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DEUX ET DEUX FONT CINQ

dans nos colonnes la missive de ce Gabriel de Lautrec, qui ne sera jamais, décidément, sérieux :

« Mon cher Allais,

» Je couvre mes yeux de ma main, un instant ; je rejette en arrière, d’un mouvement convulsif, mes cheveux où mes doigts amaigris mettent un désordre voulu ; je ranime la flamme jaune des bougies dans les chandeliers d’ébène, en cuir de Russie, qui sont le plus bel ornement de mon intérieur ; j’envoie un sourire voluptueux et morne à l’image de la seule aimée, et, après avoir disposé sur mes genoux, symétriquement, les plis du suaire à larmes d’argent qui me sert de robe de chambre, je vous écris — c’est à cette circonstance bien personnelle que la lettre qui va suivre emprunte son intérêt (avec l’intention formelle de ne jamais le lui rembourser).

» Si j’ai tardé à vous répondre, c’est que j’ai fait ces jours derniers un petit voyage, — en chemin de fer.

» En chemin de fer ! direz-vous — mon cher ami ! Oh oui ! je suis bien revenu des mes idées arriérées. Les chemins de fer ont leur avantage ; il faut faire quelques concessions à son siècle. La vie est faite de concessions — à perpétuité.

» Lorsque votre lettre m’est parvenue, je relisais les épreuves de mon volume sur l’Adaptation des Caves glacières à la conservation des hypo-