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UNE PINCÉE D’AVENTURES RÉCENTES

Jamais je ne m’étais servi de ce mode de locomotion.

Il y avait donc là une occasion unique de débuter dans la carrière, puisque je devais dîner le soir à Maisons-Laffite.

Je m’installai sur l’impériale.

Mais voilà-t-il pas… Tais-toi, ma rancune.

Voilà-t-il pas que, boulevard des Italiens, j’aperçus des gens que j’avais intérêt à rencontrer.

J’émis la peu farouche prétention de descendre.

— Pardon, fit le conducteur, vous n’avez pas le droit de descendre avant la gare Saint-Lazare.

— Je n’ai pas le droit de descendre ? Je n’ai pas le droit de descendre où je veux ?

— Non, monsieur.

— Eh bien ! nous allons voir ça !

J’allais employer la violence quand je fus séduit par l’étrangeté de la situation.

— Un citoyen français, libre, innocent, ayant payé sa place, n’aurait pas le droit de descendre d’une voiture publique, à tel moment qu’il lui plairait !

— Non, monsieur.

Tous les voyageurs me donnaient tort et semblaient prendre en pitié ma déplorable ignorance.

Un vieux monsieur, officier de la Légion d’honneur, me demanda :

— Vous êtes étranger, sans doute ?

— Mon Dieu, monsieur, je suis étranger sans l’être, étant né dans le Calvados de parents français.