Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/16

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— Tenez, capitaine Flambeur, regardez bien ce bonhomme-là. Je vous dirai tout à l’heure qui c’est.

— Qui est-ce ?

— Alphonse Daudet.

— Alphonse Daudet !… Celui qui a fait Tartarin de Tarascon ?

— Lui-même !

— C’est vrai, pourtant. Voilà son chapeau avec ses initiales… Ah ! le pauvre bougre ! Mais il ne gagne donc pas d’argent ?

— Si, il gagne beaucoup d’argent, mais, malheureusement, c’est un homme qui boit !

— C’est égal, c’est bien triste de voir un homme de cette valeur-là dans cette purée !

— Ah ! oui, bien triste ! Mais, pour moi, un homme qui boit n’est pas un homme intéressant.

— Je ne vous dis pas, mais… si on le réveillait pour lui payer à déjeuner ?

— Gardez-vous en bien ! Daudet est malheureux, mais très fier.

Alors, très discrètement, le bon papa Flambeur tira une pièce de cent sous de son porte-monnaie et l’inséra dans la poche de l’auteur des Kamtchatka.

J’avais oublié cette histoire : il a fallu, pour me la rappeler, que le capitaine Flambeur me demandât, l’autre jour :

— Et Daudet ?