tante ; il s’est bien fait attendre, cet aimable Desbarreaux. Allons, vite un siége, placez-vous près de cette table, et lisez.
Celle qui parlait était une femme de vingt-quatre ans environ, grande, belle, malgré des cheveux noirs très-crépus et un teint olivâtre. Elle avait dans les manières quelque chose de mâle qu’elle semblait tenir de son cercle, composé d’hommes uniquement ; elle leur prenait le bras assez brusquement en parlant avec une liberté qu’elle leur communiquait. Ses propos étaient animés plutôt qu’enjoués ; souvent ils excitaient le rire autour d’elle, mais c’était à force d’esprit qu’elle faisait de la gaieté (si l’on peut s’exprimer ainsi) ; car sa figure, toute passionnée qu’elle était, semblait incapable de se ployer au sourire ; et ses yeux grands et bleus, sous des cheveux de jais, lui donnaient d’abord un aspect étrange.
Desbarreaux lui baisa la main d’un air galant et cavalier ; puis il fit avec elle, en lui parlant toujours, le tour d’un salon assez grand où étaient assemblés trente personnages à peu près ; les uns assis sur de grands fauteuils, les autres debout sous la voûte de l’immense cheminée, d’autres causant dans l’embrasure des croisées, sous de larges tapisseries. Les uns étaient des hommes obscurs, fort illustres à présent ; les autres, des hommes illustres, fort obscurs pour nous, postérité. Ainsi, parmi ces derniers, il salua profondément MM. d’Aubijoux, de Brion, de Montmort, et d’autres gentilshommes très-brillants, qui se trouvaient là pour juger ; serra la main tendrement et avec estime à MM. de Monteruel, de Sirmond, de Malleville, Baro, Gombauld, et d’autres savants, presque tous appelés grands hommes dans les annales de l’Académie, dont ils étaient fondateurs, et nommée elle-même alors tantôt l’Académie des beaux esprits, tantôt l’Académie éminente. Mais M. Desbarreaux fit à peine un signe de tête