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DEUX ET DEUX FONT CINQ

Des hardes, d’un ton plutôt pisseux, gisaient sur les meubles les moins faits pour les recueillir.

Sur une table, traînait tout ce qu’il faut pour ne pas écrire.

Dans un autre coin, se trouvait assemblé l’attirail nécessaire pour ne pas peindre ; de vieilles toiles informément ébauchées, des palettes dont la sécheresse semblait dater de la Renaissance, des brosses qu’on aurait juré sorties de chez Dusser, des tubes d’où s’étaient évadés, sans espoir de retour, les riches cobalts et les lumineux cadmiums…

— C’est là votre atelier ? fis-je au peintre.

— Mon atelier ? Quel atelier ?

— Eh bien, là où vous travaillez, parbleu !

— Là où je travaille, moi ? Mais est-ce que je travaille, moi ? Est-ce qu’un sincère furtivo-momentiste peut travailler ?… Dans le temps, oui, j’ai travaillé… Le matin, je me mettais à peindre une bonne femme… j’allais déjeuner… je revenais… Eh bien, ça n’y était plus… En une heure, devenu vieux jeu, ridicule, périmé ! Alors, j’ai renoncé à peindre.

Et pour marquer son inexprimable lassitude le furtivo-momentiste déboucha la cinquième bouteille de mon excellente bière de Nuremberg. (J’ai oublié de faire mention de la quatrième : je serai reconnaissant au lecteur de me pardonner ce petit oubli.)

Sur la cheminée de ces messieurs s’étalait la pho-