Page:Allais - En ribouldinguant.djvu/133

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— Alors, vous avez bien fait d’agir ainsi.

— Je suis heureux d’avoir l’approbation d’un homme d’esprit comme vous.

(Devant cette petite déclaration flatteuse, mais si juste, je crus un instant que le petit gros homme joufflu était au courant de ma personnalité. Légère erreur, vite reconnue.)

J’avais fini par m’intéresser aux événements passés sous silence par mon voisin. Tel le lecteur tant passionné par un feuilleton de rencontre qu’il en recherche le début sans tarder.

Mon bonhomme ne se fit pas autrement tirer l’oreille et tomba bientôt dans mon habile panneau (Pleyel).

— Dès mon arrivée à Paris, dit-il, lesté d’un joli petit patrimoine assez rondelet, je fus tout de suite remarquable par le grand nombre de mes amis et de mes maîtresses… Avez-vous jamais vu une pelletée de neige fondre sous le soleil de messidor ?

— Je n’oserais l’affirmer.

— C’est fâcheux, car vous auriez ainsi une idée de la rapidité avec laquelle se volatilisèrent mes ors et mes argents au double jeu de l’amour et de l’amitié. Un beau jour, mon notaire, qui est un réputé farceur, m’écrivit que j’avais encore, au sein de sa caisse, une belle pièce de 72 francs et quelque chose : le tout à ma disposition… Voyez-vous ma tête d’ici ?

— Comme si j’y étais !

— Eh bien ! vous vous trompez du tout au tout, car, en post-scriptum, mon joyeux tabellion m’annonçait que ma vieille horreur de tante Blanche venait de claquer, m’instituant son