Je ne puis m’empêcher d’établir entre ces deux pays baignés par le même lac, enfermés dans la même vallée, si voisins l’un de l’autre, un parallèle duquel ressort le plus tranché des contrastes.
Commençons par la catholique Savoie :
Je n’ai certes aucune défavorable prévention contre elle, — je m’empresse de le dire, — et je ne veux rien exagérer.
Ici, la terre est généralement mal cultivée, et l’on remarque je ne sais quoi d’indigent, même dans les endroits où le sol est riche et jouit d’une très bonne exposition. L’extérieur des habitations est misérable et délabré, l’intérieur d’une malpropreté repoussante ; partout l’on rencontre d’affreux mendiants, des guenilles, des goîtres, des faces où se lit le crétinisme ; les routes sont mauvaises, souvent impraticables ; les paysans ont un air honnête et candide, il est vrai, mais cette honnêteté parait trop humble, trop respectueuse, trop timide, trop servile ; cette candeur trop niaise et idiote : chez ces gens tout semble timoré, comprimé, étouffé ; on n’ose rien penser, rien dire ; on paraît arrivé à ce point de torpeur intellectuelle, d’engourdissement moral qui ne laisse pas la conscience de la position, la faculté du désir, de l’espérance qu’un jour pourra venir l’ère de la régénération sociale, de l’émancipation politique, de la liberté.