Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/406

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née, armée de deux yeux flamboyants et terminée par une barbe aiguë et blanchâtre ; cette calotte et ces vêtements de la couleur du sang et des flammes, tout lui représentait un esprit infernal.

— Régnez, dit-il d’une voix faible.

— Mais me livrez-vous Cinq-Mars et de Thou ? poursuivit l’implacable ministre en s’approchant pour lire dans les yeux éteints du prince, comme un avide héritier poursuit jusque dans la tombe les dernières lueurs de la volonté d’un mourant.

— Régnez, répéta le Roi en détournant la tête.

— Signez donc, reprit Richelieu, ce papier porte : « Ceci est ma volonté, de les prendre morts ou vifs. »

Louis, toujours la tête renversée sur le dossier du fauteuil, laissa tomber sa main sur le papier fatal, et signa.

— Laissez-moi, par pitié ! je meurs ! dit-il.

— Ce n’est pas tout encore, continua celui qu’on appelle le grand politique ; je ne suis pas sûr de vous ; il me faut dorénavant des garanties et des gages. Signez encore ceci et je vous quitte.

« Quand le Roi ira voir le Cardinal, les gardes de celui-ci ne quitteront pas les armes ; et quand le Cardinal ira chez le Roi, ses gardes partageront le poste avec ceux de Sa Majesté[1]. »

De plus :

« Sa Majesté s’engage à remettre les deux Princes ses fils en otage entre les mains du Cardinal, comme garantie de la bonne foi de son attachement[2]. »

— Mes enfants ! s’écria Louis relevant sa tête, vous osez…

  1. Manuscrit de Pointis, 1642, no 185.
  2. Mémoires d’Anne d’Autriche, 1642.