Comme la France allait plus loin que les autres nations dans cet amour des faits et que j’avais choisi une époque récente et connue, je crus aussi ne pas devoir imiter les étrangers, qui, dans leurs tableaux, montrent à peine à l’horizon les hommes dominants de leur histoire ; je plaçai les nôtres sur le devant de la scène, je les fis principaux acteurs de cette tragédie dans laquelle j’avais dessein de peindre les trois sortes d’ambition qui nous peuvent remuer, et, à côté d’elles, la beauté du sacrifice de soi-même à une généreuse pensée. Un traité sur la chute de la féodalité, sur la position extérieure et intérieure de la France au XVIIe siècle, sur la question des alliances avec les armes étrangères, sur la justice aux mains des parlements ou des commissions secrètes et sur les accusations de sorcellerie, n’eût pas été lu peut-être ; le roman le fut.
Je n’ai point dessein de défendre ce dernier système de composition plus historique, convaincu que le germe de la grandeur d’une œuvre est dans l’ensemble des idées et des sentiments d’un homme et non pas dans le genre qui leur sert de forme. Le choix de telle époque nécessitera cette manière, telle autre la devra repousser ; ce sont là des secrets du travail de la pensée qu’il n’importe point de faire connaître. À quoi bon qu’une théorie nous apprenne pourquoi nous sommes charmés ? Nous entendons les sons de la harpe ; mais sa forme élégante nous cache les ressorts de fer. Cependant, puisqu’il m’est prouvé que ce livre a en lui quelque vitalité[1], je ne puis m’empêcher de jeter ici ces réflexions sur la liberté que doit
- ↑ Treize éditions réelles de formats divers et des traductions dans toutes les langues peuvent en être la preuve. (Note de l’Éditeur.)