Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/227

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et des fortifications, d’élever une rivale de Genève, projet appuyé vivement par Voltaire, mais qui donna de l’ombrage et une légitime inquiétude aux Genevois et aux Bernois. Ils craignirent pour leur indépendance, pour leur commerce ; ils réclamèrent, protestèrent, s’appuyant sur le traité de Lyon de 1601, qui portait que nulle place de guerre ne pourrait être élevée dans toute l’étendue du Pays-de-Gex. Louis XV céda, le projet fut abandonné.

Aujourd’hui Genève n’a plus de sujet d’alarmes, nous lui avons fait abandon forcément de Versoix, et notre frontière est à un kilomètre du lac, du côté de Ferney où je me rendrai après-demain.

J’ai passé devant une maison, — façon moyen-âge, — du bourg éparpillé de Versoix ; on la dirait de carton. C’est une délicieuse caricature architecturale, et je parierais qu’elle fut construite d’après les idées de quelque charcutier enrichi et retiré, qui a la bonhomie de prendre sa demeure au sérieux et se fait appeler messire. — Un peu plus loin, l’agréable mélodie à trois temps d’une étude de Bertini, s’échappant de la fenêtre d’une villa, est parvenue a mon oreille. Ce compositeur est de ceux que j’aime, il sait jeter de la poésie et du charme dans la plupart de ses exercices, revêtir d’un chant qui plaît la difficulté pour les doigts ; il est rarement ennuyeux, car on trouve, — chose fort rare, — de la mélodie dans son