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DEUX ET DEUX FONT CINQ

Un des grands reproches que je formulerais à son égard, si je m’en reconnaissais le droit, c’est de se livrer au culte d’une foule de jeunes femmes successives, rapidement successives.

J’en étais là de mes réflexions sur le docteur P…, quand le monsieur qui l’avait traité de rude salaud crut devoir insister :

— Oh ! oui, un rude salaud ! Savez-vous ce qu’il a fait, l’autre soir, en pleine brasserie, devant une trentaine de personnes ?

— Oh ! mon Dieu ! vous me faites peur !

— Cet individu s’est levé, a serré la main de ses amis, s’excusant de les quitter si tôt, mais il avait, disait-il, rendez-vous chez lui avec un jeune garçon boucher…

— Quelle blague !

— Pas du tout, mon cher, c’est très sérieux. Il donnait même des détails : un jeune garçon boucher qui n’était pas dans une musette ! Et en disant ces mots, le docteur faisait le geste d’envoyer des baisers imaginaires, comme pour exprimer un idéal échappant à toute description. Voilà ce que c’est que votre docteur P…

Ai-je besoin de disculper mon vieux docteur ?

Cette accusation reposait sur les bases d’argile du simple malentendu.

D’un simple coup d’éventail, je renversai le fragile édifice.