deux heures passées au Campo Santo de Gênes comme je ne m’étais amusé depuis bien longtemps.
Le fou rire nous a pris tout de suite, mes compagnons et moi, et ne nous a plus lâchés tant qu’a duré notre promenade.
Veuillez imaginer qu’un sculpteur s’occupe à prendre des dessins d’Hermann Paul ou de Forain et à les exécuter en marbre blanc, et que des gens sérieux déposent pieusement ces chefs-d’œuvre sur leurs tombeaux de famille.
Les veuves, les veufs, les orphelins, tout ça est représenté en des effondrements de douleur comique, affublé de toilettes inénarrables et dans des poses qui réjouiraient les plus moroses.
Les messieurs sont figures debout, tenant d’une main un mouchoir et de l’autre un invariable chapeau melon.
Oh ! ce chapeau melon taillé en plein carrare !
Tous ont un pardessus et sont chaussés de bottines à élastiques.
Les dames, elles, sont terrassées par la douleur, et leur tête est couverte d’une mantille dont le sculpteur se garde bien d’oublier la moindre maille.
Leurs robes sont exécutées avec une touchante conscience et conformément à la mode du jour où s’est produit le deuil.