment expliquer Kon triomphe final ? C’est que le christianisme oriental subissait alors une crise terrible : culychianisme et nestorianisme l’avaient profondément déchiré et ses dissensions devaient lui porter un coup fatal. Ce sont ces dissensions qui ont frappé Mahomet, et c’est dans ses méditations sur ces profondes discordes des sectes chrétiennes et juives qu’il eut le sentiment de sa mission. Il se crut désigné par Dieu pour mettre un terme à ces funestes divisions et dans une de ses premières révélations, peut-être la première, sa pensée apparaît tout entière. « Sur quoi s’interrogent-ils ? Sur la grande nouvelle, au sujet de laquelle ils disputent. Oui, ils sauront ; puis oui, ils sauront ! ».

Est-ce bien là l’origine et la signification du mouvement déclenché dans l'âme de cet Arabe du viie siècle ? C’est ce que va peut-être nous démontrer l’examen du Mahométisme.


II. LE MAHOMÉTISME ET SON DÉVELOPPEMENT GÉNÉRAL.

Le mahométisme est la doctrine de Mahomet. Mais ce terme est aujourd’hui peu employé. On dit plutôt islam pour désigner cette doctrine en elle-même et islamisme pour l’ensemble des institutions et des écoles théologiques qui s’y rattachent. Il est également plus correct d’appeler les adhérents à cette doctrine des musulmans et non des mahométans. Le mot musulman, à vrai dire, est une forme tardive, dérivée de l’arabe mouslim qui se rattache à la même racine, qu’islam. Les Persans ont ajouté à l’arabe une terminaison an qui est celle des adjectifs et non pas, comme on le croit, celle du pluriel et il nous a été transmis par les Turcs sous cette forme. — On étudiera successivement :
I. Les sources de la doctrine.
IL L’histoire générale du développement théologique (col. 1582).
III. L'état actuel de l’Islam (col. 1635).

I. Les sources de l’Islam. — La doctrine de l’islam est contenue dans le Coran. L’islamisme y ajoute la tradition hadîth et d’autres éléments variables suivant les écoles. Pour la première source nous renverrons à l’article Coran, t. iii, col. 1772-1835 ; nous nous contenterons d’y ajouter quelques précisions relatives à des points qui ont eu une influence capitale sur le développement de l’islamisme. Bien des manifestations de ce dernier, surtout au début, restent obscures quand on ne les éclaire pas à la lumière de ces points particulièrement importants.

1° Remarques préliminaires. — 1. Caractère eschatologique de la mission de Mahomet. — Mahomet a été profondément déçu et irrité de voir que les Gens de l'Écriture ne reconnaissaient pas sa mission, malgré son caractère évident, la bayuina comme il l’appelle. C’est de ce jour qu’ils sont devenus coupables et un commentateur explique que les Gens de l'Écriture croyaient à un prophète de la fin du monde et que c’est par mauvaise foi qu’ils ne l’ont pas reconnu en Mahomet. Pour les juifs, un tel prophète est le Messie, pour les chrétiens c’est Jésus-Christ, qui doit présider à fin du monde. Mais certains de ces derniers ont voulu voir dans le Paraclet annoncé par le Fils de Dieu un personnage humain, un véritable prophète qui vient achever sa doctrine. Telle fut peut-être l’hérésie de Montan. Or, si Mahomet ne paraît avoir que la plus vague idée du Messie juif, puisqu’il n’hésite pas à donner ce titre à Jésus, fils de Marie, sans d’ailleurs en soupçonner la valeur et, sans se douter seulement que les Juifs l’ont dénié à Jésus — en revanche, il connaît fort bien le Paraclet et déclare nettement que c’est lui-même qui a été désigné par ce nom. Le passasage du Coran doit être rappelé parce qu’il est la clef même du mahométisme (Sourate lxi, 6) « Quand Jésus fils de Marie dit : O fils d’Israël, je suis un Envoyé

