Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/365

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À Filly, j’ai trouvé la campagne plus fraîche et plus riante qu’à Douvaine, et j’ai passé devant une grande ferme dont les bâtiments doivent avoir été ceux d’un prieuré de chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Augustin, qui dépendait du couvent d’Abondance, et qui fut sécularisé par les Bernois à l’époque de leur invasion et de leur occupation.

Les gens d’église, — à l’exception des Chartreux, — ont toujours choisi pour les fondations monastiques de grasses terres, de riches et agréables lieux : il leur fallait des rivières, des étangs ou des lacs pour avoir du poisson en abondance, de bonnes vignes pour les besoins de la messe, des forêts pour avoir du bois et du gibier, des pâturages pour entretenir des troupeaux et ne manquer jamais de viande, de laitage et de laine.

Leur détachement des joies sensuelles, leur renoncement aux douceurs de la vie me sont fort suspects. Se retirer entièrement du monde me paraît apathie coupable, lassitude égoïste, défaillance, faiblesse et lâcheté, car c’est se retirer du tumulte, de la mêlée furieuse des intérêts rivaux, des agitations et des malheurs.

Un moine est vraiment fort à plaindre ! Sa subsistance est assurée, il peut compter, pour le reste de ses jours, sur le vivre et le couvert, il sait qu’à moins de grands bouleversements dans l’État il mourra en paix au fond de sa calme retraite, ses devoirs se bornent à