apportait. Voyant que son maître ne lui répondait pas, il s’effraya encore plus et souleva les couvertures. Cinq-Mars était fort rouge et semblait dormir ; mais son vieux domestique jugeait que le sang lui portant à la tête l’avait presque suffoqué, et, s’emparant d’un vase plein d’eau froide, il le lui versa tout entier sur le front. Ce remède militaire manque rarement son effet, et Cinq-Mars revint à lui en sautant.
— Ah ! c’est toi, Granchamp ! quels rêves affreux je viens de faire !
— Peste ! monsieur, vos rêves sont fort jolis au contraire : j’ai vu la queue du dernier, vous choisissez très-bien.
— Qu’est-ce que tu dis, vieux fou ?
— Je ne suis pas fou, monsieur ; j’ai de bons yeux, et j’ai vu ce que j’ai vu. Mais certainement étant malade comme vous l’êtes, monsieur le maréchal ne…
— Tu radotes, mon cher ; donne-moi à boire, car la soif me dévore. Ô ciel ! quelle nuit ! je vois encore toutes ces femmes.
— Toutes ces femmes, monsieur ? Et combien y en a-t-il ici ?
— Je te parle d’un rêve, imbécile ! Quand tu resteras là immobile au lieu de me donner à boire !
— Cela me suffit, monsieur ; je vais demander d’autre limonade.
Et s’avançant à la porte, il cria du haut de l’escalier :
— Eh ! Germain ! Étienne ! Louis !
L’aubergiste répondit d’en bas :
— On y va, monsieur, on y va ; c’est qu’ils viennent de m’aider à courir après la folle.
— Quelle folle ? dit Cinq-Mars s’avançant hors de son lit.
L’aubergiste entra, et, ôtant son bonnet de coton, dit avec respect :
— Ce n’est rien, monsieur le marquis ; c’est une folle