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hara-kiri

cellente pianiste. Les convives, en rangs d’oignons, payaient leur dîner en exclamations admiratives. Dandinant sur le tabouret ses chairs avachies, ses seins qui battaient le branle-bas de la vieillesse, Flora faisait des grâces. Vraiment, on se demandait comment Léon Blanche pouvait avoir le courage de rester l’amant de cette grosse femme farcie de grogs et de bas-bleuisme. Il devait y avoir, derrière ces exhibitions publiques où le jeune homme faisait l’empressé pour ne pas augmenter l’abaissement de son rôle, de terribles scènes de vie à deux. Debout auprès d’elle, il chantait une barcarolle. En les voyant ainsi unis comme des amoureux, elle, vieille, laide, abrutie, fanée, lui, jeune, beau, spirituel, dans toute la fougue et la vigueur de sa puberté, il était impossible de ne pas se faire une haute idée de la puissance de l’or.

Toquaire agacé, félicitait fiévreusement Flora de Rocroy. On le pria de tenir le piano à son tour. Cette petite comédie se renouvelait tous les huit jours. Toquaire exécuta un morceau impétueux. D’après ses théories, on pouvait exprimer avec la musique toutes les idées. En ce moment, ce qu’il jouait représentait une scène dans un ménage d’ouvriers. Devant le piano, il se pâmait, voyant son sujet, extatiquement.

Personne ne comprenait rien. On se regardait avec de petits sourires de mépris. Il était vrai-