Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/404

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Newbury une bataille désastreuse et peu profitable à Sa Majesté Britannique. Le Parlement se prolonge, et il a pour lui les grandes villes, les ports et toute la population presbytérienne. Le roi Charles 1er  demande des secours, que la Reine ne trouve plus en Hollande.

— Il faut envoyer des troupes à mon frère d’Angleterre, dit Louis. Mais il voulut voir les papiers précédents, et, en parcourant les notes du Cardinal, il trouva que, sur une première demande du Roi d’Angleterre, il avait écrit de sa main :

« Faut réfléchir longtemps et attendre : — les Communes sont fortes ; — le Roi Charles compte sur les Écossais ; ils le vendront.

« Faut prendre garde. Il y a là un homme de guerre qui est venu voir Vincennes, et a dit qu’on ne devrait jamais frapper les princes qu’à la tête. Remarquable, » ajoutait le Cardinal. Puis il avait rayé ce mot, y substituant : « Redoutable. »

Et plus bas :

« Cet homme domine Fairfax ; — il fait l’inspiré ; ce sera un grand homme. — Secours refusé ; — argent perdu. »

Le Roi dit alors : — Non, non, ne précipitez rien, j’attendrai.

— Mais, Sire, dit Chavigny, les événements sont rapides ; si le courrier retarde d’une heure, la perte du roi d’Angleterre peut s’avancer d’un an.

— En sont-ils là ? demanda Louis.

— Dans le camp des Indépendants, on prêche la République la Bible à la main ; dans celui des Royalistes, on se dispute le pas, et l’on rit.

— Mais un moment de bonheur peut tout sauver !

— Les Stuarts ne sont pas heureux, Sire, reprit Chavigny respectueusement, mais sur un ton qui laissait beaucoup à penser.