Le tripoli
C’était un homme de ma compagnie qui s’appelait Lapouille, mais que nous avions baptisé l’Homme, à cause d’une histoire à lui arrivée récemment.
En manière de parenthèse, voici cette histoire :
Puni de consigne — comme il lui advenait plus souvent qu’à son tour — l’excellent Lapouille avait, tout de même, jugé bon de faire en ville un petit tour hygiénique, lequel se prolongea jusque vers les onze heures du soir.
Aussi, dès son retour à la caserne, fut-il invité par monsieur l’adjudant à terminer à la salle de police une nuit si bien commencée.
Lapouille, sans murmurer, revêtit la tenue d’usage, empoigna sa paillasse et se dirigea, d’un pas philosophe, vers les salles de discipline.
— Comment, encore un ! s’écria le sergent de garde. Mais, c’est complet, ici !
— Bon, fit tranquillement Lapouille, n’en parlons plus. Je vais aller coucher à l’hôtel.
— La salle de police des hommes est pleine… On va vous mettre dans la salle des sous-officiers. Justement il n’y a personne.
Mais Lapouille n’entendait pas de cette oreille. Il protesta froidement :
— Pardon, sergent, je suis un homme, et j’entends subir ma peine dans la salle de police des hommes.
— Puisque je vous dis que c’est plein, espèce d’andouille !
— Je m’en f… sergent, je suis un homme, je ne connais que ça !
— Mais bougre d’imbécile, vous serez bien mieux dans la salle des sous-offs.
— Il ne s’agit pas de bien-être, là dedans ! C’est une question de principe. Suis-je un homme ? Oui. Eh bien, on doit me mettre dans la salle des