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L’AUTO-BALLON

Aussi accueillîmes-nous le nouveau venu d’une mine accorte.

Quand nous eûmes échangé les préliminaires de la courtoisie courante :

— C’est que, continua sir A. Kashtey, l’aérostation, ça me connaît un peu !… J’en ai fait jadis dans des conditions peut-être uniques au monde !

Je vis Cap lever d’imperceptibles épaules… Conditions uniques au monde !… Téméraire étranger, va !

Sans se laisser démonter, Kashtey ajouta :

— Le particulier de mon ascension, c’est que le ballon c’était moi-même.

Du coup, Cap fut visiblement gêné. Sa mémoire, consultée à la hâte, ne recélait nul analogue souvenir, et son imagination, pourtant si fertile, nulle idée ingénieuse.

Sir A. Kashtey, après avoir eu la politesse de faire remplir nos verres, dit encore :

— Il y a une dizaine d’années de cela… Je commandais le brick King of Feet, chargé d’acide sulfurique, à destination d’Hochelaga. Une nuit, à l’embouchure du Saint-Laurent, nous fûmes coupés en deux, net, par un grand steamer de la Dark-Blue Moon Line et nous coulâmes à pic, corps et biens.

— Triste !

— Assez triste, en effet ! Moi j’étais chaussé de mes grosses bottes de mer en peau de loup-phoque, imperméables si vous voulez, mais peu indiquées