Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/338

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— Il faut le chercher et le jeter par la fenêtre ! dirent les jeunes gens.

Cependant l’assemblée avait éprouvé une sensation fâcheuse, on ne se parlait plus qu’à l’oreille, et chacun regardait son voisin avec méfiance. Quelques personnes se retirèrent : la réunion s’éclaircit. Marion de Lorme ne cessait de dire à chacun qu’elle chasserait ses gens, qui seuls devaient être soupçonnés. Malgré ses efforts, il régna dans cet instant quelque froideur dans la salle. Les premières phrases du discours de Cinq-Mars laissaient aussi de l’incertitude sur les intentions du Roi, et cette franchise intempestive avait un peu ébranlé les caractères les moins fermes.

Gondi le fit remarquer à Cinq-Mars.

— Écoutez, lui dit-il tout bas : croyez-moi, j’ai étudié avec soin les conspirations et les assemblées ; il y a des choses purement mécaniques qu’il faut savoir ; suivez mon avis ici : je suis vraiment devenu assez fort dans cette partie. Il leur faut encore un petit mot, et employez l’esprit de contradiction ; cela réussit toujours en France ; vous les réchaufferez ainsi. Ayez l’air de ne pas vouloir les retenir malgré eux, ils resteront.

Le grand Écuyer trouva la recette bonne, et s’avançant vers ceux qu’il savait les plus engagés, leur dit :

— Du reste, messieurs, je ne veux forcer personne à me suivre ; assez de braves nous attendent à Perpignan, et la France entière est de notre opinion. Si quelqu’un veut s’assurer une retraite, qu’il parle ; nous lui donnerons les moyens de se mettre dès à présent en sûreté.

Nul ne voulut entendre parler de cette proposition, et le mouvement qu’elle occasionna fit renouveler les serments de haine contre le Cardinal-Duc.

Cinq-Mars continua pourtant à interroger quelques personnes qu’il choisissait bien, car il finit par Montrésor,