de Dieu vers vous, confirmant ce que vous avez auparavant reçu de la Tôra et vous annonçant un Envoyé qui viendra après moi, dont le nom est Ahmad — et quand il leur est venu avec les évidences, bauuinât, ils ont dit : c’est une magie évidente. » Quel rapport y a-t-il entre Ahmad et Paraclet ? C’est que le grec IIap<4xAY]TO< ; doit être lu nspixÀOT6ç « illustre, glorieux », et que tel est le sens du mot Ahmad qui se rattache, comme nous l’avons dit, à la racine hmd « louer, glorifier ». Voilà ce qu’a dit Jésus et les adeptes de sa foi n’ont pas voulu reconnaître le Paraclet Ahmad ! C’est ainsi que j’interprète la fin du verset, bien que par « il » on entende généralement Jésus et non pas Ahmad. Il y a ambiguïté, mais ce n’est pas le lieu de discuter le texte. Ce qui est hors de doute, c’est que, au dire du Coran, Mohammed ou Ahmad a été prédit par Jésus. On comprend alors que son rôle est de mettre fin à toutes les discussions et d'être, suivant la parole de Daniel, le sceau de la prophétie. Dans le Coran il est appelé le sceau des prophètes, ce qui est peut-être une altération postérieure, mais la tradition a conservé le sceau de la prophétie et en a fait assez étrangement un signe physique, une caroncule que Mahomet portait sur l'épaule et que le moine Bahîra découvrit sur lui. Dans la tradition Mahomet répète que sa mission coïncide avec l’heure, c’est-à-dire la fin du monde, et c’est un article de foi qu’on retrouve jusque chez des auteurs du xiie siècle que Mahomet est « le Prophète de la fin du monde ».

La fin du monde, la Résurrection, le Jugement dernier, voilà ce que ne se lasse pas de répéter le Coran dans toutes les révélations antérieures à l’hégire et, dans les autres, il est rare que ces grandes vérités, empruntées au dogme chrétien, ne se retrouvent pas intercalées, quelquefois d’une manière assez inattendues, au milieu de prescriptions relatives à une foule de détails de la vie publique ou privée des musulmans. C’est, on peut le dire, une véritable obsession.

Mais si la tradition lie si étroitement la mission de Mahomet à la fin du monde, il s’en faut que le Coran soit si explicite, soit que ce livre ait été retouché, soit que Mahomet ait eu scrupule de rien affirmer à ce sujet. Dieu qui lui parle par Gabriel semble lui-même très hésitant sur ce point et s’exprime ainsi : « Ou bien nous te ferons voir ce dont nous les menaçons, ou nous te recueillerons, » c’est-à-dire, en somme, e ou tu assisteras à la fin du monde, ou nous te ferons mourir. » Ce qui est une naïveté, si cela ne signifie pas que Mahomet mourra comme tout le monde au moment de la grande catastrophe, ou y assistera vivant. Il est dit, en effet, qu’au jour où sonnera la trompette, ceux qui seront dans le ciel et ceux qui seront sur la terre seront foudroyés sauf qui Dieu voudra (excepter). Mahomet sera-t-il de ceux qui seront exemptés ? C’est sur ce point que Dieu laisse planer l’incertitude.

Mais quand viendra ce jour ? « Si on t’interroge à ce sujet, dit Allah à son prophète, réponds que la science n’en est qu'à Dieu. » Faut-il en conclure que Mahomet admettait que cette époque fût retardée indéfiniment ? Je ne crois pas. Il devait l’attendre, et ses fidèles comme lui, avec la plus grande impatience. Ses adversaires ne manquaient pas de le railler sur cette catastrophe tant annoncée et toujours inexistante. Et on lit dans Je Coran l’inquiétude, l’angoisse même du Prophète, presque le doute que Dieu lui reproche en lui rappelant ses bienfaits, en soutenant sa confiance, en l’exhortant à la patience jusqu'à ce que le Certain lui arrive. Qu’est-ce que le Certain, al-yaqîn, sinon l’heure « en laquelle il n’y a point de doute », comme il le répète souvent.

Tout cela reste vague assurément, mais si le Coran témoigne de quelque hésitation à cet égard, il semble que les musulmans avaient leur opinion faite. Aussi