Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/43

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vit qu’il se trouvait dans un petit bois et un chemin trop étroit pour que les chevaux pussent passer à droite ou à gauche de la voiture, avantage très-grand pour les agresseurs, puisque les mousquetaires ne pouvaient avancer ; il cherchait à voir ce qui se passait, lorsqu’un cavalier, ayant à la main une longue épée dont il parait les coups que lui portait un garde, s’approcha de la portière en criant : Venez, venez, monsieur le maréchal.

— Eh quoi ! c’est vous, étourdi d’Henry, qui faites de ces escapades ? Messieurs, messieurs, laissez-le, c’est un enfant.

Et de Launay ayant crié aux mousquetaires de le quitter, on eut le temps de se reconnaître.

— Et comment diable êtes-vous ici ? reprit Bassompierre ; je vous croyais à Tours, et même bien plus loin, si vous aviez fait votre devoir, et vous voilà revenu pour faire une folie ?

— Ce n’était point pour vous que je revenais seul ici, c’est pour affaire secrète, dit Cinq-Mars plus bas ; mais, comme je pense bien qu’on vous mène à la Bastille, je suis sûr que vous n’en direz rien ; c’est le temple de la discrétion. Cependant, si vous aviez voulu, continua-t-il très-haut, je vous aurais délivré de ces messieurs dans ce bois où un cheval ne pouvait remuer ; à présent il n’est plus temps. Un paysan m’avait appris l’insulte faite à nous plus qu’à vous par cet enlèvement dans la maison de mon père.

— C’est par ordre du roi, mon enfant, et nous devons respecter ses volontés ; gardez cette ardeur pour son service ; je vous en remercie cependant de bon cœur ; touchez là, et laissez-moi continuer ce joli voyage.

De Launay ajouta : — Il m’est permis d’ailleurs de vous dire, monsieur de Cinq-Mars, que je suis chargé par le roi même d’assurer monsieur le maréchal qu’il est