Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/240

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Sénancour, ce grand écrivain moderne si peu désireux de célébrité et qui est moins connu qu’il ne le mérite, ait amené dans ces contrées son Obermann, morne figure, attristante personnification du désenchantement, cet homme qui traîne partout après lui le dégoût amer, l’ennui de vivre, une tristesse incurable des choses et des êtres d’ici-bas, le tourment de l’impuissance.

Byron, sous l’impression des sites à la fois sévères et riants de l’extrémité orientale du lac, écrivit sa fantaisie poétique du Prisonnier de Chillon. Qui sait si Benjamin Constant n’a pas conçu à Coppet le plan de son Adolphe, livre que tous les jeunes gens trop enclins à s’empêtrer dans les relations amoureuses devraient lire et méditer ? Qui sait si Mme de Flahaut, qui devint plus tard Mme de Souza, et dont le talent est si honnête, si distingué, si délicat, n’a pas composé quelqu’une de ses nouvelles en côtoyant les Alpes et le lac de Genève ?




Le terroir vaudois produit des hommes spirituels et des vins spiritueux, — j’ai pu m’en convaincre, — mais l’esprit de France (en conversations et en bouteilles) est bien préférable, bien supérieur.

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Les excès religieux provoquent les excès philoso-